Boring people can be sparkles.

Si par hasard, le vendredi soir dernier vous traîniez inopinément dans la petite rue des bars de la toute aussi petite ville en bord de mer de l'île d'Hokkaido, eh bien vous avez certainement du croiser cette énergumène planter devant le bar aux néons bleus et verts. Ses cheveux blonds décolorés ballottant dans le vent frais de la soirée, des lunettes de soleil Ray Ban posées sur le nez pour une quelconque autre raison que le soleil vu qu'il faisait nuit, un petit gilet blanc avec des poils d'un pauvre animal abattu – genre du renard, tout autour de la capuche, avec ce superbe slim noir assorti à un débardeur Jack Daniel's  tout aussi noir – rpz, ainsi que des vans à motif léopard. BONJOUR, JE M'APPELLE INCOGNITO, C'EST MOI.

Non en fait, il s'agissait de Quân. Pourquoi tant d'efforts pour faire partie du paysage ? Eh bien monsieur venait de fuguer. Effectivement, son dit manager voulait le forcer à prendre du repos à force d'enchaîner les soirées effrénées en tant que DJ. Malheureusement, le Vietnamien ne l'entendait pas du tout de cette oreille : il avait bien l'intention d'aller faire un petit barathon ce soir-là. Un caprice parmi tant d'autres.
La partie de cache-cache était bien évidemment trop facile vu comment Quân cherchait absolument à bien se camoufler. Donc son manager l'avait laissé faire, craignant aussi un pétage de câble en public, allant certainement nuire à sa réputation et créer un scandale monstre. On finit par se résigner, souvent, quand on a côtoyé un certain temps le Vietnamien.

Du coup, après avoir fait la potiche pendant bien une vingtaine de minutes, Quân se décida à entrer dans le fameux bar. Comme tous les vendredis soirs – ville étudiante oblige, l'endroit était bondé. Certains même abandonnaient l'idée de pouvoir se caler ici et tentaient un autre bar, mais tous étaient ainsi. Le blond ricana un instant, voilà que se présentait sous son nez le challenge de toute une vie : trouver tout de même une place de roi parmi la populace. Rien de bien difficile. Tel un valeureux guerrier qui aurait normalement dégainer son épée, Quân ôta ses lunettes de soleil qu'il cala sur le col de son débardeur et se glissa dans la foule – la plupart de la gente masculine, et arriva à se faufiler jusqu'au comptoir où un siège l'attendait depuis tout ce temps. Quân afficha un sourire satisfait. Qu'est-ce qu'il avait dit : la place du roi.

Il s'installa donc sans plus de cérémonie et se commanda un verre de whisky. Pardon ? Qu'avez-vous dit ? Comment ça les asiatiques ne tiennent pas l'alcool ? Je ne vous permets pas ! Une fois le verre entre les mains, faisait rouler le gros glaçon en forme sphérique du bout de son index, il se mit à écouter les douces discussions de ce bas monde. Ca n'avait décidément rien à avoir avec ces soirées un peu trop VIP, à ces anniversaires capricieux de gosses de riches où il était convié, soit en tant qu'invité, soit en tant qu'ambianceur. Quân soupira un instant tout en ayant un sourire en coin. Quel mal y avait-il à se mêler au commun des mortels, hein ?

On se mêle mais on ne contacte pas avec les mortels. Or, quelqu'un venait de lui donner un coup de coude, la main de Quân heurta le verre de whisky et renversa un peu du breuvage sur le comptoir. Celui-ci fit claquer sa langue contre son palais, agacé. Qui donc avait osé gâché son groove là ? Lentement, son regard meurtrier se dirigea vers son voisin de droite, fin prêt à lui péter un scandale.


Non le côté hype et pas très racaille de Quân ne le rendaient pas du tout crédible, mais tant pis. Il n'était pas vraiment venu dans l'optique de discutailler avec la peuplade, mais plutôt de les observer. Et de plutôt loin si on pouvait dire. Ces grands airs avaient pour habitude d'intriguer les gens et donc à les faire s'intéresser à lui. Il était donc plus facile de faire régner un mystère et de ce fait, créer une attache. Trop bien calculer tout ça.
En fait, Quân engueulait le pauvre homme à côté de lui mais il n'avait même pas fait attention à sa tête. Peut-être que si ça avait été un vieux... non. Même. Il l'aurait fait jeter par la fenêtre. Il ricana intérieurement et finit par s'intéresser au visage de sa pauvre « victime » verbale disons.

Une fois les yeux posés sur le minois, Quân haussa un sourcil. Quoi ? Mais c'était un mec banal. Certainement de son âge, même si on nous savons pertinemment que les asiatiques font bien plus jeunes que leur âge – la vieillesse ne les atteint pas *shine*, le mec avait les cheveux banalement bruns, un visage banalement – ou presque, efféminé. Rien d'intéressant quoi. Le Vietnamien soupira cette fois d'exaspération. La populace ne recèle pas vraiment de gens excentriques. Rien à voir avec son monde musical où tout est permis. Trop terne, trop vide. Machinalement, il agita sa main dans l'air, désabusé et but son verre cul sec.