« Je doute que tu puisses me manger ! »

La semaine avait été longue et fastidieuse. Il y avait d'abord eut Aoba... Mon Dieu, je m'étais bien marré, par contre, il y a certaines choses qui se sont produites entre nous... Je ne sais pas si c'était réciproque, mais il vaut mieux que je n'y pense pas, sinon ça va me donner la migraine. Moi qui pensait tout savoir ! J'étais dans de beaux draps. Sans compter cette histoire avec ces chiennes d'amazons... Il faut toujours se méfier des gens violents, ils ne réfléchissent pas, ils frappent. Et parfois sans aucune raison visible ! C'est vraiment la pire combinaison possible avec les gens comme moi qui réfléchissent peut-être trop. Je le savais pourtant. Je ne devrais pas m'étonner qu'on s'en soit pris à moi, ce n'est pas comme si s'était la première fois que je recevais des coups. Mais je n'aimais pas cette situation qui leur laissait croire qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait de moi. Certes, je n'avais pas répondu, mais n'allez pas croire que ma vengeance en sera moins terrible.

Tout ça pour dire que le début de semaine avait été pourri et que j'étais bien content que le week-end arrivait. Encore fallait-il survivre à cette journée, mais ça devrait aller, les choses semblaient s'améliorer. Déjà, mes blessures, qui étaient toujours là bien évidemment, commençaient doucement à disparaître. Si ça ce n'était pas un signe qui montrait que les choses évoluaient vers du positif !

Soit, au final, nous voici vendredi, le début de journée avait été relativement normale, les cours, les « amis », les sourires de saints... Et mine de rien, la journée avait avancée et il était déjà l'heure de manger. M'engageant dans le réfectoire avec des amis, je pris un peu de retard lorsque je me servis à manger, les laissant aller s'installer avant moi. Entrée, plat principale dessert, au final tout était japonais parce que je n'avais jamais eut l'occasion de manger autre chose et que bon... C'est sympa de temps en temps de découvrir des nouveaux plats, mais parfois il est bon de se contenter de ce qu'on sait déjà aimer. C'est comme ça que lorsque la collision eut lieu, je me retrouvai avec du riz au curry sur mon tee-shirt...blanc.

« NON ! MON TEE-SHIRT ! »

Ouais... Merci... Moi aussi je te ferai dire ! Enfin, soyons zen, tu sais très bien comment sont les gens Izumi, je ne comprends même pas pourquoi ça arrive encore à m'étonner. Jouons le jeu. Je regardai la tache du jeune homme, regardai son plateau et commençai à gigoter nerveusement -enfin, c'est ce qu'il est censé croire- avant de lui dire :

« Oh mon Dieu ! Je suis terriblement désolé ! Je ne regardais pas où j'allais *ou plutôt toi, tu ne regardais pas*, comment je vais faire, c'est une sale tâche qui tu as là ! Oh mon Dieu ! Que faire ? Je vais devoir le repayer... Argh, c'est franchement pas cool ! »

Au fur et à mesure que je continuais mon discours, mes mouvements devenaient plus saccadés, le stress et l'angoisse ressortant.

« Oh ! Mais je sais ! »  lui dis-je comme si j'avais eut un éclaire de génie.

Je le pris par la main et l'emmenai avec moi à travers tout le réfectoire. Une fois sorti, je pris la direction des toilettes pour hommes qui étaient vraiment juste à côté et soupirai de soulagement en voyant qu'elles étaient vides.

« Heureusement pour nous, il n'y a personne ! »

Je lui lançai un grand sourire avant d'enlever mon tee-shirt.

« Il faut enlever nos tee-shirts pour pouvoir les tremper dans l'eau si je ne me trompe. »

J'attendrai qu'il le fasse, mais il ne semblait pas se décider. Que faire que faire ? Aurais-tu des scrupules à te mettre torse nu devant ? Les gens timides sont tellement mignons ! Et surtout amusant...

« Et bien ? Ne sois pas gêné, regardes-moi ! Je n'ai pas honte de me montrer. »

Et pourtant, j'aurais pu si on prenait en considération les bleus qui jaunissaient sur mon torse et les traces rouges qui restaient des griffures qu'on m'avait infligées. Je m'avançai vers lui et fit mine de lever son tee-shirt.

« Je...mon tee-shirt est foutu de toute façon...t'as qu'à laver le tiens. »

S'il n'était pas mignon ! Bon, pas autant que moi, mais lui, c'est naturel. Les gens qui rougissent, ça me donne envie de les brimer... Aaaah, que je pouvais avoir une imagination débordante parfois, il faut dire que ce que j'avais vécu par le passé ne m'aidait pas à avoir un esprit sain... Alors l'imaginer attacher en train de rougir et pleurer alors que je lui fais des choses qu'il n'oserait pas répéter à ses parents... Ça me donne des frissons.

« Et j'suis pas gêné... »

Tu n'es pas gêné... Si tu n'es pas mignon, franchement. Heureusement que je suis ce que je suis, avec quelqu'un d'autre, tu te serais sûrement déjà fait violer... Je veux dire, regardes la façon dont tes joues se sont colorées... Et la manière dont tu tiens ton tee-shirt... Je me demande comment tu réagirais si tu ne pouvais pas te cacher de cette façon...

« Pourquoi t'as des cicatrices comme ça ? » Oh, il a de la répartie le petit ? Héhé, je ne suis pas sûr qu'il fasse le poid mais bon, il n'est pas censé le savoir. « Moi j'aimerais pas me montrer avec de telles marques sur le corps. »

Oooh, si tu n'es pas chou. Mais tu n'as rien vu, je suis désolé de te l'apprendre. Bon, faisons lui comprendre que personne ne peut me résister. J'étais le meilleur du monde lorsqu'il s'agissait de jouer la comédie. Il faut dire que j'avais toute une panoplie de souvenirs qui me permettaient d'interpréter mes rôles à la perfection. Je sentis mes yeux se remplir de larmes alors que mon visage se déformait sous le choc des paroles qu'il venait de prononcer. Quel homme cruel de faire pleurer un garçon aussi mignon que moi, mais les yeux de chiens battus, il y a peu de gens qui y résistent.

« Mais... »

Une larme coula sur ma joue alors que j'entendis des bruits de pas derrière la porte. Si je ne voulais pas qu'il échappe à son châtiment, il ne fallait pas que quelqu'un nous surprenne. Alors je le poussai dans une cabine où l'on pouvait verrouiller la porte et m'y glissai avec lui. Je plaçai une main sur sa bouche pour l'empêcher de faire du bruit alors que j'étais coller contre lui. Malgré tout, mon coeur battait à cent à l'heure alors que j'espérais que personne ne nous remarque ou regarde sous les portes.

« Chuuut, tu ne voudrais quand même pas qu'on nous voit ensemble comme ça si ? Je ne suis peut-être pas très intelligent, mais je sais bien ce que ça veut dire pour les autres ce genre de situation. »

J'essuyai l'humidité de mes yeux en attendant que la personne qui était de l'autre côté de la porte s'en aille, ma main toujours sur ses lèvres. Lorsque j'entendis la porte se refermer, je soupirai de soulagement. Mes genoux tremblèrent légèrement suite à cette chute d'adrénaline. N'avais-je pas déjà dit que le meilleur des mensonges était souvent la vérité ?

« Désolé... » lui chuchotais-je alors que du bout de mon doigt, j'empêchais la dernière de mes larmes de rouler sur ma joue. Il est tellement facile de pleurer, mais s'arrêter c'est une autre affaire.

« Ce n'est pas très gentil ce que tu m'as dit... »

Genre... Ça existait vraiment les gens qui faisaient des bisous sur les paupières d'autres gens... je veux dire... Vraiment ? C'est trop bizarre quand on y pense, est-ce que ce garçon n'était pas un peu trop fleur bleue ? Il allait se faire manger dans le monde réel, un jour quelqu'un finirait par le violer ou je ne sais pas trop quoi... Enfin, je suppose que vu mon physique et mon acte digne d'un dieu, il ne devait pas tellement se sentir en danger... Ça pourrait être une excuse, mais elle est à vérifier.

« Pardon, je ne voulais pas t'offenser. »

C'est teeeeellement facile d'être méchant et après de s'excuser. C'est beaucoup plus difficile de se retenir d'être méchant quand on en a l'envie ou encore d'être méchant et de l'assumer après. Je veux dire, tu pensais totalement ce que tu m'as dit, mais tu t'excuses parce que cela m'a blessé ou offensé et que dans notre société, il y a des règles tacites qui nous imposent de s'excuser. Au final, pourquoi tu t'excuses ? C'est plutôt parce que je t'ai mis ta faute en plein sous ton nez et que tu culpabilises. Mais est-ce vraiment parce que tu es désolé de ce que tu as dit ? J'en doute.

Lorsqu'il vit que mes genoux tremblaient, il me porta. Je laissai un sourire s'épanouir sur mes lèvres. Faisant penser que je le trouvais vraiment gentil et que j'étais heureux qu'il m'aide, alors qu'en faite, mon cerveau lui criait que tout ceci était tellement cliché... Il allait finir par se faire violer, c'est sûr.

« Calme toi, hm ? C'est gentil de...m'avoir caché comme ça. Mais du coup...c'est un...peu tendancieux là non ? »

« Tendancieux ? »

Aaaah, si je savais me faire rougir à volonté, je lui aurais sûrement fait le coup du gars qui vient de comprendre la situation, mais vu que ce n'est pas le cas... Jouons les idiots jusqu'au bout. Mais bon, tendancieux, c'est à voir. Pourquoi trouves-tu cette situation tendancieuse ? Si tu étais hétéro et que j'étais hétéro, ce genre d'idées ne te passerait même par la tête. Est-ce que cela sous-entends que tu es gay ? Ou bi ? Même pas besoin de coucher avec lui pour apprendre des choses héhé !

« Il est foutu...et maintenant qu'il trempe dans un truc dégueu au sol, j'vais devoir me trimballer torse nu dans les couloirs....fais chier tiens. »

... Laisses-moi rire. Toi ? Te trimballer torse nu dans les couloirs ? Et la fée clochette, c'est la petite amie de Dark Vador ? Pour une raison étrange, il semblait vraiment tenir à ce tee-shirt. Je n'arriverai sans doute jamais à comprendre ce genre de sentiments envers un objet, je n'ai jamais eut de choses auxquelles je tenais réellement et s'il y en a eut, je les aies oubliés depuis longtemps, ce n'est pas comme si je pouvais me permettre ce genre de sentiments envers des choses aussi éphémères, je crois que continuer à avoir ce genre d'émotions s'appelle du masochisme.

Et voilà le couinement... Même moi je ne couinais pas... Mais bon, ça faisait son effet, peut-être que je devrais m'entraîner à pousser ce genre de chose à l'occasion ? Mais le jeune homme ne me laissa pas me plonger dans mes réflexions plus longtemps et il me porta jusqu'aux lavabos. Il sembla me détaillé pendant une seconde, pas assez longtemps en tout cas pour que je sois sûr de ça et finit par se pencher sur moi pour prendre un morceau de papier et essuyer mes yeux.

« On le lave ton tee-shirt ? Avant qu'il ne soit foutu lui aussi ? Et sérieusement, c'est quoi toutes ses marques ? Tu soignes ta peau avec des produits maintenant au moins, pour que tu ne gardes pas de traces ? »

Seulement voilà, il ne fallait pas ré-aborder le sujet... Franchement, tu voulais à ce point-là savoir ce qui m'était arrivé ? Tu n'avais jamais vu de bleu de ta vie ? Enfin... Je baissé mon regard alors que des larmes remplirent à nouveau mes yeux, il fallait bien au moins ça pour qu'il me laisse tranquille.

« Je ne veux pas en parler, c'était horrible ! »

Je reniflai et frottai de ma main l'humidité qui s'était installée dans mon regard. Je relevai la tête et tentai un petit sourire.

« Tu sais comment faire partir les tâches ? Sinon, tu sais, je pense que si tu te dépêches d'aller dans ta chambre maintenant, personne ne te verra torse nu, tout le monde est encore en train de manger ! »

Si jamais tu devais encore revenir sur le sujet, il allait falloir que je te réponde... Il y avait comme une règle qui voulait qu'une fois que quelqu'un te pose la même question trois fois, tu devrais y répondre... Ils en ont même fait des légendes et tout le tralala. À mon avis, c'est surtout qu'après la troisième fois, le gars te fait tellement chier que tu te dis qu'il vaut mieux lui raconter tout ce qu'il a envie pour qu'il te laisse enfin en paix ahah.

Oh, il semblerait que le fait de recommencer à pleurer ait réussi à irriter Monsieur. Tant mieux j'ai envie de dire, peut-être que ça arrivera à te convaincre que NON je ne te connais pas assez pour te déballer ma vie... Ou plutôt, la version de ma vie que j'ai prévu de raconter. Si j'ai de la chance, tu ne me reposeras plus la question ! Izumi : 1, Inconnu : 0. Enfin, j'aurais sans doute pu dire ça s'il n'avait pas commencer à faire des choses étranges... Comme jeter son tee-shirt à la poubelle, lui qui n'osait même pas l'enlever quelques minutes plus tôt, pour ensuite, me présenter son dos... Quoi... Sérieux ? Tu veux que je grimpe sur ton dos ? J'ai déjà vu des gars bizarres, mais je pense que là, tu frôles mon top 10. Enfin soit, si tu tiens absolument à ce que je monte sur toi, pourquoi pas ? Ça ne me coûte rien...

...
Wait
...

Je n'aurais peut-être pas du parler aussi vite... Je veux dire... Je n'ai pas rêvé ? Tu viens vraiment de traverser les couloirs à moitié nu pour ensuite me jeter sur ton lit ? Félicitation, vous venez de passer du top 10 au top 5 des mecs les plus loufoques que j'ai rencontré ! Et j'en ai rencontré des mecs bizarres pourtant... Alors que j'étais encore en train de décider si je devais faire ma vierge effarouchée ou juste resté ébahi devant la situation, il commence à fouiller dans son tiroir et sort un pot de crème d'origine inconnue...

« Vu la tête de tes marques, ça ne craindra rien. Allez, mets-toi sur le ventre et détends toi ! »

Euuuuh ... Ça t'excite de tripoter les blessures de autre ou ? Bon, ok, j'arrête de réfléchir, parce que là, ça tourne vraiment en situation trop étrange pour que mon cerveau puisse la comprendre dans son entièreté et puis, même s'il n'a pas l'air très fort comme gars, il a l'air déjà plus costaud que moi – ce qui, me direz-vous, n'est pas très difficile-, donc autant faire ce qu'il me demande. Je finis par me retourner sur le ventre et m'allonge, espérant que ce gars ne soit pas un tordu... Quoique, les tordus parfois font de ces choses...

Enfin soit... Je m'égare alors que lui prend ses aises... À califourchon sur moi ! (vous vous rendez compte ?) Bon, le fait que je sois sur le ventre et qu'il est bien trop haut pour avoir accès à certaines parties de mon anatomie est assez rassurant en soi, mais quand même. Je vous rappelle qu'il a précédemment couru nu (enfin, à moitié) dans les couloirs, m'a jeté sur son lit et qu'à présent, il me chevauche. Je suis certain que si je racontais ça à quelqu'un, il imaginerait des choses bizarres... Je devrais peut-être le faire... Pas de doute que ça sera hilarant à voir... Soit ! Tout ça pour dire que Monsieur a décidé de faire un massage, ou quelque chose qui y ressemble, sur mes blessures et bleus... Autant dire que ce qui aurait du me procurer des sensations agréables me faisait plutôt grincer des dents... Dieu, parfois, j'aimerais tant pouvoir dire honnêtement aux gens d'aller se faire foutre avec leurs bonnes intentions... Mais ça ne se fait pas quand on veut se faire passer pour un gentil garçon comme moi...

« T'es à l'aise au moins ? » 

Je vous parle pas d'une question piège... Est-ce qu'il y a vraiment une réponse convenable à ce genre de choses ? « Oui », bon ok, je me fais passer pour le gars trop con qui a aucune conscience du danger ou pour le gars trop profiteur. « Non », je me fais passer pour un ingrat...

« Je ne sais pas trop... »

Il me tend la main, histoire de me relever et je me laisse faire. Après tout, il vaut mieux être sur un pied d'égalité avec lui, même s'il est beaucoup trop grand pour que ce genre de choses fonctionne vraiment. Enfin, vu qu'on s'est tous les deux limite vu nus, je suppose que ça créer des affinités ?

« Tu devrais apprendre à te défendre tu sais. J'pense pas que t'es fais ça dans des ronces. Oh et ... je peux ? »

Là, mon cerveau envoie des signaux : « t'es sérieux ? » et « quoi ? »... Il me fait sous-entendre qu'il n'a pas oublié de quoi on parlait tout à l'heure, tout en me demandant s'il pouvait me passer le torse ET... Parce que oui, il y a prie. Il a la grâce de rougir ! Ce garçon est juste épique... Si je ne l'avais jamais rencontré, je penserais qu'il n'existe pas...

« Oh au fait...moi c'est Anju. »

« Oh... Et bien... Je suppose que tu peux oui ? Moi, c'est Izumi ! C'est sûr que c'est plus cool de connaître le nom du gars qui nous a massé, après tout, je pourrais peut-être venir te harceler pour que tu recommences.... »

Au cas où il n'aurait pas d'humour, je rajoute un petit « je blague », accompagné d'un rire nerveux. Parce que oui, je viens d'accepter qu'il me tripote l'avant du corps... L'avant SUPERIEUR du corps, attention. Alors, n'est-ce pas normal que ce genre de son s'échappe de ma bouche ? Bien qu'au final je n'étais pas plus nerveux que ça, j'étais toujours en train de m'interroger sur ce que je devais penser de lui.

« Tu fais ça souvent ? Je veux dire... Les massages ? Parce que t'as l'air vachement doué... » Je lui jette un petit coup d'oeil gêné « Enfin, si tu veux pas me le dire, je comprendrais hein, je veux dire, chacun ses secrets quoi... Non pas que ce soit un secret hein ! Enfin... Voilà quoi, je m'embrouille, désolé... »

Je le regarde avec un air desolé... Pour lui faire comprendre que j'avais pas envie de dire autant de bêtises... Même si en faite si, mais ça, il est pas censé le savoir.

« Je dois me coucher ou ? ... Au faite, si tu m'apprends, je pourrais peut-être te le faire à toi aussi ? Pour te remercier ! Parce que bon, j'ai pas grand chose qui pourrait servir de remerciement... Un nouveau tee-shirt ? Mais il sera jamais aussi bien que le précédent... » terminai-je en poussant un gros soupir dépité.