Envole-toi, pétasse :D

Vous savez, ça commence toujours de la même manière. C’était une belle journée très ordinaire, un mercredi banal comme il s’en fait des centaines. Lyov Isaak était allé en cours tout l’avant midi et ayant eu cours de Japonais, il était assez blasé maintenant. Ce cours, il le détestait particulièrement parce qu’il n’était officiellement pas doué dans cette langue et qu’à chaque fois il s’embrouillait et se prenait la tête. Mais maintenant, il s’en fichait bien de son cours précédent, et de ses prises de tête. C’était le midi, et donc la pause bouffe. Il avait comme cette satisfaction d’un dur labeur accompli, et d’une récompense bien méritée, alors il alla à la cafétéria avec un certain entrain. Personne ne pouvait gâcher sa motivation pour l’après-midi, après un bon repas il est toujours d’attaque.
Le jeune homme fit donc la courte file d’attente pour avoir son repas à la cafétéria, sortant avec un plateau bien remplis. Un potage de légumes en entrée, et comme plat principal un de ces mets de nouilles et poulet à la sauce goûteuse qu’il avait tant vu et re-vu depuis son arrivée en Asie. En tout cas, l’odeur lui assurait un repas délicieux, et en plus ils avaient mis une part de gâteau au chocolat pour le dessert ! C’était bien rare, et ce qui est rare, on l’apprécie.
Il avançait donc précautionneusement entre les gens, tentant de rejoindre la table où étaient assis quelques un des bâtards avec qui il s’entendait bien. Mais alors qu’il approchait de son but, quelqu’un derrière lui le bouscula brusquement, ce qui le fit vaciller, plateau en mains, pour venir écraser tout le contenu – et lui de même – sur un autre mec. Carambolage mortel, enfin, pour le gâteau et la bouffe. L’évènement ne dura que quelques secondes, mais il allait suffire à déclencher un cataclysme.

Lorsque Lyov Isaak se redressa, il vit le contenu de son plateau étalé sur le t-shirt d’un garçon qu’il reconnut après l’avoir vu. Il s’agissait de Junichiro, un petit nouveau chez les bâtards. Il le connaissait, comme beaucoup d’autres, parce qu’ils étaient dans le même groupe, et que donc comme lui il avait cette aversion envers les femmes. Comme ils étaient du même ‘groupe’, Lyov considéra que s’excuser était une chose à faire, parce qu’on essaie de se respecter entre bâtards. Il se gratta la nuque et commença piètrement ses excuses…

« Ah, s’cuse mec, on m’a pou-…. »

Puis il réalisa. On l’avait poussé, en effet. Mais qui ? C’est alors qu’il se retourna, posant son regard bleu sur une fille qui se trouvait juste derrière lui, ses bouquins étalés au sol. N’importe quel beau gosse en mode prince charmant lui aurait ramassé ses cahiers, mais à Sei Gakuen ça ne risquait pas d’arrive de sitôt, ou du moins pas avec de bonnes intentions.
La pauvre fille avait tenté de traverser la cafétéria à la course pour rejoindre son club de lecture du midi, à la réunion duquel elle était largement en retard. Mais ces détails, tout ça, Lyov Isaak n’en avait rien à foutre. La fille s’excusa quelques fois, genre dix ou vingt fois, mais c’était peine perdue. Elle pouvait s’asseoir dessus, son pardon, avec un mec comme Lyov dont la nourriture a été foutue en l’air, et le type derrière lui qui avait justement prit ladite nourriture sur le t-shirt, c’était pas gagné pour elle.

Dans la cafétéria, les gens tentaient d’ignorer l’altercation, mais certains devenaient brusquement plus attentifs. Ces scènes n’étaient pas rares, mais ça attirait toujours l’attention de certains petits curieux – un peu sadiques tout de même pour regarder une fille se faire tabasser en direct, mais bon, qui sommes-nous pour juger ?

Après avoir toisé la fille durant quelques secondes, Lyov tourna le regard vers le t-shirt de Junichiro, puis il dévira sur son visage, l’air de lui dire « c’est bon, arrête-moi ou ça part en couille » mais évidemment, on n’arrête pas un bâtard, et surtout pas deux bâtards.

« C’est elle qui m’a poussé, c'te pute là. »

Il retourna le nez vers la fille qui serrait contre elle ses bouquins, se demandant ce qu’elle devait faire. Fuir aurait été une solution, mais de toute manière elle n’avait aucune chance. Lyov eut un vague petit sourire.

« Elle sait pas regarder où elle va, marcher c’pas fait pour elle j’crois, t’as vu ? »