J'avais passé le reste de ma soirée à me repasser ces quelques secondes encore et encore dans ma tête. Je pensais à la manière dont il avait prit mon bras dans sa main puissante, puis m'avait approché de lui pour ensuite me souffler cet avertissement qui j'avais du mal à comprendre. Avait-il ressenti l'électricité qui avait parcouru ma peau ? Avait-il remarqué le sang à mes joues ? Ou alors mon regard hypnotisé par ses lèvres en mouvement ? L'avait-il vu ?! Je priais... que ce ne soit pas le cas. Lui apporter une explication ne serait que superflue en plus d'être une perte de temps. Je savais à quoi m'en tenir avec lui. Je savais que je ne pouvais pas avoir plus que son amitié sincère et je me comptais déjà chanceux de l'avoir, car il semblait bien le genre de type capable de tout pour arriver à ses fins. S'il me mentait, je ne savais pas desseller ses mensonges et tant mieux. Je préférais mon conte de fée, où Kisaragi était un être gentil, honnête et à l'humour douteux, à une vérité cinglante où il ne serait qu'un personnage vide de sincérité. Non, il était véritablement mon ami, c'était un fait, non une hypothèse. Bien sûr. Non ? Raah ! Je n'étais même plus sûr de rien !

Heureusement, mon métier me garda dans le moment présent ne me permettant que très rarement à m'absenter pour réfléchir à mes états émotionnels. J'avais des vies en danger entre les mains ou des êtres qui devaient bien se remettre d'une épreuve quelconque. Je devais prendre soin des patients de cet hôpital. Mais qui prendrait soin de moi ? Cette question, je n'osais même pas m'y aventurer. Autrefois, j'aurais pu dire que c'était Shio, mais aujourd'hui ce n'était pas pareil. Pourtant, c'était maintenant que j'avais le plus besoin d'une épaule sur laquelle déposer ma tête et sur laquelle je pourrais fermer les yeux en toute sécurité. Il y avait longtemps que je m'étais assoupi dans les bras d'un homme. Toutefois, ce n'était pas ce qui comptait, ce n'était pas ce qui était le plus important maintenant.

Un soupire, une autre journée de travail achevée. C'était avec joie que je quittais mes collègues pour prendre le métro direction mon appartement... Non, l'hôtel, bien sûr ! J'avais bien dit que j'allais boire avec Kisaragi ! Je pensai presque tout de même rentrer pour inventer une excuse la prochaine fois, mais je devais avouer que son état m'avait inquiété et même s'il avait donner l'impression d'être en contrôle, je ne pouvais m'empêcher de continuer de le couver telle une volaille. Un autre soupire et j'étais en route pour le fameux palais du prince des ordures ! J'espérais qu'au moins les médicaments avaient apaisé ses douleurs fantômes...  

lançais-je en entrant sans même frapper.

Je traînai des pieds jusqu'au sofa où je m'allongeai de tout mon corps sur le dos laissant ma tête balancer dans le vide. J'étais vidé. Totalement crevé. C'est pourquoi malgré ma faible tolérance à l'alcool je lui demandais une bière. Je croyais ainsi pouvoir me relaxer un tantinet.

C'est alors que je l'ai vu sortir de la salle de bain, seul autre pièce que la chambre/cuisine/salon/salle à manger. Il était... douché, oui, mais rasé et... et bien habillé ? Il avait d'autres plans pour la soirée ?! D'abord bouche-bée, je me retournai sur le ventre pour l'observer de la tête aux pieds, mais cette fois, à l'endroit.



Je grognai même, frustré. Je m'étais tapé tout le trajet de métro avec les gens louches de la nuit et voilà qu'il me larguait pour un rendez-vous ? POUR UNE FILLE ?! J'étais loin de le prendre !

J'étais soulagé d'apprendre que le rouquin allait rester à l'hôtel, avec moi, ce soir. J'aurais vraiment péter un câble et je lui aurais fait comprendre à quel point il pouvait être irritant. Heureusement, la soirée promettait d'être beaucoup plus agréable. Toutefois, quelque chose me gênait un peu. S'il n'avait pas décidé de faire des plans de dernières minutes, il s'était habillé comme ça pour moi ? C'était... touchant. Je ne pouvais m'empêcher de le fixer avec étonnement comme s'il venait de m'annoncer qu'il était en fait encore puceau.



Je le regardai posé ma bière sur la table basse avant de la prendre pendant qu'il allait s'asseoir sur le fauteuil. Ça lui faisait bien cet habit. Ça faisait différent et le voir tout propre me donnait presque envie de faire une blague un peu mal placé pour lui faire comprendre que c'était de mon goûte, mais je me retins, car après tout, je ne devais pas continuer sur cette voie. Au lieu, je me concentrai sur sa question sur ma journée. Je sentis la fatigue creuser mes cernes et recouvrir mon visage d'un filtre gris à mesure que je pensais aux événements.



J'étais toujours vêtu de mon uniforme vert pâle et je n'étais même pas douché. J'aurais pu en terminer à cette simple phrase, mais avec ma bière et un ami, je me suis mis à tout déballer. Les patients difficiles, les collègues peu coopératifs et je terminai avec cette histoire du vieillard qui était mort sans personne à son chevet sans que je le sache.



J'étais rendu debout, ma bière à la main, entrain de faire les cent pas alors que je vidais mon sac. Je terminai dans un soupire et voyant que je m'étais un peu emporté en plus d'avoir terminé ma boisson, je me sentis un peu gêné.



Pour alléger l'ambiance, je tentai de penser à un bon moment de la journée et après une minute de réflexion, je souris un peu.



J'allai me chercher une autre bière au frigo avant de revenir m'asseoir sur le sofa en attendant sa réponse. Au moins, je tenais là un sujet plus léger et j'engageais la conversation au lieu de faire mon monologue et parler tout seul.