La journée avait commencé calmement. Trop calmement. Je n'avais pas croisé ni ennemis, ni amis depuis que j'étais levé. Bon, à vrai dire, je n'étais pas réveillé depuis si longtemps et je trainais dans l'établissement à ne pas savoir quoi faire. D'habitude on ne s'ennuyait pas à Sei entre la guerre des sexes, les cours, les folies entre potes. Personne n'avait de quoi se poser vraiment et à côté de cela il y avait des jours comme ça où on se demandait quoi faire. J'aurais bien fait quelques pièges dans les chambres des filles ou dans leur toilette , cependant, je n'avais pas ce qu'il fallait sous la main et elles étaient bien plus malignes qu'on ne le pensait. Je ne les sous-estimait pas ces demoiselles car chaque coin de l'école était surveillé d'une façon ou d'une autre. Si j'agissais sans réfléchir, un peu comme ces idiots de bastards à foncer sur tout sur ce qui bouge, je ne ferais pas long feu dans cet endroit. Et j'étais plutôt du genre à être dominateur, à vouloir être respecté. Pour cela il fallait se montrer prudent, plus intelligent que d'autres. Il fallait que je fasse en sorte d'être un bon atout dans mon propre groupe. Bref tout ça pour dire que ce jour-là ce n'était pas un bon moment pour agir. Et oui...c'était compliqué tout ça mais il est important de savoir se rendre indispensable.

Toutefois j'eus le droit à un petit rebondissement histoire de ne pas me laisser trop désespérer. Preuve que je n'étais pas si invisible dans ce monde. Comme ça dans l'après-midi en sortant d'un cours auquel j'avais décidé de me rendre (puisque je n'avais que cela à faire), je croisai Caleb. Caleb est un type assez sympa que j'ai rencontré par hasard. Dès le début je compris qu'il était autant fou et joueur que moi et que le courant passerait sans problème. Chacun ressent également le besoin de faire ses preuves se montrant le quel était le plus fort dans tous les domaines possibles et inimaginables. Alors parfois on se lançait des duels comme ça rien qu'en se voyant. Non on n'avait pas besoin d'un "bonjour" cordial accompagné d'une inclination. On ne perdait pas non plus de temps à discuter. Il suffisait d'un regard et on savait instinctivement qui lancerait le défit. C'est ce qui se passa cette après-midi là: façon très originale de m'inviter au bar. J'acceptai bien sûr sans problème, vous me prenez pour qui, jamais je ne refuserais un pari. Un large sourire s'était dessiné sur mes lèvres après mon approbation.

Je finis le reste de ma journée tranquillement. Elle était restée toujours aussi calme que le matin. C'était tant mieux car je me disais que je serais en forme pour cette nuit et lui mettre la raclée du siècle. J'étais bien décidé à montrer mes capacités d'ivrogne même s'il était très coriace ce Caleb. Bref on se rejoignit au soir et je le laissai aller là où il voulait m'emmener. En général je me fichais bien d'où on allait, ce qu'on allait faire ou autre. J'étais un homme d'improvisation, rien n'était préparé à l'avance. Je faisais tout au dernier moment sur le feeling et la vie était bien mieux comme cela. En route je n'hésitai pas à siffler des airs de chansons, à raconter des blagues pourries et à taquiner mon ami jusque l'arrivée au bar. Là encore je me contentai de le suivre. Ce gars n'était pas de mon groupe mais son groupe ne me gênait pas particulièrement bien que parfois j'étais bien tenté de l'attirer du côté des aritos. Je rétorquai tout de même à sa phrase sur un ton ironique:

- Me laminer ? Ouh...Tu me fais tellement peur que j'en ai des frissons partout.

Je fis volontairement trembler mes membres en riant. Je le suivis simplement ne pouvant m'empêcher de danser également au rythme de la musique. J'étais assez arrogant pour montrer mes capacités de danseur, les cours ne m'avaient pas servis à rien. Puis une fois installée il me proposa de s'attaquer à la Tequila. Je répondis un "ok, tout me va" plein d'enthousiasme et très approbateur. Je me chargeai alors de prendre la commande avec le même sourire aux lèvres: c'était un sourire de jeu. Un peu de mouvement enfin ! En attendant que la serveuse fasse son travail je matai quelques mecs de loin et en profitai pour provoquer un peu ce cher Caleb:

- T'es sûr pour la Tequila ? Parce que bon si t'es mort dès le début c'est pas drôle...Tu devrais plutôt te rabattre sur la bière.

J'aimais bien l'embêter et l'inciter à me montrer le meilleur de lui-même. Je savais que ce genre de propos le pousserait à vouloir me rabattre mon clapet. Et tout cela n'avait rien à voir avec un lien négatif. Au contraire on s'appréciait beaucoup mais on s'appréciait de cette façon et pas autrement. En tout cas mon moment préféré pendant ces genres de soirée c'est lorsque l'on commence à être bien pété. Et on va même jusqu'à se faire virer des bars en général. Des gens aussi fous que nous deux n'étaient pas des plus appréciés mais qu'est-ce qu'on s'en fichait.

- Au premier qui se fera virer du bar aussi ?, ajoutai-je en riant de nouveau. J'ai pas assez foutu la merde today, faut que jrattrape ça. Et toi ? T'en es où côté connerie ?

« C'est comme tu veux ! De toute façon j'me suis déjà fait des potes . » Haha, énorme blague. « Et puis cherche pas à nous comparer, tu te fais du mal ; j'suis d'un niveau supérieur. Tu vois, toi t'es là... » Expliquai-je en descendant ma main vers le sol tout en provoquant le garçon du regard. « Et moi j'suis là, level up !» raillai-je en beauté en montant ma main bien au dessus de ma tête. « Ca s'explique pas, c'est comme ça c'est tout... » terminai-je en haussant les épaules et pliant les coudes, faisant mine qu'il n'y avait pas d'explication envisageable.

Je ne pus m'empêcher de rire en le regardant faire ses gestes. Je ne le connaissais pas totalement mais je pouvais dire que cela lui ressemblait de dire ce genre de choses. J'avais compris qu'il avait été touché par mes provocations et plus on le provoquait plus il aimait à donner le retour. Et je savais dès cet instant qu'il se transformerait en un véritable rival. Ce qui me faisait rire c'était sa persévérance et la motivation avec laquelle il se défendait en pensant me vanner totalement. Je le laissais dire en observant ses gestes avec le sourire, je me disais tout de même qu'il exagérait et que je n'étais pas si bas que cela. Il aurait pu me donner plus de valeur alors je n'hésitai pas de faire un signe de la tête afin de défendre mon cas. Je n'allais pas me laisser marcher sur les pieds. Rien de tout ça m'étonnait de lui, d'ailleurs, il n'avait pas d'explication à me fournir à toute son "argumentation". Caleb avait l'air tellement sérieux qu'on pourrait penser qu'il discutait de la crise économique. Pourtant ces explications me firent davantage rire à tel point que je me permis de lui faire une pichenette sur le nez.

Même avant cela il s'était largement vengé en m'abaissant en retour. Étant assez joueur je lui faisais des petites feintes en le pinçant ou en lui tirant les oreilles. Il avait l'habitude que je sois ainsi et c'était toujours comme ça que ça se déroulait. Je me demandais ce qu'il me trouvait pour me provoquer en duel assez régulièrement. Je ne pensais pas être un type intéressant ni très amusant, enfin, cela dépendait de mes humeurs. Je n'aurais pas aimé ma propre présence car je me rendais compte chaque jour à quel point j'étais insupportable. Mais j'entretenais bien cela volontairement: j'adorais faire mon fouteur de trouble comme je l'ai si souvent raconté. Ce jour-là heureusement Caleb m'amusait déjà et cela m'incitait à vouloir jouer davantage avec lui surtout face à sa folie. Lui aussi aimait se taper des délires toutes les cinq minutes. C'était le seul camarade que j'avais qui se prenait le plaisir de rire de sa propre conscience. Puis il était aussi énergique que moi.

Bref restant neutre face à celui-ci on se partagea les frais. Il ne me restait plus grand chose pour faire d'autres soirées éventuelles. J'irais taxer...Ce n'était pas un problème étant donné que je connaissais beaucoup de mon dans le coin et que j'étais doué quand il s'agissait de négociation. Caleb et moi n'avions jamais de souci à nous mettre d'accord puis avec l'habitude on ne se posait même plus de question. La serveuse arriva enfin et je me sentais prêt à mon tour à échauffer mon adversaire. Il avait l'air d'être au taqué à la vue de celle qui nous laissa une bouteille avec des verres. Je la regardai partir: c'était un instinct chez moi. Ensuite je me tournai vers ce jeune fou commençant à mettre mes pieds sur la table. Après tout c'était bien mieux de boire dans une position confortable et de mettre en rogne le bar.

- Quoi ? Tne sais pas doser et t'oses me provoquer ?, me moquai-je gentiment.

Je m'emparai de la bouteille puis des deux verres. En réalité je n'étais pas du tout pro dans cette action mais j'avais l'habitude. Je ne savais pas si je me débrouillais bien. De toute façon ce n'était pas important tant que personne ne s'en plaignait, et même si quelqu'un s'en plaignait je le virerais d'un bon coup de pied aux fesses. Bref je fis ce qu'il attendait de moi en faisant bien attention puis au moment où il s'attendait le moins je laissai échapper un jet d'alcool sur le visage de mon ami. J'étais fière de ma connerie et j'attendais la vengeance avec davantage de plaisir. Je glissai son verre vers lui et je pris le mien en main en m'écriant joyeusement:

- SANTE !...Et tu sauras que je préfère crever que déclarer forfait. C'est plutôt toi qui devrait faire attention de pas te pisser dessus, puis après quelques secondes j'ajoutai, on se fait un action, vérité ?

Action ou vérité ? Je choisissais toujours de prendre action car j'étais du genre à me donner facilement en spectacle. J'avais répondu sans hésiter à Caleb en préservant mon sourire plein d'ironie. Je l'aimais bien lui et ses mises en garde et parfois pour m'amuser davantage je faisais mine d'avoir vraiment peur. Il était pourtant vraiment capable d'appliquer ses paroles: c'était un téméraire. Il donnait souvent l'impression de simplement se donner un air mais non ce n'était pas du tout cela: mon camarade était "lui", c'est à dire, naturel et le regard des autres ne le dérangeaient jamais. J'appréciais ce côté là chez lui parce qu'on ne se prenait jamais la tête et il m'arrivait même de penser qu'il était bien plus mature que moi. Lui acceptait la défaite plus facilement par exemple, il savait ranger sa fierté pour faire sa petite boutade qui me donnait envie parfois de lui tirer sur les joues. Il se laissait souvent faire ! Bref cela n'avait rien de compliquer de s'amuser avec Caleb. Dans tous les cas je craignais le pire quant à l'action qu'il comptait me faire faire. Ce serait soit un truc loufoque qui me mettra bien la honte ou un truc presque impossible à accomplir. Peu importe je m'appliquais sur le champs au point de me mettre à poil s'il le fallait.

Lorsqu'il me donna son conseil je le taquinai en ouvrant grand les yeux prenant les mots à la lettre et je fis trembler mes pupilles. Oui, je savais les faire trembler et cela faisait flipper tout le monde. Je ne savais même pas comment je faisais pour y parvenir. Le pire était que je trouvais cela très drôle. Puis je lui répondis tout de même:

- Je vois rien de spécial ! Allez dis-moi ce que je dois faire au lieu de barboter

J'attendais mon gage prêt à passer à l'acte en sirotant tranquillement mon verre. Je profitais bien du goût de cet alcool. J'adorais l'alcool: c'était une invention extraordinaire. J'aimais sentir le liquide me réchauffer la gorge et le ventre. Cette sensation était si douce qu'il m'arrivait de fermer les yeux pour en capter tous les sens. Puis je pouvais sentir mon cerveau s’enivrer, se nourrir doucement de cette substance. J'ignorais si Caleb ressentait la même chose que moi mais je compris en le regardant qu'il devait apprécier aussi. Je continuais ainsi buvant gorgée par gorgée. Il ne fallait pas être trop rapide afin de tenir le plus longtemps possible. Je réfléchissais également à une tactique pour qu'il ne me batte pas, en attendant, j'approchai mes pieds vers son visage pour le faire râler comme d'habitude. Ils étaient justement sur la table !

_ Très bien, va récupérer ta chaussure maintenant en faisant trembler tes pupilles.

Je ne pensais pas qu'il réussirait à avoir ma chaussure si facilement. C'était que je n'avais pas eu le temps de me préparer: il avait agi au moment où je m'y attendais le mien. C'était presque de la triche. Je lui fis un regard qui signifiait qu'il avait intérêt à savoir ce qu'il faisait avec mes pompes marshall. J'y tenais et surtout avec cette marque que j'appréciais particulièrement. Mais je montrai aussi que j'étais prêt à jouer et à montrer que j'avais les "couilles" de faire tout ce qu'il pourrait être susceptible de me demander. Je me demandais ainsi ce qu'il comptait faire de cet objet: Caleb était tellement spontané qu'il en était parfois imprévisible. Même si je le connaissais depuis un certain temps, j'étais incapable de savoir ce qu'il allait faire ou dire. Alors j'attendais bêtement en faisant comme si rien ne m'inquiétait. Et j'avais bien fait de m'attendre au pire. Vraiment quel enfoiré ! Il avait de la chance que je l'aimais bien sinon je ne serais pas aussi indulgent. Mon camarade avait un plaisir fou de me mettre dans la misère quand il le pouvait et au fond il avait bien raison. C'était le jeu et lorsqu'il s'agissait de jouer il fallait se donner à fond.

Caleb n'avait pas été de main morte pour un début. Et ce ne serait pas évident d'aller la chercher en faisant trembler les pupilles. Je savais le faire quand j'étais concentré mais le reste du temps c'était autre chose. Bref je lui jetai un regard de compétition. Il n'allait pas me sous-estimer comme cela. J'étais un dure quand je le voulais. Je pris tout de même une bonne gorgée de mon verre puis je me levai commençant à faire vibrer mes pupilles. Je tentais de ne montrer aucune hésitation. C'était que ma fierté masculine était en jeu. Je préservai ainsi mon sourire presque narquois pour me donner davantage de courage. Le type qu'il avait visé était bien pété et il risquait d'être fort violent. Déjà il semblait avoir les nerfs rien qu'en me voyant arriver d'autant plus que je ne pouvais pas user de l'excuse de l'accident car, mon tendre ami Caleb, en me désignant venait de sous-entendre que mon geste était volontaire. Je n'eus pas le temps d'arriver qu'il se leva pour me prendre par le col mais étant de grande taille je cherchai à le regarder de haut pour me rendre plus impressionnant tout en faisant trembler les pupilles.

- Tu te prends pour qui le gamin ?!! Je vais te démonter espèce de taret !

Je le laissai faire ses menaces sans trop réagir pendant que ces autres potes lui conseillaient de se calmer et de me rendre ma chaussure. Je continuai à insister en réclamant ma chaussure. Mon cœur battait fortement comme c'était souvent le cas lorsque je faisais face à ce genre de situation et faire vibrer les yeux devenait fatiguant. Je restais persévérant me demandant si le gars allait se décider à me lâcher pour de bon ou non. Un autre mec du groupe examinait ma chaussure et me la rendit en me la jetant en pleine face.

- Raah et qu'est-ce que tu fous avec tes yeux ?!, s'exclama-t-il en éclatant de rire, si je t'y reprend..., ajouta-t-il en prenant un couteau dans la main, je te crève les yeux ! C'est clair ?!

Après quoi les responsables vinrent voir ce qui provoquait tant de tapage. Je lui répondis avec enthousiasme qu'on ne faisait que s'amuser un peu. Drôle de façon de passer le temps. Je ramassai ma pompe au sol ayant une trace sur le visage: de quoi faire sourire mon ami avec plaisir. Il allait être très heureux de ses conneries et je n'étais pas passé loin d'une bonne leçon. J'avais la camarade le plus fou du monde. Il n'avait pas peur. Puis je venais seulement de remarquer que tout le monde nous regarder. On pouvait presque entendre les mouches voler tellement c'était calme soudainement. Le brouhaha allait mettre un certain temps à revenir. Personne ne se doutait que ce serait loin d'être la dernière fois. Cependant, avant que je reparte vers ma table, l'un d'eux osa me poussa en me mettant un grand coup de pied au niveau du derrière. Je me retournai presque aussitôt. Il ne fallait pas aller trop loin avec moi et tous riaient aux éclats en pensant que je devais être une petite nature. Mon sourire s'élargit davantage. Mes yeux ne vibraient plus et lorsque je m'en rendis compte. J'espérai que Caleb ne compterait pas ça comme une faute. Il me devait au moins ça pour le coup ! Bref je pris le verre du type afin de la lui mettre le liquide en plein dans la figure:

- Eh ben...On ne t'a jamais appris à boire ? Ça fait quoi de se faire humilier par un "GAMIN" ?, dis-je sur un ton sarcastique.

Ils commencèrent à s'énerver sérieusement à leur tour avec de drôles de manies. Leur style me déplaisait totalement et je n'aimais déjà pas leur tête. Je crus comprendre que la mienne non plus. D'ailleurs le plus flippant était que je devais avoir leur âge et qu'ils osaient me dire que j'étais un "gamin". Ils avaient un problème, c'était certain. Ils s'étaient levés prêt à me bastonner mais les responsables intervinrent de nouveau en nous menaçant que si nous nous calmions pas nous serions tous viré. Je ne voulais pas réussir ce pari trop vite alors j'obéis gentiment et vint rejoindre Caleb avec ma godasse à la main. Je la lui jetai amicalement sur la tête en faisant trembler une dernière fois mes pupilles pour le faire frissonner un peu. Ensuite je buvais de nouveau une gorgée pour me remettre de mes émotions et je pris une grande inspiration:

- Tu veux ma mort toi ! Tu ne perds rien pour attendre mon petit calebounet. Moi je vais carrément te descendre en enfer, je te conseille pas de prendre action, rétorquais-je soudainement sur un ton de revanche accompagné d'un clin d’œil.

- Bon, puisque tu insistes... Action dear !

Je m'y attendais totalement à cette réponse. Depuis notre rencontre j'avais déjà compris que c'était un vrai masochiste. Il faisait toujours les choix qu'une personne normale ne ferait pas et je m'étais habitué à ce phénomène. Je lui rendis un sourire qui indiquait qu'il allait vraiment regretté de faire ce choix mais bon celui-ci avait aussi sa fierté d'homme à défendre et il était hors de question qu'il perde la face contre moi. J'aimais comme Caleb se donnait à fond à chaque provocation qu'on se lançait: un véritable gosse dans l'âme. D'ailleurs c'était amusant de lui faire faire des choses totalement dérisoire car je vous le dis physiquement il avait l'air de quelqu'un de très ordinaire. Personne ne s'en méfiait particulièrement et ne se doutait qu'il était le roi de la connerie autant que moi. Il avait un visage qui respirait l'innocence. Ce n'était pas le gars super grand avec des airs de délinquant ou de mecs sortis de prison. Même moi j'avais été trompé au départ: je pensais que c'était un des intellos de Sei. Cela me faisait rire maintenant que je connaissais le vrai Caleb. Le jeune homme devait utiliser son apparence à sa guise, cela devait être extrêmement pratique. Moi j'avais une tête qui aspirait tout autre chose.

J'avais une idée en tête mais je fis mine de prendre le temps de bien réfléchir pour le faire stresser un peu. Je vidai mon verre d'un coup sec en le regardant avec amusement comme pour lui indiquer que je prenais plaisir à créer le suspense. Puis je m'emparai de la bouteille afin de le remplir de nouveau. Quelques minutes passèrent où je me contentai de torturer le pauvre Caleb. C'était plus fort que moi je l'adorais ce type. Il n'était jamais neutre et on pouvait toujours voir des expressions sur son visage. C'était ça qui était drôle. Je finis enfin par répondre sans pitié:

- Tu vois tous ces gens autour de toi...Eh bien tu vas utiliser ta belle petite bouille d'innocent et tu vas boire leur verre devant leur nez, enfin qu'une partie du bar hein. Pas tout le monde. Surtout les verres des gars qu'on a bien énervé. Tu vois c'est pas si terrible ?, ajoutai-je en riant gentiment. Et si j'ai insisté pour ta petite bouille c'est qu'avec un peu de chance ils auront assez pitié pour pas te démonter.

Je trouvais que ça restait raisonnable et je lui faisais presque un cadeau en lui donnant cette épreuve. De un si quelque chose de grave devait se passer j'étais là et les responsables aussi étaient dans le coin et, de deux, cela pourrait lui faire gagner le pari de se faire virer le premier du bar. Et je ne lui avais pas demandé le bar entier sans quoi, vu tout l'alcool, il finirait très vite bien pété. J'ignorai s'il allait prendre cette occasion ou non mais je savais qu'il était trop fière pour refuser. Puis je fis mine d'être sympa en rétorquant de nouveau:

- Bon je vais être cool, je te dispense de boire dans le verre du gars là-bas qui a l'air de baver dedans en même temps...ieurk...

Puis je fis une vieille grimace. Je ne voulais pas non plus que Caleb tombe malade. Je lui jetai enfin un regard de défi et l'invitai à se lever pour se mettre en action.

- C'est toi qui l'a voulu.

Je me souviens qu'à cette époque l'épisode avec Caleb avait été à la fois une expérience vraiment folklorique et difficile. Le pauvre...Je l'avais mis dans une situation très complexe et même lui ne pouvait savoir comment en sortir. Il ne me donnait pas non plus l'impression d'essayer. Au contraire tout l'amusait. J'étais certain que même face à la mort mon camarade rirait aux éclats: sa vie n'était rien de plus qu'une blague. Ce jour là il n'avait pas non plus totalement conscience de ce qu'il faisait: l'effet de l'alcool dans ses veines avait été foudroyant et rapide. Voilà qu'il était aux pays des rêves. Peut-être avait-il oublié qu'il était en plein pari en milieu de chemin ? N'empêche quelle fierté ! Celui-ci ne savait pas dire stop quand il le fallait: c'était moi tout craché. Je ne pouvais pas lui reprocher de vouloir défendre sa cause. Il fallait admettre qu'il m'impressionnait toujours. Tout le monde ne serait pas capable de faire ce que je lui avais demandé de faire. Et le pire était qu'il n'avait pas hésité même en sachant qu'il s'attirerait des problèmes. Bref je riais dans mon coin comme un imbécile en me demandant: que serait la vie sans Caleb ? Une vie moins drôle, c'était certain. Parfois c'était à s'interroger s'il ne s'agissait pas plutôt d'un spécimen extraterrestre perdu sur Terre. Mh...Il fallait que je penche sur la question...

Je l'avais observé tout le long en buvant le verre que j'avais commandé à la volée. Les gens du bar tournaient de temps en temps leurs regards vers moi. J'aurais voulu pouvoir lire dans leurs pensées et savoir ce que signifiait ces têtes divagantes. Mais toute l'intention se portait sur le metteur de trouble: Caleb. Lui et moi avions déjà réussi à se faire détester en seulement quelques minutes. Et encore ce n'était pas notre plus grand record. Tout cela me fit moins sourire lorsqu'il fit réellement pour de bon dans le pétrin. Je n'étais non plus le roi des salopards et je n'allais pas le laisser dans son bazar tout seul face à toute une bande. D'ailleurs ce n'était pas glorifiant de s'en prendre à une seule personne alors que l'on est plus nombreux. La violence...C'était loin d'être mon truc. Je m'y mettais souvent à contrecœur. En voyant mon ami "voler" littéralement à travers la pièce je me levai d'un bond. Il faisait quoi les responsables ? Tout le monde avait remarqué le brouhaha depuis belle lurette et ils furent les seuls à ne rien comprendre ce qui se passait. Personne ne prévoyait rien contre les personnes aussi tarées que nous deux. Et le fait que mon Caleb soit provoquant ne leur donnait pas le droit de lui faire le moindre mal physique.

Dans ces moments là il n'y a pas à hésiter. Il faut foncer comme si on allait faire l'acte le plus important de la journée. Je vins vers le type presque en trombe, à toute vitesse. Je plaquai mon avant-bras sur sa gorge presque prêt à l'étrangler puis je le poussai radicalement contre le mur. De mon autre main je lui chopai un bout du tissu qu'il portait sur lui. Évidement cela n'avait pas été si simple. Ses espèces de pote tentaient de nous calmer et lui se débattait de façon pathétique pour prouver sa "virilité". Bien sûr je ne comptais pas le frapper, je voulais simplement lui mettre un bon coup de stresse. Je vis une fourchette vers la droite sur la table ; je m'en emparai lâchant le tissu pour la mettre pile devant son nez. Puis avec un large sourire aux lèvres je dis enfin:

- Oses refaire ce que tu as fais et je te promets que je te la (la fourchette) fou bien profond dans le c*l !

Le mec se défendit au mieux: dans un premier temps, en m'insultant de tous les noms, dans un second temps, en expliquant que Caleb se permettait de boire les verres comme cela sans rien demander. Ce n'était pas une excuse pour moi. Je me contentai de rire en pensant que ce petit gringalet avait gagné son action. Je lâchai à peine le type qu'il se rua sur moi pour me mettre une mandale dans le visage. Je ne répondis pas me contentant de le regarder presque en me fichant de lui. Bon j'admets que sur le coup cela m'avait étonné car je ne m'y étais pas attendu. Bref ce fut après cela que les responsables arrivèrent pour demander des explications et qui était à l'origine de tout cela. Je vins aider Caleb à se relever en m'assurant qu'il n'avait rien de cassé. Quand même ! Je le fis alors passer pour une pauvre victime de la société et que ces gars l'obligeaient à faire des choses insensées. Je mentis en expliquant que ce gangue s'en prenait depuis longtemps à ce pauvre innocent de Caleb (ah ah...) et que je m'étais contenté de l'aider.

Étrangement...Ils me crurent en ayant presque pitié de la bouille adorable de mon ami. Je proposai à celui-ci de se maintenir à mon corps car avec tout ce qu'il avait bu. Il semblait déjà avoir quelques difficultés. Ce fut en voyant les types se faire virer du bar que je me mis à pouffer de rire. Et cela se transforma par la suite en un fou rire incontrôlable. Je tentai tout de même de rire quelque chose:

- Ah ah ! Caleb, t'es trop fort ! Tapes-moi en cinq !, dis-je en montrant ma main attendant qu'il tape en plein dedans.

Je n'avais pas encore atteint notre table respective que j'étais plié en deux. Je ne parvenais pas à cesser de rire.

- Mon pauvre j'ai du blessé ta virilité juste pour les faire dégager mais c'est rien tu me pardonneras !, ajoutais-je en lui chuchotant presque au passage, au fait ! Je prends vérité.

Celui-ci semblait tellement dans les vapes qu'il était impossible d'en tirer quoi que ce soit. Je me demandais dans quel monde il vivait à ce moment là: une réalité douce et délirante offerte par l'alcool. C'était une certitude. Caleb avait l'air de s'y plaire. Enfin il n'avait jamais eu besoin de cette boisson pour avoir des délires: il était comme cela au naturel. Toujours prêt à faire les pires folies au point de me dépasser. Oui mon ami avait bien plus d'excentricité que moi. Il était capable de se parler à lui-même, de faire comme-ci le monde était vraiment une grosse blague. Ce n'était pas mon cas. Non seulement j'étais difficilement saoul mais aussi je n'étais pas assez fou pour en arriver à ce point. J'aurais aimé l'être. Cela m'aurait vraiment plu d'être comme un second Caleb. Bref je riais en le voyant dans son piteux état. Le pauvre ! Que j'étais cruel avec lui et en plus je venais de le priver d'une occasion de se venger durement. Je l'admets je n'étais qu'un lâche. Puis quoi ? Il fallait bien savoir se protéger dans la vie, non ? Je continuai à me bourrer afin d'arriver à son niveau car je n'étais pas un tricheur. Je comptais bien gagner la manche de façon digne. Lui paraissait aussi motivé que moi même prêt à tomber au sol. Lorsqu'il me qualifia de "dégonflé" je ne pus m'empêcher de lâcher une petite mine de gamin qui venait de se faire gronder. Je lui fis une pichenette sur le nez et en profita pour lui mettre mon pied bien puant sur le visage. J'avais pris soin d'enlever mes chaussures après avoir transpiré dedans. Ce qui provoquait des odeurs peu supportables. C'était l'une de mes meilleures techniques de torture.

- Tsss...Je crains rien du tout ! C'était juste histoire de changer, qu'est-ce que tu crois ?, dis-je en mimant un air fière et inviolable.

Je fis semblant de réfléchir durablement à la question en continuant de taquiner mon bon vieux Caleb. Il aimait bien que je lui fasse des misères au plus profond de lui-même. Je pris le temps de me commander un nouveau verre sentant que le bar tournait autour de moi. Enfin quelques effets. Il était temps. Après quoi je remis ma chaussure en place puis je me fis tout charmeur: le regard doux attirant une certaine confiance. J'étais prêt à répondre à la question et en y pensant sérieusement j'étais incapable d'y répondre. Je réalisai que ce qui m'entourait ne comptait pas tant que cela pour moi. Depuis que j'étais entré dans l'adolescence j'avais oublié la véritable sensation de vraiment tenir à quelqu'un. J'étais plutôt indifférent bien que j'avais quelques amitiés. Cela était peut-être du au vide constant qui régnait dans mon cœur. La vie avait un côté qui me déplaisait: l'éphémère. Je ne supportais pas la superficialité des choses. N'importe quoi, n'importe qui pouvait me trahir. Je n'étais pas stupide. Et pourtant, sans exagérer, je n'en savais rien. Personne n'était en haut d'une sorte d'échelle. Je n'appréciais pas non plus les préférences. Chacun me plaisait à sa manière. Caleb avait son charme et il était unique. Tout le monde avait son unicité que je lui reconnaissais. Cependant je n'étais pas décidé à tenir un discours aussi complexe dans un tel endroit puis je risquais de plomber l'ambiance amusante qui régnait. J'étais là pour la fiesta non pour la philosophie. Et encore pouvais-je qualifier cela de philosophie. Voilà à quoi je songeais en buvant mon verre d'une traite. Je me levai ensuite allant vers mon camarade. Je lui fis un large sourire:

- Mais la question se pose pas, tu sais très bien que t'es mon chouchou, dis-je en riant lui faisant un clin d’œil avant de lui frotter frénétiquement la tête. Je n'oubliai pas de le chatouiller également.

Il aimait que je lui fasse la misère ce bon vieux Caleb. On avait l'air de deux gosses entrain de chahuter et totalement instable. D'ailleurs on l'était. Mais le jugement d'autrui ne nous importait pas. Nous vivions au jour le jour et à ce stade de la soirée il n'y avait ni perdant ni gagnant. Il avait assuré et il ne comptait pas perdre la face. Il était prêt à tout pour prouver qu'il était un homme. Je n'hésitai pas à montrer de mon côté que j'étais un adversaire de taille. Soudain, au moment où il s'attendait le moins, je lui versai un verre entier sur la tête et je ne me fis pas prier pour fuir à travers le bar comme un dératé. Je savais pertinemment qu'il me poursuivrait à tel point qu'il irait au bout au monde afin de me faire subir un châtiment identique. Malgré son état je le connaissais assez pour savoir qu'il préparerait quelque chose. J'attendais avec impatience ce qu'il me demanderait: action ou vérité ?

Je ne m'attendais pas à une telle réaction de sa part mais il y avait des moments comme ça où il prenait ses airs sérieux. Avant de m'en rendre compte je m'étais mis à courir seul dans le vide et contrairement à ce qu'on pouvait penser cela ne me dérangeait guère. Je l'avais dit tant de fois: je n'étais pas soucieux du regard des autres. C'était comme-ci le monde autour de moi n'existait pas. Rien ne comptait et rien n'avait d'importance. Je ne m'accordais pas à moi-même le moindre respect: la preuve était dans ma façon d'être très volage. Alors sans me soucier je galopais à travers le bar, j'en profitai pour danser au rythme de la musique triomphant dans le fond de cet endroit. Les gens faisaient mines de ne pas me remarquer mais aucun d'entre eux ne pouvaient vraiment s'empêcher de tourner les yeux. C'était plus fort qu'eux comme un instinct. J'étais devenu un intrus à éliminer du décors. Danser dans une situation qui n'était pas adéquate faisait de moi un fou. Ah la la...quelle jeunesse débauchée devait-il se dire. Ne le voyant toujours pas. Je préférai le laisser méditer un instant. J'ignorais ce qui pouvait bien lui passer par la tête et à quoi il pouvait bien penser. Après tout l'alcool ne réussissait à personne. Je me décidai alors à sortir fumer une cigarette dehors. Je savais que ce n'était pas cool de le laisser seul comme cela. C'était qu'il avait besoin de plusieurs minutes pour réaliser ce qui venait de se passer.

J'aimais regarder la nuit. Elle avait quelque chose de plus que le jour. On pouvait voir les étoiles scintiller, on pouvait avoir la preuve de l'immensité du monde. J'aurais aimé être autre chose qu'un être humain: une bestiole capable de parcourir l'univers sans la moindre limite. Je pris une bouffée de cigarette. La fumée s'évaporait autour de moi délicatement. Elle m'intégrait dans une douceur inexplicable. Je pouvais fermer les yeux et il me semblait que mes jambes quittaient le sol. J'ignorais la raison pour laquelle je camouflais mon côté rêveur mais j'étais heureux de passer ce moment de solitude avant de rejoindre à nouveau Caleb. Peut-être était-il parti ? Je n'avais pas conscience du temps, à vrai dire, il me manquait une montre au poignet. Je continuai mon rituel jusqu'à ne plus avoir la possibilité de tirer ma dose de vie. Je n'avais pas honte de dépendre de cette substance. C'était bon cette sensation de se détruire soi-même...Je revins à l'intérieur du bar m’apercevant soudainement que mon ami était en colère. Je venais seulement de faire attention à son visage. Tout s'y lisait avec une étrange facilité et sa réplique ne fit qu'affirmer ma perspicacité. Je me contentai de m'asseoir en faisant mine de l'écouter. J'étais apaisé, si apaisé que je souriais. Il n'y avait rien de mieux en ce monde que cette drogue. Une invention de génie. Je choisis de ne rien expliquer bien que j'avais très envie de répliquer que le gaspillage je gérais puisqu'il s'agissait de mon verre donc de mon argent. Et la façon dont je menais mon affaire ne regardait personne sur Terre. Pourtant je restai silencieux parce que ça n'avait aucune importance. Cela n'aurait rien changé et je n'aimais pas les situations qui servaient à rien tout comme je détestais les boutades. "Colère", "boudin" étaient des mots presque absents de mon vocabulaire. Je pris le temps de commander un autre verre. J'avoue que la facture allait être lourde.

De toute façon lorsqu'on ne peut pas payer c'est simple on se barre le plus vite possible. Mes jambes m'ont toujours servis. Il fallait que je remercie Dieu de nous en avoir fait. Depuis le temps que Caleb me connaissait il devait bien savoir que j'étais bien le dernier des êtres respectueux de cette planète et que les valeurs pour moi étaient bonnes à mettre à la poubelle.

- Un autre genre de discours hein ? Dommage j'aurais bien voulu entendre ça !, répondis-je en riant. Oh et t'as qu'à prendre ça...

Je mis de l'argent sur la table afin qu'il puisse se racheter des vêtements pour remplacer ceux qui étaient trempés puis je retirai mon propre haut que je déposai devant son nez. J'espérais qu'il retrouve sa bouille souriante habituelle après ce coup de dépannage. Je voulais m'amuser c'était tout. Heureusement j'avais un espèce de débardeur noir qui me collait à la peau en dessous du haut dont je venais de me débarrasser. La serveuse me déposa mon nouveau verre en me faisant une mise en garde. Comme d'habitude je fis semblant d'écouter et d’acquiescer comme une bonne bête bien sage. Je me tournai ensuite vers mon camarade. Je n'avais qu'une question en tête, totalement bidon et pleine d’égoïsme:

- Et t'es sûr que moi, le diable en personne, je suis ton préféré ?...Après cette question très appétissante, ajoutai-je sur un ton ironique, je vais te laisser l'occasion de me lyncher la gueule avec une...action. Je t'en prie.

Lunatique. Encore une fois il était passé du tout au rien et du rien au tout. Il n'y avait pas grand chose à faire de ce bon vieux Caleb: c'était une véritable toupie. Malgré mon jeune âge je me demandais comment j'arrivais à le suivre sans confusion. Dès le début de notre rencontre c'était déjà comme cela mais je m'étais rapidement adapté comme si je le connaissais depuis mon enfance. Vu le personnage j'aurais eu une vie plus que folklorique. Comment les autres se sentaient-ils à ses côtés ? Sûrement à l'aise et détendu. Ce n'était pas quelqu'un qui jugeait spécialement. Il ne pensait qu'à faire ou dire des conneries sans rien n'exiger de personne. J'avais même remarqué qu'il avait pas mal de relation du côté des aristocrats. Il devait bien nous aimer: ce qui était rare dans cet école puisque nous étions vu comme des manipulateurs, des salopards à jeter aux ordures. Avec tout ça j'avais le pressentiment que mon ami finirait par rejoindre notre équipe, je l'espérais du moins. Avec sa bouille mignonne il pouvait berner n'importe qui quand il le désirait. En le voyant que physiquement on croirait presque avoir affaire à un étudiant tout sage: pratique le physique trompe-l’œil.

En plus de tout cela celui-ci adorait me lancer ces petits pics de temps en temps. Un "piètre diable" disait-il. N'empêche que j'avais fait mes preuves plus d'une fois face à lui. Toujours prêt à provoquer. Comment j'arrivais à penser posément avec tout l'alcool qui coulait dans mes veines: je ressentais comme des flottements comme-ci je pouvais sentir la planète faire son tour. Je commençai aussi à avoir quelques hallucinations que j'ignorai. Sans nous en rendre compte, le temps avait défilé à une rapidité ahurissante. Le plus surprenant de la soirée fut quand Caleb me grimpa dessus comme un petit ouistiti. Ouai c'était le bon terme, un vrai singe celui-là. C'était une lubie aussi de s'accrocher à moi et il était bien souple. Je lâchai un rire chahutant avec lui comme un gamin. Je tentai de le dégager gentiment en le chatouillant à mon tour. Je ne comprenais rien à ce qu'il pouvait bien dire mais il avait l'air de s'amuser autant que moi. On aurait presque dit un couple sur le point de passer en pleine action sur la banquette...Ou plutôt des gosses. Pire que cela même !

_ Ecoute mec, pas besoin de te lyncher la gueule j'm'en tape. Tu veux pas plutôt aller danser ? Mo j'suis motivé, j'y vais !

Je lui ébouriffai les cheveux d'un geste rapide le laissant se détacher de mon corps. J'étais si grand que ça ?! S'il n'était pas parti de lui-même je n'aurais jamais pu m'en détacher. Il avait une force que je ne soupçonnais pas dans les bras et les jambes. Déjà je fis un soupir de soulagement. Je n'allais pas subir les sévices de mon geste. J'étais sauvé ! Quoique...J'eus soudain comme un air de méfiance. Caleb était du genre à se venger mais parfois plusieurs mois plus tard. Il attendait jusqu'à que l'on ne se souvienne plus. Il n'étais pas vicieux. Juste assez malin quand il le voulait. Bref celui-ci ne se fit pas prier pour que je le suive. Je titubais de droite à gauche, le regard rougi. J'étais grillé. Je continuai à sourire sottement suivant mon confrère sans rechigner:

- T'es trop bon avec moi calebounette ! J'en aurais presque envie de te faire un groooos câlin, dis-je avec un ton suspect.

A peine arrivé en plein milieu de la piste, je me mis à danser comme un taret. D'habitude j'étais bon danseur mais l'alcool me disait de faire autrement. Cette substance avait prise raison sur la mienne. J'étais enivré de sa force et de sa puissante. Cependant je n'avais pas perdu de vu notre pari de se faire virer du bar et j'avais encore moins oublié qu'il était aussi mon rival. Je mis ainsi en route un genre de "battle dance" à l'américaine bien que mes prouesses n'étaient au meilleur de leur forme ce jour-là. De temps à autres j'en profitai pour lui chatouiller les côtés, lui attraper un bras et le faire tournoyer ou encore de faire mine de le faire tomber mais de le rattraper avant qu'il n'atteigne le sol. Heureusement il me restait quelques réflexes. Je l'aimais bien cet être lunatique. Soudainement une question me vint à l'esprit, preuve que là je touchais vraiment le fond de l'alcoolisme...Mais je savais que Caleb comprendrait:

- Putain j'ai un doute, c'est l’œuf ou la poule qui vient le premier ?, demandais-je comme s'il s'agissait de sauver l'humanité.

Je ne m'étais pas arrêté de danser et je ne savais pas comment mon ami s'était retrouvé en position "sac à patate" sur mon épaule et pourtant j'attendais sérieusement une réponse. Qu'est-ce qui clochait avec ce cerveau ? C'était toujours ainsi, il fallait que je m'intéresse à des trucs sous l'effet de l'alcool qui n'avaient aucun intérêt à mes yeux dans la vie réelle.