Mais où est-ce qu’elle avait laissé sa personnalité bon sang ? Où était passée celle qu’on surnommait avec crainte et respect le Démon ? Où étais partie sa foutue rage contre les hommes ? Ses pensées se mélangeaient tandis qu’elle te suivait distraitement jusqu’au restaurant, songeant à tes paroles. Elle était venue, oui. Non pas parce que tu lui avais dit de te suivre mais parce que son estomac réclamait aussi famine. Et elle devait manger avant de tomber dans les pommes. Elle avait suivi tes pas, traversant à son tour la foule compacte d’humains qui se pressaient. Ses pieds ornés de bottines noires avaient battus l’asphalte fermement pour se calquer à tes traces. Alors vous étiez enfin arrivés au restaurant et quand vos corps franchirent le seuil de la porte, quelques regards se tournèrent subitement vers vous deux. La chaleur étouffante des fourneaux en train de fonctionner traversa la Queen et elle laissa son regard glisser sur la pièce du restaurant. C’était petit mais charmant. Et elle reconnut immédiatement quelques visages familiers, des adolescents qu’elle avait déjà croisé au lycée, dans les couloirs, plus précisément. Ils vous dévisageaient avec des yeux aussi gros que des billes de verre. Sans doute étaient-ils surpris de croiser la Reine des Amazons avec le Roi des Aristocrats. Lith pouvait comprendre leur surprise. Elle-même se sentait déboussolée de traîner avec toi. De s’acoquiner avec l’ennemi, même. Traînant négligemment des pieds, elle s’installa à une table, essayant tant bien que mal d’ignorer les regards et les chuchotements peu discrets.
« T’as vu, c’est Natsume. Je sais qu’elle vient souvent manger ici, mais d’habitude elle est seule. Ce qui m’étonne encore plus ; c’est qu’elle est venue avec Saiga. » « Sssh idiot elle va t’entendre, tu parles trop fort ! Tu sais bien qu’elle est aussi forte qu’un ours, elle va te foutre la raclée de ta vie abruti ! » « Je sais bien mais je trouve ça trop suspect ! Et depuis quand ses yeux sont vert ?! » « Baka, tais-toi, elle nous regarde ! »
En effet, elle les regardait en biais. Mais pire encore, elle les entendait clairement. Son ouïe était fine et elle laissa un long soupir filtrer entre ses lippes. Ses paumes se posèrent alors violemment sur la table et elle te regarda brusquement dans les yeux, t’invitant à venir t’asseoir en face d’elle du regard. Elle haïssait les commérages. Mais se fichait complètement de ce qu’on pouvait dire sur elle. Qu’on la traite de Démon, de sadique ou de folle furieuse, cela ne lui importait guère. Mais quand on médisait trop à son égard, elle perdait patience et passait à l’action. Si les deux garçons qui la scrutaient du regard n’arrêtaient pas bientôt, elle cèderait à ses pulsions de violence. Et rien n’était plus dangereux qu’une Lilith déchaînée. Quiconque la connaissait un minimum le savait. Attendant patiemment que tu viennes enfin t’installer, elle prit le menu en main et le parcouru des yeux rapidement. Généralement, dans un restau’ de ramens, on prenait des ramens. La jeune fille ne dérogea pas à cette règle ancestrale et commanda simplement son menu habituel, un bol extra-large de ramens. Le patron acquiesça simplement d’un signe de tête et se mit à l’œuvre.
Alors elle reposa le menu d’un mouvement vif, sa voix s’éleva encore une fois, elle ferma les yeux une seconde avant de les rouvrir et te fixer de nouveau. Jouant distraitement avec une longue mèche de sa chevelure rose vif, ses yeux semblaient ne pas pouvoir quitter ton faciès. Quel était ce sentiment qui faisait battre son cœur à toute allure, qui faisait bouillir son sang au creux de ses veines ? Elle l’avait déjà ressenti une fois. Avec Akira.
« Faisons 50/50 pour l’addition. La guerre des sexes nous concerne peut-être quand nous sommes au lycée, mais une fois à l’extérieur, je n’ai aucune raisons de m’en prendre à l’ennemi. Sauf si tu me pousses à bout, je n’ai donc pas de raisons de te réduire en poussière actuellement. Souviens t’en. »
Elle était on ne peut plus sérieuse. Son visage n’exprimait aucunes émotions, ne trahissait aucuns sentiments. Stoïque et froide, de nouveau. Le rouge qui auparavant avait creusé ses joues avait disparu, rendant à son faciès de poupée de porcelaine toute sa pâleur. Lith était quasiment translucide, comme un être supérieur ou un ange. Pourtant, elle portait un prénom de Démon, paradoxe n’est-ce-pas ? Ses petites mains posées à plat contre la table, les jambes croisées l’une sur l’autre, elle avait l’aura d’une Reine. L’essence même d’un leader. L’air semblait tout à coup lourd. Empli en tension, le restaurant semblait anormalement calme comparé à avant. C’était toujours comme ça quand la Queen franchissait le seuil de chaque lieu de l’île. On se soumettait à elle, peu importe qu’elle soit plus jeune ou plus petite. Après tout, elle était une Natsume et chacun connaissait les antécédents de sa famille et ses propres antécédents. La Reine avait absolument tous les droits.
« Mangeons ! »
Avait-elle crié en regardant son bol arriver, encore fumant. Les yeux emplis d’étincelles, elle avait complètement changé d’attitude et chantonnait désormais un air connu. Lith changeait de comportement en fonction de la situation. Le changement inopiné effrayait le plus souvent ses pairs, voilà pourquoi elle était quasiment toujours tout seule. Et elle se mit à manger goulûment, oubliant presque instantanément que cinq minutes avant, elle t’avait menacé. Cette fille était anormalement monstrueuse.
Ils étaient entrés dans ce restau ensemble. Elle et lui. Eve et Adam. Le noir et le blanc et tous les opposés qui puissent exister en cette terre entière. Jamais, sauf en deux ennemis pris au poings, Sato n'aurait imaginé marcher un jour aux côtés de la Reine des Amazons, aussi tranquille qu'une feuille poussée par le vent. Mais depuis qu'il était monté sur le trône, rien n'allait plus. Ni son caractère, ni ses gestes, ni sa façon de diriger, ni ses relations. Il se montrait toujours aussi hautain, provocateur et chiant. Toujours avec prestance, il était prétentieux et marchait sur les pieds de tout le monde. Agissait comme les serpents: patient, endormant la vigilance de l'ennemi et lui faisant croire à sa vulnérabilité avant de lui mordre mortellement le cou. Non, sur ces points rien ne changeait. C'était la réaction des autres. Il se faisait gentil là et avec qui, il ne fallait pas. Ou alors les gens aimaient son attitude chiante ou le faisait encore plus chier, le forçant à paraître peu sûr de lui et à s'impatienter. Non, depuis qu'il était sur le trône, tout n'était pas comme prévu. Horripilant. Très horripilant. Et Sato savait quoi faire. Quoi faire pour réveiller brusquement les esprits. Les éveiller à SA conscience. Se faire passer pour un gentil toutou et ainsi embobiner l'esprit. Quoiqu'elles puissent en dire, les femmes restaient plus faibles que les hommes. Alors ce n'était pas compliqué de les manipuler, de leur faire croire à quelque chose pour les poignarder par la suite.
HAHA! Allez dire ça au charlatan dans la rue en face. Sato avait beau le savoir, Lith... ce n'était pas du tout comme ça que ça marchait avec elle. Il s'attendrissait de ses réactions, de l'enrager et plus il jouait avec elle sur ce point... plus il... craquait? Mais voyons. Balivernes! Le Roi des Aristos ne craque pas pour une fille franchement! Il se fallait digne! Et pourtant, il n'était pas lui avec la demoiselle. Peut-être plus libre, plus lousse et humain. Social. Même s'il s'était foutu des quelques paires d'yeux qui s'étaient tournés à leur arrivée, même s'il avait reconnue des gens, Sato n'y avait pas prêté attention. Dès qu'ils étaient entrés, Sato avait laissé Lith le guider à une table. Les regards se retournaient et l'adolescent, bien qu'indifférent était certain que quelques-uns devaient avoir avaler de travers, devaient s'être étouffer - il était sûr, il avait entendu quelqu'un tousser, et devaient avoir ouvert la bouche de deux mètres de long. Mais oui, Roi et Reine ennemis avaient décidé de faire une trêve pour un midi et de manger ensemble. Et alors? Ce n'était point la fin du monde tout de même. Quoiqu'à bien y repenser... peut-être... Sato ne mangeait pas avec les filles comme ça, facilement. Ses yeux croisèrent ceux d'un élève et narquois, le Roi des Aristos lui lança un sourire éclatant et l'autre se retourna vivement. Il avait compris. C'était déjà ça. Une paire d'yeux de moins. À qui la chance maintenant? Cessez donc de les regarder ainsi, Sato voulait bien manger sous les projecteurs, mais il y avait une limite.
Les chuchotements étaient bas et pourtant, Sato réussissait à en percer quelques bribes. Comme:
― Lilith... Amazon... regarde pas con! Elle... Saiga... font ici...
Eh oui. Les choses surprenaient toujours au bon moment. Et Sato baissa les yeux sur Lith lorsqu'elle celle-ci apposa brutalement ses mains sur la table vers laquelle ils s'étaient dirigés. Droit et fier, il attendit quelques secondes avant de s'asseoir en face d'elle, ce que la demoiselle avait sans doute voulu lui signifier de ce magnifique regard enflammé. Magnifique? Le jeune homme laissa la Reine se servir, regardant le menu très vaguement, préférant ne pas enquiquiner d'avantage la demoiselle qui lui faisait face, visiblement irritée, agacée par les regards qui ne s'étaient pas tous baissés ou détournés. Plongé dans sa simili lecture du menu, l'adolescent ne voyait pas que la Reine aussi le regardait, assi comme un roi, le menu posé sur la table, gracieux et sûr de lui, intérieurement il ne savait absolument pas quoi prendre. C'était qu'il n'avait jamais pris de ramens de sa vie. Pas un seul. Eh non, même s'il était né en sol japonais, même s'il y avait grandi. Alors honnêtement, il ne savait pas du tout quoi prendre et quand il leva les yeux, ce fut encore ceux de Lith qu'il croisa et il ne put lui demander son avis, elle parlait déjà la première.
― Ça me va. Je me souviendrai de votre recommandation... ma Reine.
Et un petit sourire flotta sur ses lèvres dignes avant de disparaître, relisant le menu attentivement. Et tandis que ses yeux lisaient, ses oreilles entendaient encore les murmures. Après quelques temps à rêvasser éveillé parce qu'il ne savait pas vraiment quoi prendre ou plutôt, parce qu'il n'était pas inspiré par la nourriture, il releva légèrement la tête à l'expression vive et sincère de Lith lorsque son bol de rament apparut devant elle, comme devant une grande Reine. Petite dans son cas ne put s'empêcher de penser Sato et il retint un rire. Mais ses oreilles repérèrent un gloussement et ses yeux suivirent jusqu'à la provenance du bruit. Et il plissa doucement les yeux, son geste était impérial. Lui. L'imbécile. Alors c'était ça ton rendez-vous important? Sato ne détacha pas son regard en biais de l'élève qu'il venait de reconnaître dans la pièce. Assi une table plus basse à sa gauche, ce con qui lui avat refilé son rendez-vous était là, à rire avec des copains, pitonnant sur une tablette. Le salaud. Sato commanda finalement un simple bol, après tant de siècle à réfléchir à son choix puis se renferma sur sa frustration.
Au début, elle n'y prêta guère attention, à vrai dire, trop concentré sur ses nouilles qu'elles avalaient à vitesse grand V. Mais au bout de quelques secondes qui lui semblèrent être des heures, elle releva les yeux de son bol, les écarquillant soudainement. A l'instant, ne venais-tu pas d'utiliser un possessif en la désignant, elle ? Elle n'avait pas rêvé, ni imaginé ce qu'elle avait clairement entendu, non. « Ma » Reine. C'était la première fois que tu l'appelais comme ça. On pouvait donc aisément lire sur son visage une expression hébétée, la bouche grande ouverte et les prunelles en soucoupe. Lith repris son calme habituel en s'affairant violemment sur son plat de nouilles, essayant de se dire que ce n'était qu'une simple formule de politesse. N'importe quoi. C'était n'importe quoi. Irréaliste. Lith mangeait à une vitesse fulgurante. Le stress la gagnait. Et elle remarqua enfin. Tu semblais ailleurs, comme intrigué par quelque chose qui se trouvait non-loin de votre table. Les pupilles de la Queen suivirent la trajectoire des tiennes et elle réalisa que tu observais quelqu'un. Un jeune homme qui semblait avoir vôtre âge. Lith ne le connaissait pas, vraisemblablement. Il riait simplement avec sa bande d'amis, certes un peu trop bruyamment. Mais pour quelle raison les observais-tu biais ? La jeune fille ressentit quelque chose d'étrange. Un espèce de pincement au cœur. Indescriptible mais ce qu'elle savait, c'est qu'elle n'appréciait pas que tu ne la regardes pas, elle. Laissant filtrer un grognement sourd entre ses lippes, elle déposa ses baguettes promptement, ayant fini de manger pour le moment, en profitant pour te parler.
« T'en as mis un temps pour choisir. T'es jamais venu manger ici ? Sinon, question stupide mais pourquoi tu lui lances un regard noir à lui ? Une de tes connaissances ou t'aimes juste mater des mecs ? »
Et elle se commanda un autre plat de nouilles, essuyant d'un revers de serviette ses lèvres fines. Bu un verre d'Ice-Tea bien frais, posa son menton délicat sur ses paumes. Elle avait encore faim. Et son appétit était gargantuesque, mademoiselle pouvait librement manger ce qu'elle désirait, elle ne prenait pas de poids. Il fallait l'avouer, elle maintenait son corps en forme et entretenait son physique avec acharnement, allant jusqu'à l'épuisement total parfois. Le sport avait toujours été une sorte d'échappatoire pour Lith. La seule chose qui l'attristait, c'est que personne n'avait encore réussi à la battre, que ce soit dans n'importe quel domaine sportif. L'homme masqué ne comptait pas, il l'avait eue par surprise et c'était une attaque déloyale. Lith chassa rapidement ces pensées de son esprit embrumé et ses yeux se remplirent à nouveau d'étoiles quand elle vit arriver son second bol de ramens. Elle se fichait que tu la juges sur son appétit, elle avait juste faim. Au moins elle n'était pas le genre de fille à manger de la salade verte en guise de déjeuner. De plus, elle devait l'accorder, les nouilles de ce restaurant étaient tout simplement bonnes.
« Alors t'aimes bien ? C'est meilleur quand tu les manges pendant que c'est brûlant, sinon ça perds en saveur. Reira me le répétait souvent. »
Continuant de manger, comme son bol, elle avait dit ça distraitement. Sans se soucier du fait que d'habitude elle ne parlait jamais de sa mère adoptive. Parce que les souvenirs étaient trop douloureux. Mais là, ce fut instinctif. Presque naturel. Comme si parler de Reira était chose courante entre vous. Fronçant légèrement les sourcils, Lith termina son repas en un rien de temps et posa les deux mains à plat sur son ventre, se mettant à son aise. Elle était repue pour ce midi. Son estomac semblait apaisé, mais pas elle. Les chuchotements ne cessaient d'empirer, allant jusqu'à créer un léger bourdonnement qui donnait à Lith un début de mal de crâne insoutenable.
« Je vais les tuer... »
Marmonnant sans vraiment s'adresser à toi. ses doigts longilignes ne cessaient de tapoter la table, signe que la reine en avait marre. La colère gagnait, encore une fois.
Humilié. C'était une humiliation des plus indécentes, non, des plus outrantes. Ce taré qui lui avait dit qu'il ne pouvait pas renseigner la Queen des Amazons parce qu'un de ses potes avait eu un problème de serveur. Connard va. Il savait où il pouvait se les mettre ses excuses? Sato était agacé, non. Irrité largement. L'azur de ses yeux avait soudainement retrouvé leur lueur hautaine, mêlée à un semblant de haine distinguée. Ce n'était pas une haine sauvage, elle n'était pas vengeresse, elle était identique à celle des gentlemans. Sato connaissait trop bien la bienséance pour paraître un jour telle une bête enragée. Pour paraître un jour comme une Lilith en colère. Cette pensée faillit le dérider mais échoua. Il allait le buter. Oh oui. Il allait enfreindre la loi des Aristos disant ouvertement qu'il se devait d'être manipulateur et perfide. Il allait lui faire mordre la poussière et sans doute d'ici quelques secondes, si son bol n'arriverait pas avant. C'était que se payer la tête du Roi était une outrance aussi horrible que de papoter dans le dos de la demoiselle qui partageait la même table que lui. Mais Sato ne put fulminer d'avantage sur place, même pas assez pour qu'il puisse se transformer en volcan. Il fut interrompu dans sa colère et son humiliation par le grognement de Lith. Ses yeux azurés se posèrent aussitôt sur la Reine, attentif. Elle venait de poser ses baguettes et le Roi écarquilla légèrement les yeux. Q... quoi? Déjà... fini? Le blond fronça les sourcils à la dernière phrase de Lith. Mater quoi? Qu'elle répète pour voir? Heureusement qu'il n'avait pas réellement envie de la provoquer maintenant. Mais sa voix s'éleva tout de même, moins sereine qu'à son habitude, mais ce n'était nullement la faute de la Reine. Non, c'était encore cet affront causé par ce mec qui l'énervait.
― Mes parents n'ont jamais voulu que je mange ce genre de choses. C'était presque comme s'ils apposaient des mini-caméras sur les boutons de mes chemises quand j'étais au lycée avant de venir ici.
Il émit un soupir découragé et son bol arriva tandis que son amie d'un jour s'en commandait un autre. Hein? Sato la regarda avec un étonnement sincère mais pas méchant. Mi-amusé, mi-compréhensif. En une seconde, c'était comme si sa colère s'était envolée. Il contemplait l'adolescente avec une légère admiration, elle semblait... tellement plus vivante que lui! Juste dan sa façon de boire, elle semblait... naturellement ainsi. C'était rafraîchissant tout à fait. Et quand son second bol arriva et que des étoiles allumaient derechef ses eux jades, Sato commanda lui-même un verre d'eau pour se changer les idées et s'empêcher de rire. Et prenant ses baguettes, il répondit à la question de la Reine.
― Je ne vois pas pour quelles raisons je devrais mater le cul de qui que ce soit. Les mecs ne m'intéressent pas si ça peut te réconforter dans quoi que ce soit. Bien que tu ne dois pas en avoir grand chose à faire. Pour répondre honnêtement, cette connaissance était censée être à ma place en ce moment. Le con...
Et il entama sa première bouchée qui, pour une première expérience n'était pas si mal et déjà l'Amazon qui lui demandait comment il trouvait ça. Il prit le temps d'avaler et sourit en la narguant légèrement.
― Pas si mal. Je m'attendais à pire. Ce n'est pas comme... on me les avait décrit. Qui est Reira?
Il était étrange que Sato puisse s'intéresser ainsi à la vie de qui que ce soit. Mis pourtant, entre eux deux, les conversations semblaient naturelles et ils balançaient quelques références ou souvenirs par-ci, par-là. L'adolescent trouvait cela néfaste mais en même temps, en savoir un peu plus sur la Reine ne semblait pas si inintéressant. Au contraire, il appréciait. Il ne savait pas pourquoi... Et il prit une gorgée d'eau écoutant lui aussi les chuchotements qui ne faisaient que s'alimenter de leur propre conversation. "Allez vous faire foutre." C'était ce qu'avait envie de leur dire Sato. N'avaient-ils donc pas le droit de manger en paix? Quelle insolence. Ça méritait une correction et son regard glissa de nouveau vers l'élève qui, malgré leur proximité de table, ne l'avait pas remarqué. Plongé dans sa technologie. Pas même un regard. Impoli. Tu as beau ne pas faire parti de cette guerre, ne joue pas avec les nerfs de Satoshi Saiga. Les vipère savent se battre et tu es bien parti pour connaître ses poings. Il déposa son verre et agitant légèrement ses baguettes en direction de Lith, son regard se plongea dans le sien, amusé et cachant une intention qui devait sans doute être réciproque.
― Tu ne trouves pas ce bourdonnement incessant... agressant? Tu voudrais bien m'aider à le faire taire? Histoire de pouvoir manger dans un silence presqu'homogène? Tu t'occupes de ce que tu veux, moi je veux juste corriger ma connaissance.
Et ne laissant pas le temps à la Reine de rétorquer, il se leva tranquille, s'inclina légèrement devant Lith, comme un Roi et en quelques pas, à peine six ou sept, il se rendit jusqu'à la table voisine. Les quatres élèves relevèrent les yeux en le voyant s'appuyer sur la table. Prenant une posture hautaine, faisant face à Lith mais son visage tourné vers le mec qu'il voulait voir en particulier, un sourire peu rassurant se dessina sur ses lèvres tandis que l'autre perdait un peu de contenance. Et cachant bien sa colère derrière sa politesse, devenue légèrement méprisante, il déclara:
― Tu me refiles tes rendez-vous pour venir picorer avec tes copains? Non pas que j'y vois d'inconvénients, ça me va mais je croyais que tu avais autre chose de plus important à faire?
Et l'élève boutonneux détacha avec peine ses yeux de ceux dangeureusement amusé de Sato pour enfin, reconnaître Lith, assise en diagonale. Les couleurs qu'il perdit alors!
La discussion était des plus normales entre vous. Vous parliez comme si la guerre n’existait pas. Lith arrivait même à sourire faiblement, chose qui n’arrivait qu’en de très rares occasions. Elle buvait tes paroles, écoutait attentivement le moindre mot pour ne pas en perdre une miette. Elle retrouvait un semblant de vie sociale à tes côtés ; son visage prenait des expressions qu’elle n’avait plus eues depuis des années. Tu avais pénétré sa bulle de confort ; encore une fois, chose que personne n’avait fait depuis Akira. Même quand tu posas la question de savoir qui étais Reira, elle n’eut pas l’envie de te saigner comme un porc. Elle aimait bien ce sentiment de normalité qu’elle ressentait actuellement, elle devait l’avouer. Elle qui s’était sentie anormale tout ce temps, elle retrouvait peu à peu des émotions qu’elle pensait longtemps perdues. Et te contempler était devenu une activité qu’elle aimait bien. Mais comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin. Dommage que celle-ci arrive bien vite, sans qu’elle ait le temps de te répondre. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui manque. Elle suivit le cours de la scène du regard, avec une certaine morosité.
Ah. Alors c’était donc lui le fameux informateur qu’elle aurait dû voir tantôt. A vrai dire, elle ne s’était pas attendue à voir quelqu’un avec un charisme surnaturel ou un physique impressionnant. Pour un élève de Sei, il était tout simplement banal, comme n’importe quel nippon. Donc aux yeux de la charmante Reine, inintéressant et sans réel intérêt. Mais malgré son envie de passer outre et de finir de manger tranquillement, tu n’étais clairement pas de cet avis, toi. Ton corps s’était levé et tu avais esquissé quelques pas vers leur table, sans te soucier du fait que la Reine te regardait en biais, légèrement agacée, il fallait être honnête. Lors d’un repas, Lith avait deux règles indiscutables. Premièrement, ne pas la déranger bêtement pendant qu’elle mangeait. Deuxièmement, ne pas laisser son repas refroidir. Les deux règles étant impunément enfreintes, ses sourcils se froncèrent de nouveau mais elle retrouva son faciès inexpressif bien vite en entendant ta voix s’élever face au jeune homme qui semblait devenir blême. D’ailleurs, ce dernier avait fini par rencontrer les iris de la jeune reine. Croyez-le ou non, il avait tout à coup perdu son sourire béat qu’il avait eu pendant tout ce temps. Et ses amis semblaient tout aussi terrifiés à l’idée de confronter l’amazone. Pourtant, elle n’avait que faire d’eux.
« Tu me refiles tes rendez-vous pour venir picorer avec tes copains ? Non pas que j'y vois d'inconvénients, ça me va mais je croyais que tu avais autre chose de plus important à faire ? »
L’interlocuteur tremblait, Lith le voyait bien. Ses mains s’étaient mises à s’agiter toutes seules et des gouttelettes de sueur perlaient le long de ses tempes. Alors voilà donc comment réagissait les autres face au Roi des Aristocrats. Enfin, face à sa colère. Lith trouvait la situation plutôt amusante, finalement. Ton sourire dissimulait habilement ta rage, alors que Lith laissait exploser sa colère sans la moindre gêne, elle. Voilà encore un point qui vous différenciait. Elle décroisa les jambes pour se lever à son tour, suivant tes pas d’un mouvement fluide, ses longs cheveux aux reflets nacrés la suivant docilement. Une fois à ta hauteur, elle se contenta de laisser un long et profond soupir s’échapper de ses lippes, signe de son ennui mortel. Et ses paroles s’élevèrent inconsciemment, perturbant le silence qui s’était volontairement installé, tous les regards curieux tournés vers la scène qui se déroulait.
« Alors c’est toi l’informateur qui disait avoir des secrets à me révéler. Si je me rappelle bien du message, tu disais avoir des informations essentielles sur les faiblesses des groupes. »
Un fébrile sourire porté au creux des lippes, elle s’adressa ensuite à toi, levant les yeux doucement, inclinant légèrement le corps. Elle avait une petite mine navrée, presque désolée de ce qu’elle s’apprêtait à faire.
« Tu as dit que je pouvais m’occuper de ce que je voulais. Excuse-moi de m’occuper de ça. »
Et dans son emportement impulsif, son bras se tendit vers l’élève tremblant, ses longs doigts longilignes attrapant violemment son col, le traînant vers elle dans un fracas bruyant. Il n’était pas musclé, ni imposant. Sa taille correspondait largement à celle d’un nippon classique, rien ne le démarquait des autres. Une copie conforme de l’idéalisme japonais. Cheveux noirs, prunelles ébène. Uniforme d’étudiant. Un modèle de la société, semblerait-il. Exactement le type de personne que la Queen exécrait au plus haut point, faisant ressortir son côté sadique. Elle abhorrait la conformité, au point que c’était devenu presque instinctif de corriger ce défaut maintenant. Et tandis qu’elle tenait fermement la prise sur le col, son poing droit s’était refermé, elle avait pris une longue inspiration. Et le frappa de toutes ses forces en plein visage, sentant le nez de son interlocuteur se briser sous l’impact qui fut bref, le lâchant négligemment pour qu’il retombe sur le sol. Les gouttelettes carmin commençaient à souiller le sol nickel et elle soupira de nouveau, portant de nouveau la voix, avec une légère raillerie dans celle-ci.
« Un simple conseil ; la prochaine fois que tu m’envoies un SMS pour me faire faux bond, assure toi de ne pas croiser mon chemin ensuite. J’ai tendance à me laisser emporter par mes émotions, tu sais. Satoshi, on ne quitte pas la table tant que l’on n’a pas fini de manger, c’est impoli. »
Ayant fini son sermon, elle retourna tout simplement s’asseoir sur sa chaise, laissant le soin à ses amis de lui apporter les premiers secours. Posant son menton de nouveau sur sa paume, le coude sur la table, elle songea distraitement à la suite des évènements, sans se soucier du reste.
Sato n'avait rien pu faire. Pas un geste de plus, pas un mot, pas de théâtralisation. Nenni. Les élèves le connaissaient. Même s'il n'était pas arrivé à la naissance de Sei. Même s'il n'était pas le plus vieux d'entre eux et que l'Aristo Taito devait sans doute être plus connu que lui. Cependant, maintenant qu'il était Roi, c'était lui qu'on craignait. Et pas seulement parce qu'il faisait désormais parti de la royauté. Parce qu'on avait pris compte de sa propre dangerosité. Parce que maintenant, tout le monde savait qu'il n'était pas juste un beau parleur et que ses poings étaient tout aussi efficaces que ceux des Bastards. Et que depuis quelques temps, il s'en servait un peu plus. Eh oui. Son peuple se devait d'établir un certain respect et si les paroles de suffisaient pas, alors les muscles devaient alors entrer en ligne de mire. Car après tout, c'est bien beau parler et jouer sournoisement dans le dos de tout le monde, il fallait également prouver que les Aristos n'étaient pas seulement des ombres et des lâches. Et Sato était au pouvoir pour cette raison également. Alors il avait pris un malin plaisir à voir la décontenance, la crainte se peindre sur les quatre visages et les autres qui les regardaient, murmurant parfois des: "Ça va chauffer..." Il était le centre d'attention du restaurant pour l'instant et il voulait savourer ce moment. Ça lui avait plu...
Jusqu'à ce qu'elle vienne fourrer son nez dans ses affaires, alors qu'il lui avait dit qu'elle pouvait se prendre qui elle voulait, tandis que lui se chargeait du quator personnellement. Elle avait signifié sa présence par un soupir ennuyé et avant que l'adolescent n'aie pu dire quoi que ce soit d'autre, la Reine avait déjà pris la parole. Ahlalala. Même pas droit à sa propre entrée avec elle. Fallait toujours qu'elle vienne imposer sa présence. Enfin, non pas tellement mais Sato, étrangement, n'y voyait pas d'inconvénients. Il était... incongru de savoir que le Roi se fichait un peu de se faire évincer de la scène par la demoiselle. Ça pouvait bien être elle. Tant pis. Pour cette fois il n'en fit pas fi. Et comme elle lui adressait la parole, Sato la dévisagea avec neutralité avant qu'une petite moue moqueuse ne s'affiche sur son beau visage princier lorsqu'elle reprit ses paroles. Et comme elle n'attendit nullement ta réponse, elle s'exécuta et Sato, parce qu'il n'avait plus de rôle à tenir, décida d'imposer sa place, poussant totalement sa supposée connaissance vers Lith. Il regarda l'élève assis à sa droite avec un grand sourire cachant son dédain et l'autre perdit de ses couleurs également, ne se sentant pas en sécurité aussi proche des deux personnalités roayales. Le Roi des Aristos contempla le travaille de Lith alors qu'après s'être emparée de sa victime par le col, elle inspirait puis... lui balançait une rosse inoubliable. Ayant posé les coudes sur la table et apposé noblement son menton sur les revers de ses mains, les doigts entrecroisés, l'adolescent siffla cyniquement tandis que les élèves de la table blêmissaient d'avantage et que les autres laissaient échapper des rires, des "Oh!" et des cris devant la scène.
Ah, l'effet Lilith Natsume ne laissait jamais personne indifférent. Et même Sato sourit lorsqu'elle s'adressa à sa victime, étendu sur le sol, se tenant le nez et gémissant lamentablement. Le Roi observa le rouge carmin qui s'étalait et son si beau sourire faillit se transformer en rire lorsque la Reine le réprimanda devant tout le monde. Eh bien. On ne se gênait pas. Et même la foule n'osa se moquer et les rires précédents se turent subitement. Qu'allait répondre Sato le Roi? Qu'il n'en avait rien à faire? Qu'il s'en fichait puisqu'elle était, théoriquement son ennemie? Mais ennemie, l'était-elle réellement? Puisque de toute évidence, ils s'entendaient sur certains points et réussissaient même à discuter paisiblement. Sato la regarda repartir vers la table royale et ne la suivit pas. Il resta assi avec les autres élèves pendant quelques secondes puis lança une simple raillerie, redevenue amicale envers Lith:
― Comme il vous plaira... Ma Reine.
Et il s'empara d'un verre de liqueur sur la table, en but une gorgée comme s'il en avait amplement le droit et grimaça. Boire ainsi, un Roi ne pigeait pas de la sorte dans son peuple. Enfin, détail insignifiant, Sato l'oublia bien rapidement et se leva enfin. Il s'incilna poliment devant le trio, regarda une dernière fois son ancienne connaissance et au moment où il allait rejoindre la demoiselle à leur table et reprendre tranquillement leur repas, puisque maintenant les gens refusaient de chuchoter encore ou alors le bruit avait largement diminué, une adolescent frêle fonça dans Sato, verre d'eau à la main. Splach! Le verre rempli projeta une partie de son liquide vital sur la veste du jeune homme et l'élève étouffa un petit cri. L'adolescent resta sur place, debout devant la table ennemie et contempla sa veste, nullement outré. Il porta ensuite son regard sur la jeune fille, rouge de honte, la main à la bouche et le verre tremblant dans sa main. Elle paraissait affreusement désolée et terrifiée. Elle avait raison. Sato pouvait lui sauter à la gorge, la forcer à être à son service, la manipuler par séduction ou autre. Mais là, maintenant, il n'avait pas envie. Elle ne semblait ni être une Amazon, ni une Mermaid après tout. Trop douce, trop innocente et parfaite inconsciente. C'était l'impression qu'elle donnait en tout cas.
«J... Je... je suis désolée...! Je ne vous avais pas vu. J... je vous en prie...»
Sato se contenta d'afficher un doux sourire et de balayé ses excuses d'un simple geste de la main chaleureux.
― Ça va. Ce n'est point grave. Il y a le principe qui dit que tout liquide sèche après un certain laps de temps. Ce n'est qu'un petit accident, tu n'as pas à te sentir coupable.
Il s'approcha gentiment et pencha légèrement la tête.
― Cependant, je n'ai pas le nécessaire pour accélérer le processus de séchage. Si tu pouvais bien me prêter ton mouchoir. Ce serait apprécié de ta part.
Et la jeune fille déposa promptement son verre sur la table des garçons et sortit son mouchoir blanc de sous sa chemise et le tendit, rougissante à Sato qui afficha un sourire encore plus aimable.
«T... tenez!» ― Merci.
Et il tendit la main afin de prendre le tissu blanc.
Et ses cicatrices lui rappellent que le passé est réel...
C’est vrai, elle ne lui avait pas laissé l’occasion de briller lors de cet acte. Mais que voulez-vous, Lith était Reine, Lith était un leader, Lith se mêlait de tout et de rien. Lith était Lith, avec son caractère de loup, ses habitudes tordues et son sarcasme à couper au rasoir. Lith était elle-même, en fait. Plus que la normale, plus que ne devrait l’être. Tu avais quelque chose en toi qui faisais ressortir certaines émotions que la jeune femme-enfant pensait perdues depuis longtemps. Commandant un parfait en dessert, elle était quelque peu distraite, regardant naïvement le menu de la carte, faisant semblant d’être absorbée par son contenu. Tu l’avais encore appelée « ma » Reine et ce devant tout le monde. Il était certain que cela allait alimenter les rumeurs et que bientôt les ragots sur vous n’allaient pas cesser. Tant pis, pensa Lith en parcourant du regard les desserts qui lui faisaient envie.
Et c’est là, que subitement elle entendit une voix faiblarde s’élever dans les airs, à l’attention de son compagnon de déjeuner. En premier lieu, elle ne leva même pas la tête, s’en fichant complètement. Elle allait juste s’excuser et s’éloigner, cette fille. Rien de plus, rien de moins. Mais Lith avait tort. Elle perçut ta voix s’exprimer à son tour et c’est là qu’elle daigna relever les yeux de son menu, un léger rictus sur les lippes. Cette fille était indéniablement plus jolie que la jeune Reine. Un teint quasiment parfait, deux grands yeux chocolat et des longs cheveux ébène parfaitement soyeux. De plus, il émanait de son corps entretenu une délicate odeur de fraise. Féminine jusqu’au bout des ongles, pensa Lith en observant les doigts fins de la jeune femme, aux ongles limés et recourbées. Tout le contraire de la Reine. Elle avait de nouveau ce pincement au cœur. Mais en plus violent. Parce que tu la regardais, lui parlais, lui faisais des courbettes. Restant stoïque jusqu’à la fin de vôtre échange mielleux, Lith referma violemment son menu d’un geste vif et posa ses iris sur la demoiselle en question, sans un sourire.
« Tu ne vois donc pas que tu interromps nôtre repas ? Es- tu bête à ce point ? Je n’aime pas les filles qui manquent de respect, mais puisque tu as aidé Satoshi à se sécher, je vais faire une exception et te pardonner. »
Et la Reine se leva promptement, contourna la table tranquillement et se rapprocha aisément de la fille en question, penchant légèrement la tête vers son oreille, parlant si bas que même le Roi n’aurait pu entendre. Froide et sans émotions, Lith souffla quelques mots, perdus dans un murmure éphémère.
« Maintenant reprends ton putain de mouchoir et fous le camp, où je te retrouve et mes connaissances se feront un plaisir de venir entre tes cuisses. Compris ? »
Apparemment l’effet voulu avait réussi, parce que la fille qui auparavant était tout sourire avec le roi pris la même teinte blême que les quatre garçons que les leaders avaient menacés tantôt. Livide comme un macchabée, elle reprit son mouchoir avec hâte et s’inclina légèrement, avant de tourner les talons et de rejoindre sa bande de copines qui pouffaient comme des décérébrées. Idiotes. Lilith soupira lentement et regagna de nouveau sa place, quelque peu irritée de se faire interrompre par tout et n’importe qui pendant son repas. Pendant leur repas. Et cela se lisait sur son faciès généralement atone qui prenait cette légère moue énervée.
« Reprenons où nous étions arrêtés, maintenant que le brouhaha s’est affaibli et que nous sommes de nouveau en tête à tête. »
Allez comprendre pourquoi, mais ses joues s’empourprèrent lentement quand ses yeux croisèrent les tiens et elle regarda ailleurs, reprenant la parole de plus belle. Elle avait envie de discuter. Pendant des heures. Mais seulement parce que c’est avec toi qu’elle était. Pas quelqu’un d’autre.
« Tes parents ont l’air tellement stricts ! Pas étonnant pour un Aristocrat, mais il y a des limites quand même. Reira est la femme qui m’a recueillie quand les miens m’ont abandonnée. A l’époque elle avait seulement 22 ans et ne travaillait pas, je crois que ce fut très dur pour elle de prendre la décision de m’élever comme sa propre fille. Elle m’a prise sous son aile et m’a emmenée ici et pendant quinze ans j’ai vécu ma vie comme n’importe quelle adolescente, hormis le fait que j’étais orpheline. Mais tout s’est arrêté quand mon géniteur a fait son apparition. Je le déteste. »
Et Lith arrêta simplement de parler, se renfrognant dans son siège, recroquevillée en arrière. Jamais elle n’avait parlé avec autant de franchise à un homme. Même avec Akira, elle avait eu beaucoup de mal à délier sa langue et à parler de son passé. Mais là, tout s’était fait naturellement. Avec une aisance qui effrayait complètement la jeune fille. Elle ouvrait son cœur, après tant d’années à avoir construit un mur autour de celui-ci. Pourquoi est-ce que tout semblait si facile quand elle te regardait droit dans les yeux ?
HRP
J'ai vraiment adoré écrire ce post, en espérant qu'il te plaise <3.
À vrai dire, Sato n'avait jamais vraiment regardé les filles. Elles étaient laides? Belles? Normales? Grosses? Maigres? Qu'est-ce ça pouvait bien lui faire? Les filles étaient les filles. Les garçons étaient les garçons. C'était ainsi que le voyait Sato et il n'allait certainement pas se plier en quatre pour plaire à une demoiselle. Et si l'une d'entre elles se pliaient en quatre elle-même, ça ne le regardait pas et ça ne l'arrêterait pas. Cette élève avait beau être fort joli, s'il n'y voyait pas un plaisir à la séduire pour la manipuler, alors il non, il n'allait pas faire la différence entre elle et une adolescente beaucoup moins joli. La vérité était qu'il n'y avait eu qu'une seule personne dans sa vie qui avait pu égaler, à ses yeux, la Vénus romaine. Elle avait été sublime jusque dans sa mort. Vivace, fôlatre mais elle n'avait eu que lui dans son cœur et Sato ne s'en était rendu compte qu'au moment où elle avait rendu l'âme. Uniquement lorsqu'elle avait avoué les mots fatidiques et qui vous brisent en mille morceaux. Le Roi avait toujours été avec elle et jamais il ne l'avait remarqué. Alors à quoi bon choisir une fille pour sa beauté? Il n'en avait plus envie. Sato se forçait à le croire.
Et tandis qu'il essuyait nonchalamment son veston, sans se soucier que les regards se portaient encore sur la scène précédente où il était resté, il entendit à nouveau s'élever la voix de la demoiselle dont il était l'ami d'un jour. Ou plus. Il releva la tête comme si de rien n'était et dévisagea Lith qui s'adressait à l'élève qui avait la si grande bonté de lui prêter son mouchoir. Encore. C'était que si l'Amazon continuait à l'appeler "Satoshi", celui-ci allait prendre un sacré coup de vieux. Il n'aimait pas spécifiquement son prénom et honnêtement, il aurait préféré porter le nom d'une couleur. "Satoshi", cela faisait trop mature, trop adulte et vieille peau. Ça résonnait mal à ses oreilles et il n'aimait jamais entendre qui que ce soit le prononcer. Il allait le dire à Lith lorsqu'elle celle-ci se leva et vint murmurer dans l'oreille de son agresseur féminin. Eh bien quoi? Complotait-on dans son dos une tentative d'assassinat? Il n'entendait pas mais voyant soudainement la jeune fille blêmir et surpasser la blancheur d'un linge propre, s'emparer de son mouchoir qu'il avait encore dans les mains et repartir en coup de vent, oubliant son verre d'eau, Sato se dit que ce que Lith avait murmuré ne devait pas être des mots d'amour.
Au moins, elle s'était inclinée la jeune fille et Sato suivit sa course jusqu'à sa table des yeux. Ses amies riaient et elle lorsqu'elle ce fut assie, elle tourna discrètement la tête vers le Roi des Aristos. Celui-ci lui adressa un furtif signe de tête pour la remercier de nouveau puis vint rejoindre Lith à leur table en lui lançant une de ses nombreuses piques:
― Eh bien, eh bien. Ma Reine est bien impatiente aujourd'hui.
Enfin. Enfin, ils pouvaient reprendre tranquillement leur dicscussion sur les ramens sans craindre d'être dérangés une nouvelle fois. Assi, ses yeux ayant croisé ceux de la demoiselle qui lui faisait face, le jeune homme faillit rire en voyant le teint de porcelaine se teinter d'un rouge qui rendait la Reine encore plus attirante. Hein? Que? Quoi? Attirante? Sato fronça légèrement les sourcils. Allons bon! Une telle pensée n'avait pas pu traverser son esprit. Du moins il l'espérait.
L'adolescent prit une gorgée d'eau en écoutant les quelques révélations de Lith, chassant mentalement le commentaire de Lith sur ses parents. Elle n'avait pas idée de combien sa phrase était véridique. Atrocement véridique. Mais lui-même ne voulait pas entrer dans les détails concernant sa famille. Même s'il se sentait à l'aise en ce moment. Même s'il avait l'impression qu'il pouvait en parler, ne serait-ce qu'un peu, à l'Amazon. Il contempla un moment la Queen qui s'était recroquevillée sur sa chaise, pensif. Il voulait lui poser des tas de questions sur ce qu'elle venait de lui dire. Comme par exemple: d'où sortait-elle une pareille conclusion sur sa famille? Pourquoi avait-elle été abandonnée? Cette Reira n'avait-elle jamais songé à la mettre dans une famille d'acceuil si au départ cela avait été dur pour elle? Que lui est-il arrivé pour qu'elle n'aime pas son paternel? Sato laissa un silence marqué par les cuisines, par les discussions des autres tables, s'installer entre eux avant de demander enfin, d'une voix redevenue neutre:
― Pourquoi le détestes-tu? Si cela n'est pas trop indiscret de ma part, je m'intéresserai plus à ton histoire. La mienne n'en vaut pas la peine. Je suppose que l'abandon a dû être difficile. À moins que tu n'aies été trop jeune pour en subir des séquelles.
Il ignorait pourquoi, mais c'était naturel de se soucier, d'une certaine façon, de ce qu'avait dû ressentir Lith. Pourquoi?
Pourquoi?
Le Roi dû se retenir de ne pas se renverser son verre sur sa tête dorée. Que lui arrivait-il aujourd'hui? Il avait avalé de travers ce matin? Se sentir interpeller par une personne de la sorte... c'était... tout simplement anormal. Et pourtant, Sato ne trouvait pas ça désagréable.
Tu lui lançais encore et toujours une de tes nombreuses piques sarcastiques. Lith était habituée désormais, seul un petit grognement sorti de ses lippes fut utilisé en guise de réponse. Après tout, elle n’avait pas à entrer dans ce jeu malsain et n’avait absolument aucune envie de partir de côté-là. Elle te laissait l’embêter, parce que de toute façon qu’elle réplique ou non tu le ferais. Et ce n’est pas comme si ce jeu la dérangeait plus que ça. Elle aimait bien, en fait. Et c’était ça le pire. Son dessert arriva et ses yeux se posèrent sur le parfait. La bave aurait pu lui couler au bord de la bouche si elle était toute seule. Mais en ta présence, elle devait se tenir un minimum, tout de même. Jouant nerveusement avec sa cuillère, elle était plongée dans la contemplation de son parfait au chocolat. Elle entendit de nouveau ta voix et lâcha sa cuillère brusquement, la laissant tomber sur la table dans un petit fracas. Ses yeux s’écarquillèrent une seconde puis ses sourcils se froncèrent promptement. Elle n’aimait pas les gens qui prétendaient que leur passé n’en valait pas la peine. Certes le passé n’était pas vraiment facile à dévoiler, mais de là à dire que ça n’en valait pas la peine, elle détestait ça. Pourtant elle passa outre ce détail et répliqua sur un ton neutre ; enfin du moins elle l’espérait qu’il soit assez neutre pour ne pas montrer ce sentiment de colère qui la rongeait.
« Il fait souvent des promesses qu’il ne tient pas. Et c’est par sa faute si… »
Sa voix tremblait légèrement. Oui, Reira était morte. Oui, elle n’était plus là. Mais Lith savait pertinemment que ce n’était pas la faute de son père, mais elle avait préféré rejeter sa mort sur lui. Parce qu’il fallait bien blâmer quelqu’un dans cette sordide histoire. Et la jeune fille refusait de croire que c’était la maladie qui avait emporté sa mère adoptive. Alors elle s’était mise à haïr son père autant qu’un humain le puisse. De toute façon, que Reira soit là ou non, ça ne changeait rien. Lith n’était pas un enfant désiré avec amour. De plus, elle ne connaissait même pas sa vraie mère. A croire que dans sa famille, les liens du sang ne comptait guère. Elle reprit la parole, en ayant préalablement bu une gorgée d’eau, pour ravaler sa rage, en quelque sorte.
« Si Reira est morte. Quant à l’abandon, je ne peux pas vraiment m’en souvenir, ma vraie mère m’a déposée devant sa porte dès que je suis sortie de ses entrailles. Je ne sais même pas à quoi ressemble ma génitrice, si ce n’est que mes yeux verts viennent d’elle. J’ignore même son prénom. Peut-être qu’elle aussi est morte, je n’en sais rien. Et mon père n’a jamais voulu m’en parler. Je sais simplement qu’elle était une … »
Sa phrase resta en suspens, elle releva les yeux vers toi. Bon sang, qu’est-ce que lui prenait ? Pourquoi ? Comment ? Par quel foutu miracle en était-elle venu à parler de son passé aussi normalement ?! Et de plus, elle avouait beaucoup plus qu’elle ne devrait. Jamais elle n’aurait cru se sentir aussi bien avec un homme. Hormis Akira qui l’avait trahie, elle ne s’était jamais confiée. Reprenant la parole de plus belle, ses iris ne pouvaient pas se détacher de tes billes azuréennes.
« Jouons à un jeu. Une question chacun son tour et l’autre est obligé de répondre honnêtement. Evidemment, la question peut porter sur n’importe quel sujet, même la guerre des sexes qui nous opposent. »
Lith esquissa un léger sourire et engouffra une part de parfait dans sa bouche, savourant avec délicatesse le chocolat qui fondait sous sa langue. Elle adorait les douceurs. Elle but de nouveau une gorgée d’eau et s’installa convenablement sur sa chaise, pointant sa cuillère vers toi. Le brouhaha avait repris, mais au moins cela ne les concernait plus. La vie reprenait son cours. Et Lith changeait inconsciemment.
« Mais peut-être que le Roi des Aristocrats est trop peureux pour jouer avec moi ? »
Elle aussi, elle pouvait bien se moquer un peu de toi. Après tout, tu ne te gênais pas pour le faire ouvertement et en public. Mais allez savoir pourquoi, ça la rendait quelque peu nerveuse de le faire. Pourquoi est-ce qu’elle agissait aussi normalement avec toi ? Pourquoi est-ce qu’elle semblait s’amuser en étant à tes côtés ? Pourquoi est-ce qu’elle arrivait à sourire honnêtement rien qu’en te regardant ? Comment pouvait-elle se comporter comme une fille … ?
Parfois, les questions méritent de rester sans réponses, pensa-t-elle en t’offrant un léger sourire sincère.
HRP
Je sais pas trop d'où m'est venue cette histoire de jeu mais je trouve ça sympa. En espérant que Sato' joue sinon c'est pas drôle. Lith parle pas mal, j'espère que ça ne te dérange pas >< ♥
Si...? Si quoi? Si cette Reira était morte? C'était la seule fin de phrase qui parvenait à franchir l'intelligence de Sato. Car honnêtement, que savait-il donc de sa chère amie d'un jour? Que ce qu'il se passait à l'école. C'était même la première fois qu'ils se parlaient aussi bêtement que s'ils avaient été sur un banc de parc, à causer avec les moineaux. C'était une scène des plus incongrues qui n'en finissait pas de s'éterniser et le Roi n'y voyait aucun inconvénient. Car peut-être qu'ainsi, cela prouvait qu'une guerre sexiste n'avait sans doute pas lieu d'être. Cela pouvait bien démontrer qu'homme et femme étaient complémentaires et l'utilité de l'un était dépendante de celle de l'autre. Peut-être serait-il temps de faire tomber le mur invisible entre la lune et le soleil. En tout cas, de son point de vue, il n'y participe que par pur plaisir de voir les autres se salir les mains tandis que lui, il mènent. Et d'ailleurs, il serait peut-être temps de se réveiller. Ou de commander son propre dessert maintenant qu'il était passé au travers de son bol de ramen. Le premier de sa vie... et sans doute pas le dernier. Bien caler dans sa chaise, Sato usait de ses dons d'observations corporelles pour étudier attentivement la demoiselle. Gracieuse. Mais ce froncement de sourcil qui avait ridé si joliment son front tout à l'heure prouvait que Sato avait dû toucher une corde sensible. Un point. Il écouta attentivement chaque mot prononcer par la Reine, un peu déçu de savoir qu'il n'aurait jamais sa fin de phrase finalement. Il tenait toujours à avoir son point à chaque phrase. Il était cruel de laisser en suspension des informations intéressantes ou des faits, des expériences. Surtout quand on réussi à trouver quelqu'un d'intriguant.
Et au fur et à mesure que Lith parlait, au fur et à mesure qu'il en découvrait un peu plus sur sa personne, Sato se retrouvait à nouveau plongé dans sa propre histoire, dans son passé dont il voudrait oublier volontier. Plus personne ne faisait attention à eux. On avait enfin compris de quoi ils étaient capables si l'on désirait encore respirer le lendemain, mieux valait ne pas attirer le couroux de leur royauté. Même son ancienne connaissance était parti aux toilettes, titubant et gémissant. Le Roi des Aristos gardait ses prunelles, ayant volé un pan du ciel, rivé sur son verre, il n'entendait que la voix de la Reine, rien d'autre et en son fort intérieur, il aurait donné n'importe quoi pour entendrele crissement d'une chaise sur le sol, la râclement d'une fourchette, n'importe quoi qui aurait pu faire echo à cette voix qui le ramenait bien loin en arrière. C'était comme si plus rien n'existait et même s'il écoutait poliment, son esprit vagabondait là où, autrefois, elle s'était retrouvée alitée. Où elle avait continuer à gesticuler des mains, à tout imaginer et raconter, à parler de cette voix qui portaient bien et qui avait paru si mélodieuse à ses oreilles. Et cette voix, il l'avaient entendu à chaque instant de sa vie, il l'avait entendu poussé son premier cri, même s'il n'en gardait aucune parcelle de souvenir. Lui-même à un moment donné, avait failli en devenir fou, à entendre sans cesse, partout autour de lui, cette voix qui ne faisait que l'interpeller: "Sato-chan! Sato-chan! On va manger? Sato-chan!" Mais à chaque fois que l'idée de la rendre muette lui avait traversé l'esprit, il se dégonflait et se contentait d'écouter, ces cordes vocales qui au final était des plus musicales. Mon dieu! Comme les ans paraissaient si proches. Il avait encore l'impression que tout ça c'était passé il n'y a qu'un mois. Un mois durant lequel il ne pensait qu'à ça.
Une lueur quasiment imperceptible traversa son regard azuré. Une lueur nostalgique, triste, douloureuse... atrocement blessé. C'était le signe qu'il arrivait vers le chemin de ses pensées qu'il n'avait pas emprunté depuis une décennie. Il releva enfin les yeux et cette lueur furtive disparut tandis que ses iris pâles rencontraient les jades sublimes de la Reine des Amazons. Une...? Une quoi encore? Ne pouvait-on pas finir ses phrases? Mais loin de soupirer de mécontement, Sato comprenait. Il y avait des choses qui nous comprimaient le cœur et nous rendaient plus muet qu'un muet. Dans ces cas-là, se taire revenait à une certaine libération, un échapatoire et de toute manière, Sato n'allait pas forcer Lith à dire ce qu'elle ne désirait pas dire. Ses méthodes n'étaient pas d'attacher quelqu'un sur une chaise et de le torturer avec de la musique relaxante jusqu'à ce qu'il craque. Bien que selon certaines expériences, c'était un bon moyen. Mais étrangement, pour l'instant, il avait envie de mieux connaître son adversaire. Parce que peut-être qu'elle lui ressemblait plus qu'il ne le croyait. Sato aussi n'était pas en très bon lien avec sa mère et encore moins avec son père. Sans doute pour des raisons différentes. Mais ça famille non plus n'était pas vraiment une famille. La sienne, sa vraie, elle était partie pour ne plus jamais revenir. Ou seulement dans son esprit, dans son cœur et dans ses tripes.
La contemplant tout comme elle le contemplait, Sato sourit avec ses airs condescendants, bien qu'il soit enfin redescendu sur terre. Un jeu? Il voyait ça comme les défis, c'était amusant et au moins, ça avait l'avantage de changer les idées dans des moments aussi moroses. L'adolescent commanda pour sa part un cheesecake, délice anglais dont il était tombé sous le charme. Puis il appuya ses coudes sur la table, joignit ses doigts albâtre et posa doucement son menton sur le revers de ses mains, une pose gracieuse. Ses prunelles bleutées furent voilées par un rayon de soleil qui passa furtivement devant ses pupilles avant de retomber, gracile, contre sa joue, encadrant délicatement son visage.
Il émit un petit rire nullement nerveux ni dédaigneux.
― Un Roi se doit de montrer l'exemple; je n'ai peur de rien. Je suis très heureux de pouvoir jouer avec toi. Venant de ta part, ça me touche le cœur.
Railleur. Il n'y avait pas d'autre mot pour décrire son comportement présent. Mais que pouvait-il bien poser comme question? Il en avait bien un nombre effarant dans la cervelle, mais laquelle méritait qu'on puisse lui donner le titre d'attreyante? Laquelle pouvait bien débuter un interrogatoire? Comme le choix s'avérait dur!
― Les dames d'abord. À toi l'honneur de commencer ton jeu. Et si tu as encore quelques règles à rajouter, c'est le temps. Car une fois entamer, il sera trop tard. Je répondrai honnêtement, tu as ma parole, Lith.
Et sur ces paroles, son cheesecake fut présenté devant lui et Sato prit sa fourchette et piqua doucement sur le dessus de la pointe. Il prit une gorgée d'eau avant de prendre une bouchée de son dessert, savourant lui-même la douceur sucrée du fromage. Curieux mélange pourtant si divin. Il prit le temps d'avaler avant de rajouter:
― Mais avant de commencer le jeu: un échange de saveur te plairait-il? Une part du dessert de l'autre chacun.
Et il déposa une de ses mains sur la table, calant cette fois son menton dans la paume de son autre main et regardant Lith amicalement, attendant sa réponse sans aucun souci, ses iris exprimant une sociabilité nouvelle au contact de la Reine. Une fraîcheur.
HRP
Do You Want Some Cake? Bonne lecture, j'ai aimé te répondre. :3
La moquerie n’en finirait pas, n’est-ce-pas ? Tes paroles étaient aussi malicieuses que l’étaient les siennes, mais n’est-ce pas là ce qui te plaît, dis-moi ? Pour un Roi, tu savais manier les mots avec précaution et toucher ses cordes sensibles. Pour un homme, tu la rendais fébrile et lui faisais retrouver son côté féminin. Mais es-tu aussi joueur qu’elle Satoshi ? Sais-tu à quel point Lith aime jouer à des jeux dangereux ? Crois-le ou non, tu l’apprendras vite à tes dépends, ô mon Roi. Vos iris ne pouvaient donc point se détacher les uns des autres, comme hypnotisé par l’attrait qui s’en dégageait. Si on mélange le bleu et le vert, quelle couleur cela va-t-il donner, pensait la jeune Reine en écoutant distraitement tes paroles. Elle fut agréablement surprise de voir que le jeu t’enchantait et un faible sourire apparu sur ses lippes rosées.
Cela lui avait cruellement manqué. Un simple échange amical, sans éclats de voix, ni sang qui coule le long de ses mains. La dernière fois, c’était avec « lui ». Elle se souvenait encore de ses lèvres qui s’emparaient des siennes, de sa voix grave lui chuchotant les mots fatidiques, de la chaleur de sa peau contre la sienne. De sa trahison qui avait fait voler le cœur de la jeune femme en morceaux. Et de combien elle avait souffert par sa faute, se rappelant chaque jour qu’un homme avait osé fêler ses sentiments. Lith était facilement inattentive, dès qu’elle partait dans les méandres de sa mémoire. Elle n’oubliait rien, se remémorant chaque détail douloureusement. Chaque souvenir était un coup de poignard, faisant suinter la plaie béante qui avait pris place dans son corps. Non, elle ne devait pas y penser. Reposant sa cuillère sur la table, elle écouta en se forçant tes paroles, suivant du regard le mouvement de tes lèvres. L’arrivée de ton cheesecake la sortit de ses songes et elle reprit conscience, ses pupilles reprenant de l’éclat peu à peu. Elle n’aimait pas particulièrement ce dessert, trouvant le mélange de fromage et de sucre assez étrange. Son regard fut brusquement interrogateur à ton encontre. Des règles à ajouter ?
« Non, je n’ai aucune autres règles que celle énoncée auparavant. »
Sa parole avait devancée sa pensée, presque comme à chaque fois. Lith parlait sans réfléchir, à vrai dire. C’est sans doute pour cela que la place de Reine lui avait été attribuée aussi rapidement et sans encombre. Parce qu’on ne demandait pas à une Amazon de prendre la peine de réfléchir ou d’établir des plans quelconques. On lui demandait seulement d’agir en conséquence et rapidement. Et c’est ce qu’elle avait fait quand elle était arrivée dans ce lycée il y a de cela des mois maintenant, elle s’était battue avec un mâle sans prendre le temps de penser à autre chose que le mettre à terre et lui faire mordre la poussière. Et c’est pour ça qu’elle se souvenait uniquement du sang de cet inconnu coulant sur ses phalanges, de son corps inerte étendu sur l’asphalte. Détrompez-vous, il n’était pas mort, mais juste inconscient, terrassé par les coups de la jeune fille. Et c’est donc après cet échange mouvementé que les autres amazones avaient pris la décision de faire de Lith leur Reine. Une Reine parfaite, que n’importe qui craindrait ou respecterait avec ferveur. Leur Queen. La Queen des Amazons. Mais tout ceci remontait à loin et là n’était pas la question pour l’instant. Le moment était venu de jouer avec toi. Et tu entamais drôlement bien la partie en posant une question le premier, peut-être sans le vouloir, ou peut-être que si, tu en avais clairement conscience. Après tout, tu étais Aristocrat et tout le monde avait connaissance de votre grand côté joueur. Lith encra ses yeux dans les tiens, comme absorbée par tes iris qui lui rappelaient l’océan, imperturbable et pourtant si violent parfois. Et elle répondit sur le même ton amical qu’avait été le tien, poussant même son assiette vers toi d’un léger mouvement fluide.
« Tu viens de poser la première question, Sato. Tiens, je te donne une moitié de mon gâteau. »
Et elle coupa le reste de sa part en deux morceaux équivalents à l’aide de sa cuillère, t’en donnant une dans ton assiette, prenant la moitié de ton cheesecake dans la sienne. Bien que ce n’était vraiment pas son dessert favori, elle fit un petit effort et ne montra aucun signe de dégoût quand elle vit le fromage sucré entrer en contact avec son parfait. Peu importe. De nouveau elle s’exprima, essayant vainement de séparer les deux moitiés de gâteau qui se collaient. Elle ne te regardait plus, trop consciencieuse dans son œuvre. Pourquoi ces deux foutus morceaux de gâteau semblaient ne pas vouloir se lâcher, bon sang.
« Pourquoi est-ce que tu as accepté de me tenir compagnie ? »
Eh oui. Il avait posé la première question tout en ayant pourtant dit précédemment que les dames avaient l'honneur de commencer. Preuve que la belle demoiselle avait une ouïe et une attention très appréciées aux yeux azurés de Sato. Son petit côté dominateur ressortait encore une fois, subtilement dans cette question posée en premier et l'adolescent se maudit intérieurement. Il fallait être poli pardi! Il sourit lorsque la Reine l'appela par son diminutif. Parce que sincèrement, il se serait sentit déprimé s'il avait entendu une fois de plus un Satoshi. Il la regarda faire son travail, la remerciant doucement en jouant avec la moitié de parfait que venait de lui offrir Lith. La deuxième fois qu'il en mangerait dans sa vie. Ce n'était pas si mal et puis, il y avait l'avantage de toutes les saveurs. Il planta délicatement les points de sa fourchette dans la texture et porta l'ustensile à ses lèvres, semblant pensif. Ce qu'il était en réfléchissant correctement à ce qui se passait présentement. Que feraient-ils tous les deux une fois que cette petite pause serait terminée? Recommenceraient-ils à ses bitcher et à se chercher les noises? L'un sortant les crocs et l'autre regardant en souriant. Oh, Sato n'avait pas vraiment envie. Même si d'ici quelques minutes il pourrait dire le contraire. Mais tant pis. Profiter du moment présent, vivre Carpe Diem. Et puis, il pouvait tout aussi bien poser la question lorsqu'il aurait répondu à celle de Lith.
Et d'ailleurs, il écarquilla les yeux lorsque celle-ci sortit d'entre les lèvres de son interlocutrice. La fourchette posé sur sa propre lèvre inférieure, il fixait les prunelles jades de l'Amazon, totalement désorienté. Bonne question, très. Il... l'ignorait. Parce qu'il avait pu ne pas répondre à la demande de cet élève boutonneux et continuer sa petite affaire. Il avait pu tout simplement balancer une info sortit tout droit de nulle part et repartir sans demander son reste. Alors la raison pour laquelle il avait accepter de rester manger avec elle était, d'une certaine façon, inexistante dans l'esprit de Sato. D'ordinaire, il réussissait toujours à se sortir de ce genre de situation. Il avait toujours une idée pour répondre et boucher un coin à ses interlocuteurs. Pas cette fois, c'était troublant. Ignorait-il donc lui-même la réponse? Alors qu'il était censé être celui qui la détenait. Sato laissa son regard se perdre dans celui de Lith, s'étant refermé sur lui-même pour réfléchir. Pourquoi? Au fond, au plus profond, il le savait et pourtant, cette évidence ne réussit pas à traverser la barrière de son esprit.
Alors distraitement, il abaissa son regard sur la moitié de parfait et celle de cheesecake, un peu frustré de s'être fait couper l'herbe sous les pieds. Il resta ainsi, un moment pensif, oubliant le brouhaha et même Lith elle-même. Il finit par ressortir de ses pensées et la fourchette encore posée sur sa lèvre inférieure, la joue calée dans sa paume, il sourit énigmatiquement à la Queen.
― Hum... bonne question. Dommage qu'il faut répondre honnêtement. J'ai tout l'après-midi de libre. Je n'avais rien de mieux à faire et c'est bien plus divertissant que les leçons et se devoir taper des petits conflits. C'est reposant et peut-être aussi parce que... je te trouve intéressante. Captivante.
Et ses yeux accrochèrent derechef ceux de la Reine et son sourire s'élargit. Il piqua à nouveau au hasard dans le parfait, ne quittant plus, cette fois-ci, le regard de la demoiselle.
― Et dis-moi, cette trêve prendra-t-elle fin une fois que nous serons retournés entre les murs de l'école?
Il n'avait plus faim. Ou alors cette faim était différente. C'était son esprit qui demandait à être nourri en ce moment, son estomac était rassasié. Oh, comme il aimait bien ce jeu. Qui pouvait devenir dangereux d'une minute à l'autre.
Elle avait laissé crisser le bout de sa cuillère contre l’assiette, involontairement et surtout, estomaquée. Ses sourcils si fins s’étaient arqués subtilement, son regard croisant le tien et remarquant ton sourire empli de mystères, elle avait rougi jusqu’aux oreilles, ne sachant plus où se mettre. Etait-ce là encore un de tes stratagèmes idiots pour la mettre dans une situation embarrassante ou étais-tu réellement sérieux en lui donnant cette réponse ? Une sorte de vengeance personnelle parce qu’elle t’avait piégé aisément, toi le grand Roi des Aristocrats, réputé pour ne jamais perdre à n’importe quel jeu ? Quoiqu’il en soit, Lith était toujours bouche-bée, les lèvres grandes ouvertes, le regard fuyant, les pommettes aussi rouges que l’étaient le vin dans le verre de la table d’à côté. Elle tremblait presque et relâcha sa cuillère sur la table, l’estomac noué. Heureusement elle se reprit un peu. Elle toussota même, couvrant ses lèvres avec sa main, pour cacher sa gêne persistante. Son regard dérivait un peu vers la gauche, trop confuse pour te regarder de nouveau dans les yeux.
« Qu.. Qu’est-ce que tu me racontes encore, sérieusement. Je t’accorde que c’est bien plus distrayant que les cours ou bien cette guerre nous opposant. »
Son ton était peu certain, sa voix tremblait légèrement. Comme par hasard, tu avais réussi ton coup alors elle imaginait bien la satisfaction que tu devais éprouver en ce moment même. Quelle disgrâce pour une Queen, se faire avoir à son propre jeu. Jouant avec nervosité avec une mèche de sa longue chevelure rose bonbon, elle laissa un « Baka » s’échapper de ses lippes et écouta attentivement ta question. Lilith n’avait plus faim, d’un coup. Tu lui avais coupé l’appétit avec ta réponse étrange et déstabilisante. A vrai dire, elle ne savait clairement plus où se situer. Le carmin sur ses joues avait diminué, mais restait présent, du moins assez pour que tu te moques d’elle et la taquine encore un peu. Elle prit sur elle-même et pensa intensément à ta question qui soulevait beaucoup d’interrogations, pour être honnête. Evidemment une fois entre les murs de Sei, vous ne pouviez décemment plus vous côtoyer comme vous le faisiez actuellement, en toute impunité. Une fois franchi le seuil du lycée vous redeviendrez ce que vous étiez depuis maintenant des semaines. Et comme tout le monde vous percevait.
« Les pires ennemis. Nous serons de nouveau les pires ennemis de l’établissement, c’est comme ça que les choses se passeront. Ta question est bizarre, tu connais déjà la réponse ; mais passons ce détail ; c’est donc à mon tour de t’interroger. »
Son faciès de poupée de porcelaine était de nouveau aussi opalescent qu’auparavant, ses iris avaient repris leur habituel manque d’intérêt et étaient redevenus aussi froid que de la glace. Elle te fixait avec insistance, essayant de déceler quelque chose chez toi. Elle détestait ça. Elle détestait devoir faire un effort pour découvrir ce que les gens pensaient derrière leur sourire. Elle, ce qu’elle préférait, c’était user de ses poings et sentir les os se briser sous l’impact de ses phalanges. Voir le sang jaillir des plaies qu’elle infligeait volontairement à ses victimes. Mais l’heure n’était pas venue. Du moins pas encore. Commençant à sortir son portefeuille de sa poche, elle jeta un œil à celui-ci. Elle avait juste de quoi payer son repas, évidemment elle devrait rentrer à pied jusqu’à Sei. Peu importe. Déposant quelques billets sur la table, elle se releva lentement dans un mouvement fluide.
« Partant pour me raccompagner jusqu’au pensionnat ? »
En fait elle n’attendit pas spécialement de réponse de ta part et tourna promptement les talons, esquissant quelques pas vers la porte de sortie. Une fois franchie, elle prit une longue inspiration et expira doucement, sa poitrine menue se soulevant à chaque souffle pris. Lith s’étira en levant les bras en l’air, sa colonne vertébrale craquant sous le geste. A force de rester assise sur cette chaise, elle avait des fourmillements un peu partout. Humant l’air chaud des entrailles de la ville, elle ferma les yeux un instant. Elle ne connaissait rien de plus revigorant qu’une bonne promenade après un excellent repas. Ses paupières se rouvrirent et elle esquissa un faible sourire en songeant à ce qu’elle allait faire de la fin de sa journée. Le soleil se couchait sur l’horizon, rougeoyant et bientôt le crépuscule allait prendre sa place. Que faire ?
Pendant tout ce temps, Sato ne quitta pas Lith des yeux, fichtrement surpris par cette soudaine... démonstration. C'était qu'il ne voyait pas la Reine des Amazons toujours émotives. Il ne voyait pas ses sentiments aussi facilement. À vrai dire... pour les fois où il l'avait croisé, il n'avait pas tout vu d'elle non plus; uniquement l'image qu'elle laissait réfleter entre les murs de l'école. Les yeux exprimant une hébétude niaise, son sourire se transforma en un rictus amusé qu'il parvint à cacher en se râclant poliment la gorge, tout à la fois pour éviter de rire, ce qui aurait largement blessé la belle demoiselle. Mais son sourire, autrefois mystérieux, devenait de plus en plus évocateur, se pliant vers l'hilarité tout en tentant de rester le plus respectueux possible. Ses prunnelles azurées ne quittaient pas la Reine des yeux. Il était, étrangement, charmé par un tel spectacle. Dommage qu'il n'ait pas pensé à le filmer car la jeune fille parvint à se reprendre et Sato n'eut pas le temps de lancer une de ses célèbres piques. Piques qui constituaient la majeure partie de ses activités si passionnante dans cette école. À croire qu'il aimait surtout s'amuser.
Et si c'était le cas, pourquoi avoir rejoins les Aristos? Il hocha la tête, compréhensif, lorsque Lith répondit correctement à sa question, tout en réfléchissant à son interrogation intérieure. Les pires ennemis de l'établissement. Et ils mangeaient ensembles. Et si Sato avait tout simplement décidé de rejoindre les impartial? Est-ce que ça aurait changé quelque chose? Car au début, souvenons-en, l'adolescent n'avait pas réellement voulu prendre part à ce conflit. Pourquoi? Raisons personnelles qu'il refuserait même d'ébruiter sous la torture. Et maintenant qu'il était Roi, rien ne servait de s'expliquer. Il attendit patiemment la question de la Reine des Amazons et maintenant qu'elle était redevenue elle-même, il préféra se concentrer sur son verre d'eau qu'il finit d'une traite.
Le Roi sortit également son porte-feuille et extirpa noblement l'argent nécessaire ainsi qu'un petit pourboire. Il fallait être gentil avec le peuple après tout. Il rangeait son porte-feuille lorsque la charmante demoiselle, pire ennemie d'ici quelques minutes, lui balança sa question. Fort intéressante d'ailleurs. Sato avait l'embarras du choix. C'était comme: " Être ou ne pas être, telle est la question. Et il choisit d'être. De vivre comme étant lui. Il laissa la Reine sortir et la suivit gracieusement, ne semblant pas du tout pressé. Les mains dans les poches de son veston sombre, il franchit les portes du restaurant et leva le nez vers le ciel, désormais aussi azuré que ses iris. Ceux-ci semblèrent supplier leur propriétaire de leur rendre leur liberté afin de rejoindre leur coin du ciel, tant ils brillaient des lueurs de l'après-midi.
Il fixa un moment Lith, une étrange pensée voilée par sa prestance et il entama sa marche de rentrée. Puis s'arrêta.
― Je suis partant pour tout ma chère. Et je suppose que le jeu peut s'arrêter ainsi. Je n'ai plus grand chose à dire... ta question a coupé court aux miennes.
Et sur ce, il sortit son cell et l'ouvrit, vérifiant l'heure. Pas si tard. Ils avaient le temps. Autant le prendre, comme il disait, il interceptait l'être temporel. Le tuer n'était pas une vision qui lui plaisait. Et il reprit sa marche sans se soucier si la demoiselle le suivait ou non. Peut-être prendrait-elle même un chemin différent. Dommage.
HRP
Tu m'excuuuuuuses du retard. En plus c'est encore plus court... beuuuuuh. ;__; Au moins on pourra commencer le rp Event? x)
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Lun 4 Fév - 10:34
