Le toit est un endroit parfait pour une personne aussi glandeuse qu'Orisa Masaie. Tranquille, paisible, reculé de toute présence humaine. Et puis le ciel était dégagé avec un merveilleux soleil qui se profilait à l'horizon. Il faisait ni trop chaud, ni trop froid. Que demande le peuple ? Rien de plus, enfin pour les éternels insatisfaits il n'y avait plus rien à faire pour eux, mais Orisa se contentait de ce bonheur simple. Très simpliste, vous me direz, pas pour elle. Trouver un endroit calme, échapper aux enquiquineurs et avoir finalement le temps de se poser, c'était fort périlleux. Et puis sécher les cours, n'était pas très recommandé, mais bon elle arrivait toujours avec une dizaine de retard. En parlant de ça, elle les accumulait et avec tout ce qu'elle avait récolté, on aurait pu créer un album de ses exploits. Dans le livre des records, on y retrouverait surement son nom. Oui, oui, oui. Le temps où Orisa cherchait une quelconque excuse pour passer un minimum crédible et pardonnée auprès du professeur, était résolu. Si elle était acceptée, tant mieux, sinon tant pis.

Bon aujourd'hui pas la peine de se motiver pour rejoindre ses camardes en classe, le professeur était absent. C'était donc avec joie et paresse que la petite japonaise s'était réfugiée en haut du bâtiment. Il n'y avait qu'elle et le ciel. Charmant tête-à-tête. En tout cas, il était parfois un meilleur compagnon que certains. Cet après-midi, elle comptait treize nuages, plus que ce matin. C'était un signe, treize ? Ce chiffre représentait bien le malheur, non ? Vendredi treize, quelque chose du genre. Elle avait regardé un film d'horreur qui portait ce nom. Alors, cela voulait dire que quelque chose de mal allait lui arriver. Allongée sur le sol, les yeux clos, elle arqua un sourcil. Et si c'était vraiment une coïncidence ? Il faisait beau, bon et calme, en gros, c'était bien trop parfait. Il devait obligatoirement se passer quelque chose. Le film était une mise en garde finalement, un fou furieux allait débarquer d'ici tôt au pensionnat et arracher toutes les têtes qui passeront. Il en décapitera treize puisque c'est son chiffre porte bonheur et ce meurtrier viendra sur le toit prononcer un chant vaudou sous les treize nuages. Treize ! C'est un mauvais présage, sachant qu'elle assistera en premières loges du spectacle, il la remarquera à coup-sur. Alors, l'arracheur de tête la découpera en treize morceaux pour en faire de la chaire à pâté. Mignon. Frissonnant d'angoisse, Orisa décrocha tout de même un sourire. Elle était quand même partie de nuages. Et puis on compte sept fois le mot "treize", maintenant huit.

La demoiselle entendit son ventre sauvagement grommeler. Monsieur l'estomac faisait des siennes, normal, sa dose de chocolat faiblissait. Chocolat, chocolat, ou caramel qu'importe. Sa main vadrouilla sur toutes les parcelles de son corps à la recherche du moindre petit carreaux de son péché mignon. R. A. S. Fuck. Même pas un tout petit morceau d'emballage ou un bonbon à suçoter. Nada. Orisa était à la limite du manque, seulement elle n'avait ni l'argent ni la motivation pour en trouver. Bon, dans un ultime geste de désespoir elle se déplacera ou bien elle mendiera, ce qui ne changera pas d'habitude. Qu'importe les moyens employés, elle aura son chocolat ! Coûte que coûte. En attendant, son imagination allait compenser et tenter de le remplacer. Tendant les bras devant son visage, elle mima entre ses doigts une bonne grosse part de gâteau. Ses lèvres bougèrent d'envie face à cette image fictive. Sa frustration était dorénavant plus grande. Les paupières toujours fermées, elle soupira battue.

"Pauvre de moi..."

Soudain la chaleur qu'émanait les rayons du soleil disparu et son visage se retrouva dans l'ombre. Entrouvrant ses yeux, elle aperçut vaguement une silhouette à contre-jour. Qui était-ce ? Sans connaître l'identité de l'inconnu, elle lui agrippa avidement son pied et prit la voix de quelqu'un dont la vie ne tenait plus qu'à un fil. Comme si elle allait mourir de faim dans les minutes qui allaient suivre.

"Chocolat..."