Aujourd’hui il fait beau. Si beau. Un beau soleil éclatant qui nous donne envie de faire un sourire éclatant. Sauf que je ne souris pas, nan mais oh ! Mais bref. Il y a un brouhaha pas possible dans les couloirs aujourd’hui. Quand je marche j’ai peine à entendre mes pas. C’est si dur de vivre comme ça, dans le bruit et la baston. C’est seulement aujourd’hui que je m’en rends compte… J’ai passé toute ma vie à crier, de colère, de rage, de désespoir. Toute ma vie à hurler et taper sur les gens. Il faut faire une pause voyons, et au bout de dix-sept ans d’enfer il serait bien temps de penser à son bonheur, bien qu’au fond de nous nous n’en avons pas vraiment envie.

-J’en ai marre ! Me mets-je à hurler alors que je quitte le bâtiment si grand. Certes, on me regarde comme une timbrée mais je m’en fiche.

On est libre bordel, alors qu’on me foute la paix avec cette histoire de timbres ! Rah, voilà, ça fait déjà peu de temps que je suis là et je commence à péter un câble. Taper dans quelqu’un serait le remède, mais j’vais pas le faire, parce que je crains le pire si je craque maintenant. Non pas que je n’aime pas mon nez, mais quand même. Je suis en train de marcher, et là, brusquement, je m’arrête et j’observe les alentours. Je n’avais pas fait attention mais je suis rendue dans un endroit que je ne connaissais pas. Ce n’était pas de ce côté du bâtiment que je voulais aller, du tout. C’était de l’autre, mais tant pis. C’est si calme ici que je ne veux pas partir. Par contre, ma tête a des envies diaboliques… Je fais un pas, deux pas, de plus en plus vite jusqu’à me mettre à courir dans l’allée. Mais je m’arrête un peu plus loin, c’est-à-dire à cinquante mètres. Je tourne sur moi-même, je regarde les fleurs, j’observe les arbres. Pour chaque nature, si belle soit-elle, me fait penser au vieux parc de mon quartier ? Un parc où j’avais passé la plupart de mon temps pour vivre d’affreux moments. Ou de bons, mais ça, c’était avec une seule personne et franchement, je refuse de vivre la même chose, tout comme je refuse de dire son nom ou même de la croiser quelque part ici.

Je n’avais pas fait attention, mais quand j’arrête de penser et me focalise sur l’environnement, je me rends compte que j’entends des oiseaux ou des criquets en train de chanter. Je ne sais pas vraiment comment je dois me comporter, ne serait-ce que deux minutes. Dois-je courir comme une enfant, comme je ne l’ai jamais fait auparavant à la recherche de ce bruit ? Devrais-je me boucher les oreilles et hurler car je ne supporte pas tout ce bonheur qui émane des plantes ? Ou bien, devrais-je retourner dans les couloirs bruyants, attendant qu’on m’embête pour me bastonner ?

Je soupire, encore et encore comme je sais si bien le faire depuis mon arrivée. Cet endroit me surprendra toujours.

-C’est ça Mae, pense que t’es bien ici et t’arrêtera de soupirer, je pense à voix haute, me dirigeant vers un arbre.

Je laisse mes chaussures s’enfoncer dans l’herbe fraiche, j’abandonne mes sens à cette nature que je n’ai que si peu connu, et je laisse ma robe noire se froisser sous mes fesses lorsque je m’installe sous l’arbre histoire de profiter d’un peu de fraicheur. J’ai envie de dire, j’ai envie de hurler que pour une fois, je suis apaisée.

Mais alors que ce moment de paix et de bonheur s’instaure, un pauvre abruti de première se ramène. Sérieux, on dirait qu’il est bourré ce mec, ça fait flipper. Non mais sérieusement, depuis quand les abrutis se jettent comme des fous sur des arbres ? Un arbre c’pas une femme bordel ! Bon d’accord, je cache pas que si c’était sur moi plutôt que sur l’arbre qu’il s’était jeté j’aurais pas hésité à le frapper –et le castrer ?-. Et en plus il ose me demander de pas le faire chier ? Cool, j’ai une belle idée là d’un coup, tandis qu’il se laisse tomber très gracieusement –ironie- sur l’herbe. Alors je le fixe, perplexe et me mets à grogner :

« Si tu veux faire la sieste tu dégages. »

Non mais allô quoi ! Non mais il est trop con ce mec, ou quoi ? Franchement, il me fait pitié. Au point que je me décale pour ne plus le voir. Parce que ça me met hors de moi. J’étais très bien toute seule ici, et il a fallu que cet abruti vienne s’installer à côté. Comme si j’allais me laisser faire. Ma vengeance pour avoir piqué mon arbre sera terrible, TERRIBLE. Je me lève finalement et revient pour me planter face à lui, bras croisés. Je le fixe de mes yeux rouges, décidée à en finir avec lui. Alors là, je me penche et vient lui cogner la tempe de mon index en faisant « Toc toc ». Oui, j’ai envie d’embêter les gens, j’ai le droit non ?

« Mec, arrête l’alcool, franchement ça te réussit pas ! »

Je rigole pour me foutre de lui. Un rire sadique, qui me convient puis subitement j’arrête de rire pour tourner autour de l’arbre, comme un aigle à l’affut de son repas. Puis je m’arrête de nouveau face à lui et soupire, exaspérée. Je le fixe, je m’approche, je recule. Bon sang il va bouger ses fesses merde ! Ouais, j’ai peut-être la violente envie de me fight, rien de grave ça va passer je suppose. En attendant je m’assois face à lui, sur ses jambes. Je m’installe tranquille. Faut bien profiter un peu après tout. Même si je le connais pas j’en ai rien à faire. Au contraire, c’est comme ça qu’on surprend les gens et qu’on s’amuse le plus. Je le fixe d’un air sérieux puis j’attends. Je crois que je me suis trouvé une nouvelle activité aujourd’hui.

« T’es confortable, j’peux m’allonger sur toi pour voir si le reste de ton corps est aussi confortable que tes jambes ? » je lance en penchant un peu la tête sur le côté. J’ai envie de jouer, alors il jouera, puis c’est tout. Et puis si l’occasion se présente je me détendrais les bras sur lui. S’il se barre pas avant, bien sûr.