M’étirant de tout mon long, je tirais la couverture de mon corps nue. Baillant à pleine bouche, je frottais maladroitement mes yeux bouffis. Assise sur les draps froissés, je posais les pieds au sol. De la lumière perçait le voile des rideaux opaques, tirés sur la fenêtre. Restant quelques secondes immobile, je finis par passer une main sous mon oreiller, saisissant ainsi mon téléphone, désireuse de connaître l’heure, et ainsi procéder à un retour à la réalité. Onze heures et quelques minutes passées. La micro crise cardiaque m’ayant saisit ne fut que de courte durée, lorsque je me souvins que nous étions en jour de repos. Un samedi qui s’annonçait plus que radieux. Les paumes dirigées vers le plafond, je laissais mon dos s’étendre, craquer à certains endroits de ma colonne vertébrale. Une bonne douche était plus que nécessaire. Attachant mes cheveux en un chignon explosif, j’enfilai ensuite un débardeur assez long pour cacher mes atouts féminins et le string couvrant mon intimité.

Sortant de ma chambre, je me retrouvai nez à nez avec un groupe de garçons, discutant apparemment de stratégies d’attaque. Restant plantée devant ma porte quelques instants, je les regardais, un regard vide, presque nue, du maquillage tout autour de mes yeux verts. Passant mon chemin sous leurs regards légèrement obstinés, après m’avoir détaillée avec trop d’insistance, je longeais le mur du couloir en direction des douches. Poussant la porte à l’aide de mon épaule gauche, je me déshabillais brièvement, laissant ma boule de vêtements dans le premier casier disponible. Entrant dans une des cabines, j’appuyai sur le bouton d’arrivée d’eau, détachant mes longs cheveux sombres. L’eau bouillante coulant sur ma peau, laissant quelques marques rouges, me réveillant avec douleur et délice. Les yeux clos dans la vapeur grimpant au plafond, je commençais à me laver rapidement, le corps, le visage, les cheveux, les dents, les oreilles. Plus que propre.

Enroulant une serviette autour de mon corps perlé de gouttes d’eau, je prenais la boule de vêtements, poussant la porte vers le couloir. Repassant devant les mêmes garçons, me fixant avec plus d’insistance cette fois, j’ouvrai la porte de ma chambre. Plongée dans l’obscurité, je me dirigeai vers le fond de la pièce afin d’ouvrir les rideaux. Enfilant short, débardeur et vans, j’emportai mon téléphone, mes clopes et un briquet dans mes poches. Dévalant les escaliers à grande vitesse, je traversai le hall, étrangement vide. Poussant la porte d’entrée, j’entrai dans le bain de soleil. Le parc était bondé de monde, sur l’herbe, les bancs, les marches, ou tout simplement le sol. Journée de grande chaleur pouvait se traduire par bronzage et calage entre amis. Progressant entre les mains et les jambes, je finis par atterrir près d’un des arbres les plus gros, cachée de tous, entre ombre et soleil. M’allongeant dans l’herbe à plat ventre, quelques cheveux mouillés tombant sur mon visage.

Il y avait du bruit. Beaucoup trop de bruits. Des rires, des pleurs. Quelques haussement de tons, par-ci par-là. Puis, lors d’une accalmie, un cri, strident. Puis un autre, plus fort. Levant la tête, je plissai les yeux en direction de ma droite. Une fille se faisait emmerder par quelques unes de ses consœurs. Il y en avait un bon paquet, de la où je me trouvai. Poussant sur mes mains, je m’asseyais, prête à agir, si besoin était. Pour le moment, pas de coups, pas d’agression. Regardant avec plus de précisions, je pouvais distinguer trois filles, tout au plus. Grandes, fortes. Largement assurées. Des Amazons, sans aucuns doutes possibles.  Moi qui venais d’être élue Duchesse de celles-ci, devais-je agir ? N’étais-ce pas ce pourquoi nous étions appelées comme telle, des Amazons ? Par réputation d’être violentes, fortes… Non. Dans ce que j’en avais appris de ma sœur Lilith, nous étions celles qui ne se laissent pas faire, quitte à se battre. Nous sommes fortes têtes, et nous savons nous défendre, pour ce que nous sommes.

Je gardais donc un regard précautionneux en direction du groupe de filles. Je pouvais peut-être reconnaître une d’entre mes consœurs, sans en être sûre, cependant. Un genou à terre, j’avais le dos penché en avant, des cheveux tombant de chaque côté de mon visage. Elles parlaient de plus en plus fort, attirant de plus en plus de regards. L’attention se manifestant à leur égard était-il désiré ? Je n’en avais pas le moindre doute. En ce qui concernait celle qui allait surement prendre cher, je n’arrivais pas à la percevoir. Peut-être le haut de son crâne, tandis qu’elle se trouvait à terre. Une minute… À terre ? Il y avait déjà eu agression. Bondissant sur mes pieds, je marchais en direction de la scène, plus déterminée et en colère que jamais. Attirant les silences et les regards à mon passage, je n’en tenais pas compte. Arrivée derrière la fille parlant le plus fort, je restais immobile, arborant un regard capable de tuer quiconque l’affronte. Je tapotai son épaule droite à l’aide de mon doigt.

Attendant qu’elle comprenne ce qu’il se passe, je ne bronchai pas. Tandis qu’elle me dévisageait avec incrédulité, je voyais les visages des autres Amazons légèrement se décomposer à ma vue. « Que fais-tu ? ». Me penchant sur la droite afin d’apercevoir la victime, je constatai que ce n’était pas vraiment le genre de personne à faire des emmerdes, à première vue. Les apparences peuvent parfois être trompeuses, d’où ma question.

« Cette idiote m'est rentrée dedans ! ». Soupirant longuement, je fermais les yeux, laissant un sourire ironique s'étirer sur mon visage de poupée. Attachant mes cheveux en une queue de cheval des plus brouillons, je laissais quelques mèches plus courtes retomber sur mon visage. Une fraction de secondes, un plissement de cils, un frôlement de tissus. Je posais une main sur l'épaule gauche, mon poing s'écrasant alors dans la mâchoire de l'Amazon. Secouant brièvement ma main dans l'air, je laissais la jeune fille relever la tête vers moi. Un regard choqué, la bouche entrouverte. Elle avait peut-être enfin saisit qui se trouvai devant elle. Elle regardait autour de nous, il n'y avait plus aucuns bruits sur quelques mètres. Jetant un regard peu amical aux autres jeunes filles en face de moi, elles reculaient légèrement, se repliant. « Stop. Ne bougez plus. », dis-je, calme et immobile. « Toi, tu trouves que tu as bien fais ? De t'en prendre à quelqu'un qui ne t'as pas manqué de respect ? », m'adressant cette fois à celle encore au sol.

M'approchant de la jeune victime, je lui tendais la main, un sourire amical sur les lèvres. Elle m'observa quelques instants, surement peu désireuse de se faire de nouveau frapper à plusieurs. Finissant par saisir moi même sa main, je la faisais se relever doucement. « Excusez-vous. », ordonnais-je aux concernées. Quelques minutes s'écoulèrent, baignées par le silence fracassant d'un ordre dérangeant. « Maintenant. ». Ma voix transparue dans les environs des jardins. Les jeunes filles s’exécutèrent à l'unisson, disparaissant ensuite dans la foule d'individus, secrètement honteuses. Prenant la fille par les épaules, je l'emmenais loin des regards indiscrets, au niveau de l'endroit initial où je m'étais installée. « Je suis désolée, les Amazons sont parfois un peu trop sûres d’elles, un peu trop hautaines. Et je dis ça, tu comprendras que c’est un euphémisme. Les trois quarts des passages à tabac qu’elles créent, ou auxquels elles participent ne devraient pas avoir lieu. ».

La laissant s’appuyer sur le tronc du grand arbre, je regardais ses vêtements, pas trop en mauvaise état. Cependant qu’une marque surplombait son visage, je tentais de me montrer calme et rassurante. Les Amazons n’étaient pas forcément des chiennes en furie, tapant et massacrant tout ce qui bouge. Malheureusement, c’est ce que laissaient croire la plupart de mes consœurs. Notre réputation était loin d’être glorieuse. Beaucoup de professeurs avaient désormais des aprioris, et il était désormais étrange quand une verte ne frappait pas. Mais bon, malgré tout, je voulais défendre le minimum d’intégrité qui restait à l’honneur de mon groupe. Tout comme tentait de le faire Lilith. Et même Hikari. Je n’osais pas trop brusquer la fille devant moi. Je l’avais aperçue, par-ci par-là, dans les couloirs de l’internat, sans vraiment lui parler. Elle ne faisait pas spécialement parler d’elle, de ce que je savais, et de ce que mon rang me permettait de savoir. Je n’allais pas procéder à un interrogatoire fastidieux.

Passant une main dans mes cheveux désormais presque secs, je m’asseyais de nouveau dans l’herbe. Exactement à la même place que précédemment. « Tu te sens comment ? », lui lançais-je, douce et amicale. « Je ne sais pas si tu as déjà vécue ce genre de situations. Dis-moi si tu es blessée quelque part, ou si tu as mal. ». Je devais me montrer compatissante, et je le voulais. Je lui devais bien ça. Je commençais à être fatiguée de sauver des innocents des griffes de groupes de filles trop enragées et trop sûres d’elles mêmes. Sortant une cigarette, je l’allumais, prenant position sur le sol. « Je m’appelle Hayden. Je suis moi-même la Duchesse des Amazons. Disons que j’essaie de quelque peu gérer les situations délicates, les injustices causées par mon groupe, et les filles trop audacieuses. Certes, nous sommes réputées pour savoir nous défendre, savoir nous battre, mais ce, pour les bonnes raisons. Je suppose que tu ne vas pas me donner tord, tu ne les a pas cherchées quand même… ».

Jetant un regard vers la foule, je voyais plusieurs regroupements, mais un particulièrement grand. Surement encore un passage à tabac théâtrale. Mais allons doucement, un à la fois. Je ne pouvais cependant pas m’empêcher de guetter, peu désireuse qu’on s’en prenne encore une fois à un, ou une innocente. Fumant fébrilement sur ma cigarette, je sentais des fourmis se créer dans mes mains, mes pieds. Oui, l’envie me démangeait. Secouant secrètement la tête, à la recherche de mes esprits envolés, je relevais la tête vers la fille à mes côtés. Tendant l’oreille vers les étudiants postés plus loin, j’attendais une réponse de mon interlocutrice, histoire de rester concentrer. Un à la fois, un à la fois. J’étais parfois vraiment trop gentille. Surtout pour une fille censée être glaciale. Bon, je l’étais toujours autant, dommage que ma soif de justice le soit également.  Je n’allais pas planter la jeune fille pour aller me battre, une deuxième fois, en moins de vingt minutes.

« Je suis Maya. Humm... Euh, Lilith vous a peut-être parlé de moi, parce que, hum, en fait, j'aurais souhaité faire partie de votre groupe. Des Amazon, je veux dire...».

Les yeux alternant entre la jeune fille et le passage à tabac naissant, je tournais la tête, plus vive que je ne l’aurais voulu. Maya… Mais oui. La jeune fille, peu assurée, qui désire être membre à part entière des Amazons. Lilith m’en avait vaguement parlé, elle comptait même la recruter. Je ne m’étais pas vraiment éternisée sur la question, mais maintenant je savais où voulait en venir Lith, quand elle me disait qu’elle aurait surement besoin de moi, et de mon aide. Me redressant de tout mon long, je m’étirais brièvement, détachant mes cheveux, redressant mes manches sur mes bras. Quoi de mieux pour recruter qu’une mise en bouche dans le monde de la violence, et des terres battues. Plissant les yeux en direction de l’agitation désormais fleurissante, je raclais ma gorge enrouée, jetant ma cigarette d’un coup de doigt. Comment aborder la chose… Observer pour mieux comprendre ou agir pour mieux apprendre… Eh bien, ça allait donc se jouer en free style.

« Enfin, après ce qui vient de se passer, mon niveau de violence n'atteindrait certainement pas le palier qu'il faut pour pouvoir vous rejoindre.».

Ricanant légèrement, je regardais de nouveau la fille, lui adressant un sourire chaleureux, du moins, à première vue. Mais n’importe qui me connaissant un minimum aurait pu déceler la part de malice et de sadisme dans ce sourire, qui aurait pu malgré moi tuer des gens. Lui tendant une main assurée, je me voulais tendre et douce avec elle. Je sentais que le courant passait entre nous, et je sentais qu’elle finirait par rejoindre nos rangs. Elle y serait gagnante. Prise d’assurance, cours de défense et d’attaque, démonstration en directe. L’agitation était grandissante à quelques mètres d’ici, mais cette fois il ne s’agissait pas d’Amazons, mais de Bastards. Surement les pires, dans notre genre. Sûrs d’eux, hautains. Des gens qui ne se prennent pas pour de la merde et savent qu’ils peuvent foutre en l’air pas mal de personne en quelques minutes. Enfin, pensaient-ils. Autant dire que ça ne serait pas évident, mais bon. Qui ne tente rien n’a rien. J’aidai Maya à se relever, le tenant par les épaules.

« Je suis sûre que tu as les épaules pour devenir Amazon. Mais, si tu en doutes, nous allons vite te faire changer d’avis. ».

Tournant ses épaules, je la faisais pivoter en direction du brouhaha incessant. Nous poussant à doucement avancer vers cette même destination. Comment évaluer la capacité de la jeune fille à tenir la pression. À tenir tête, ou même à se défendre. Rien de mieux qu’un règlement de compte en directe. Et si se défouler ne la satisfaisait pas, ce qui m’étonnerait, elle serait toujours libre de partir en courant. Arrivées dans la masse de personnes se tenant en rond, tous debout, à parler plus fort que nécessaire, je nous frayais facilement un chemin. À ma vue, les gens se décalaient, devenant alors soudainement silencieux, parfois livides. Arrivant au cœur de l’action, je laissais Maya derrière moi. Elle m’avait surement parlé durant notre court trajet, mais j’avais délibérément choisis de ne pas y prêter attention. Je ne voulais pas entendre de discours dégonflés ou apeurés. Enfin dans le feu de l’action, je pouvais enfin voir les protagonistes de cette pièce de théâtre des plus sauvages.

« Alors, là, c’est toi qui vois. Soit tu me suis. Soit tu fuis. ».

Il y avait un groupe de garçons, grands, forts. Très forts. Non, en fait, surement trop forts. Mordant m lèvre inférieure, je respirais profondément. La victime ? Surement une pacifiste de trop dans leur passage… Celle-ci semblait déjà être en pleure, surement bien amochée. Une vision difficile à supporter, d’aussi près, quand l’habitude manque. Les quatre garçons parlaient si forts que tous les élèves pouvaient profiter du spectacle. Mais quelle hypocrisie… Un bruit craqua dans l’air. Une dent atterrie à mes pieds, précédée d’une trainée de sang, puis d’un éclat de rire collectif. Fixant quelques instants la molaire luisant au sol, un sourire s’étirait sur mon visage de porcelaine. Les garçons avaient suivis le projectile des yeux, posant par la suite leur regard sur moi-même. Levant les yeux dans leur direction, je craquai mes doigts, un à un. Plus personne ne parlait, plus personne ne bougeait, à la vue du bandeau vert serrant mon bras droit. Un « D » noir, signe de mon rang de duchesse.

« C’est maintenant. », lançais-je à Maya, toujours cachée derrière moi.

Posant un pied sur la dent en question, j’avançais de façon déterminée en direction du garçon le plus proche. Posant une main que chacune de ses épaules, je balançais le plus violement possible mon genou dans ses parties. Le poussant en arrière, il s’écrasa au sol, plié en deux de douleur. Esquivant de justement un poing dirigé vers ma mâchoire, je lui assenais un crochet du droit dans les côtes, puis, me mettant accroupie, je lui portais un puissant coup au tibia, le laissant tomber au sol, non loin du premier. J’avais appris que dans ce genre de situation, il fallait aller vite, et être agile, sans minimiser la force des coups. Tombant alors moi-même face contre terre, je serrai les dents, sentant le poids d’un pied, appuyant contre ma colonne. Roulant sur moi-même, je saisis la cheville du garçon, la tordant, le poussant ainsi à tomber à mon côté. L’enjambant, j’enchainais les droites dans sa mâchoire, laissant apparaître le sang couvrir mes phalanges. Me tournant vivement vers Maya.

« C’est à toi. », dis-je sans que son ne sortent de sa bouche, espérant que la fille comprenne le message.

Je pouvais sentir cette émanation de plaisir violent s’évaporer de la jeune demoiselle. Elle se complaisait dans cette situation, elle n’avait absolument pas peur. Peut-être manquait-elle de techniques, mais elle comblait ce vide par un parfait self contrôle ajoutant une touche d’excitation à la scène. Elle semblait être dans une douce rage capable de ravager vivants et morts. Oui, elle me ressemblait, et avec un peu d’entraînement, elle ferait même mieux que moi, dans la mesure du possible. Sa gestuelle était détaillée, elle avait la capacité d’être rapide sans perdre en précision. Comment pouvait-on se penser incapable de faire partie du groupe des Amazons avec une prestance telle que celle-ci. J’étais la Duchesse, celle qui était une grande sœur pour les nouvelles, un guide, un professeur, une écoute et un soutien. C’était à moi d’accueillir les nouvelles recrues et de les intégrer. Alors maintenant que j’avais rencontré la fameuse Maya, je n’allais pas la lâcher de sitôt.

Ricanant devant les gémissements du garçon au sol, je me relevai en quête du dernier agresseur, celui-ci complètement immobile, à la vue de ses amis couchés au sol. Une issue fatale était à venir pour lui, il le savait pertinemment. M’arrêtant, droite, cambrée et dangereuse devant son être tremblant, je lui lançai un sourire sincèrement radieux. Les lèvres étirées sur mes joues d’une pure pâleur, je lui offrais réconfort avant impacte. Levant une main, je passais mon index le long de sa joue, lentement, laissant la tension grimper. Le silence régnait dans l’assemblée, lorsque je me retournai afin de sourire à Maya, l’incitant à regarder avec précision. L’action se passa rapidement, bien trop pour certaines paires d’yeux me fixant. Lui assénant une droite, je m’accroupis afin d’effectuer une balayette. Tombant en arrière, il me fut être rapide afin de lui enfoncer avec force mon genou dans le dos avant qu’il ne touche le sol. Un craquement retentit, puis le silence d’or.

« Je finirais par tuer quelqu’un… » chuchotais-je dans la quiétude du moment.

Il ne faisait plus aussi chaud, et je restai là. Debout, au milieu des victimes. Me dirigeant vers la pacifiste haletante, je l’aidai à se relever d’une main sûre. Elle était jeune, surement une nouvelle peut concernée par cette guerre des sexes qui déchirait l’établissement depuis déjà fort longtemps. De toute évidence, ils n’allaient pas mettre un panneau devant l’entrée du lycée, prévenant qu’une lutte sans merci s’y déroulait, mettant en péril les études et la sécurité des jeunes y étudiant. Lui indiquant la route afin de se rendre à l’infirmerie, je me retournais, créant un mouvement de recul dans la foule. Je ne pensais pas faire autant d’effet que cela, mais celui-ci était le bienvenu. Je voulais mettre toutes les chances de mon côté afin de parvenir à recruter Maya, et voir que j’étais respectée et crainte ne pouvait que l’encourager à nous rejoindre. De plus, elle se ferait des amies, de grandes amies…

« Tu viens ? On va parler au calme. », lui lançais-je, tandis que je nous frayais un chemin dans la foule.

Sans vraiment réfléchir, je lui pris la main, comme pour la guider… Arrivées dans un coin reculé, je craquai mes doigts endoloris, m’asseyant au sol. Elle s’était réellement bien débrouillée, et même si elle ne s’était pas totalement laissé aller à la violence, elle avait montré un sérieux potentiel, une façon de faire qui se ferait vite remarqué. J’étais maintenant en mesure de comprendre pourquoi Lith avait jeté un certain dévolu sur la miss. Maintenant, bien au-delà d’un potentiel recrutement, je sentais que le courant passait, entre elle et moi. Je sentais que je serais peut-être sa plus grande amie, dans le groupe des violentes, peut-être même sa meilleure... J’étais moi-même quelques peu déstabilisée face à ce sentiment nouveau, dans les nuages, complètement à l’Ouest. Elle me faisait penser à moi, en plus jeune. J’avais l’impression de me voir, il y a quelques temps de cela. Je respirais doucement.

« Ne laisse personne te rabaisser, Maya. Tu es forte, tu es courageuse. Mais le problème, c’est que tu ne le sais peut-être pas encore. Tu as toutes les qualités requises pour venir chez les Amazons, ne laisse personne te faire en douter. Il te faut prendre confiance en toi, il te faut prendre de l’assurance et t’affirmer. », marquant une pause, plus au moins courte, tentant de peser mes mots en silence. « Si tu le veux bien, je suis prête à t’offrir mon soutient, et mon aide. Et peut-être finir par de faire intégrer le groupe. », plongeant mes yeux de ses prunelles.

« Merci, Hayden. ». Ma gentillesse qui émanait de sa personne était impressionnante. Pure et douce, on sentait une réelle volonté dans ses dires. Son intonation était peut-être vacillante, mais un regard ne ment pas. Et c’est en gardant mes prunelles plantées dans les siennes que je buvais ses paroles, chacun de ses mots. « Je pensais que je n'étais pas forte du tout, ni courageuse d'ailleurs. Tu as entièrement raison, peut-être que je me suis trompée. ». Oh que oui, elle s’était trompée. Maintenant. Avant. Chaque matin en se regardant dans le miroir. Elle s’était fourvoyée sur son compte, comme les quatre-vingt-dix pour-cent de la population mondiale, d’ailleurs. « Je pensais que ça viendrais en vous rejoignant, mais maintenant, tu m'as fait comprendre que justement, j'avais besoin de vous pour développer tout ça, parce que j'avais déjà tout ça en moi. ». Une prise de conscience si rapide, une maturité innée, un sens aiguisé. Je ne pouvais qu’aimer ce petit bout de femme. « C'est étrange... J'ai l'impression que tu lis en moi comme dans un livre ouvert. C'est la première fois que quelqu'un me comprend autant, alors je te donne ma confiance. Tout entière. »

La confiance n’est pas quelque chose qu’on donne. La confiance est quelque chose que l’on doit gagner, que l’on doit acquérir. C’est un sentiment, une émotion. Une sécurité, une preuve d’attachement. La mienne, très peu avait réussis à l’obtenir. Ils se comptaient sur les doigts de ma main. « Ton aide est inestimable à mes yeux, alors autant que je l'accepte tout de suite. ». De mieux en mieux. Elle allait devenir ma disciple. Celle que je protégerais pendant son intégration dans le groupe, celle que je pousserai à se surpasser pendant les entraînements. Celle qui sera la plus proche de moi, à chaque instant, de chaque jour. Et ce pendant tout le temps qu’il faudra pour qu’elle soit prête. Prête à s’assumer, à s’imposer. Prête à devenir quelqu’un que l’on évite, quelqu’un que l’on respect. Elle allait devenir une fière Amazone. Sûre d’elle, et invaincue. De plus, me laisser lui inculquer ce que je sais, ce que je connais, était surement la meilleure façon d’entrer dans le groupe. Et surement le pire, par opposition. Mais il s’agissait également de la seule, et unique façon d’y entrer. J’étais la duchesse, et celles désirant faire partie du groupe devaient forcément passer par moi.

Rôle que j’avais acquis grâce à Lilith, ma très chère grande sœur, aimant et protectrice à mon égard. Je savais que je pouvais compter sur elle, au péril de sa vie, comme Maya pourrait bientôt compter sur moi de la même façon. Il me fallait un temps de réflexion. Afin de commencer cette métamorphose, désormais nécessaire en vue de ses bleus, j’allais devoir commencer par la recruter au plus vite. Elle avait les capacités requises, elle savait se défendre, elle avait de la répartie, plus qu’il n’en fallait. Malheureusement, son point faible n’était autre que son manque d’assurance. Sa timidité, son renfermement. Son effacement… Elle pourrait paraitre faible, à première vue, mais quand on sait discerner les gens, comme je suis capable de le faire d’un regard, on ne peut me mentir. Et son regard… Ce regard, si expressif, si profond. On pouvait y voir se débattre feu et glace, on pouvait y entendre des hurlements silencieux. Tout comme dans mon propre regard. Je le cachais peut-être beaucoup mieux, pour une lutte plus prononcée et plus douloureuse que la sienne, mais j’avais des années d’expériences, pour porter ce masque et cacher les douleurs qui m’incombent.

« Jusqu'à aujourd'hui, j'ai toujours pensé que d'avoir été envoyée dans ce pensionnat avait été une grosse erreur de la part de ma famille. Même si elle n'était pas au courant de tout ça, je me dis maintenant qu'elle avait raison, et que grâce à des gens comme toi et Lilith, je peux enfin être assurée d'être enfin moi-même. ». Oui, mais n’allons pas trop vite. Ceux qui se précipitent se retrouvent tout aussi vite à terre. L’élévation d’un être prend du temps. Mentalement, physique. Socialement. Il fallait procéder étapes par étapes. Et pour enfin qu’elle soit elle-même aux yeux de tous, le chemin allait être long, mais ensemble, nous y arriverons. Lui souriant faiblement, je baissais les yeux vers l’herbe verte, légèrement tiédie par le voile de soleil perçant à travers les feuilles de l’arbre florissant. Me relevant, je m’étirais de nouveau de tout mon long. Tendant la main à Maya, je l’invitai à me rejoindre, tandis que j’avançais en direction de la foule. Comme à leur habitude, des gens se retournèrent à mon passage, baissant les yeux quand les miens se posaient sur leurs corps courbés, désireux, à cet instant, se trouver invisible à ma vue et à mon jugement.

Qu’importait ces gens, ma priorité était Maya. M’arrêtant devant un banc où étaient assise deux mermaids, je restais immobile, leur faisant encore plus d’ombre que les arbres n’en produisaient. Levant les yeux, elles devinrent blanches, disparaissant en moins de quelques secondes. M’asseyant, j’invitai Maya à me rejoindre. Dans le même temps, les yeux curieux se baissèrent, de façon définitive cette fois. « Premièrement. Tu dois être assurée. Avoir une démarche sûre. Deuxièmement. Tu ne dois jamais te laisser insulter, pousser, ou provoquer, sans réagir. Troisièmement. Tu dois soutenir tes consœurs, quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passer. Dernièrement. Tu dois exister. Ton nom doit être un murmure dans les couloirs, un courant d’air dans les classes, des chuchotis dans les salles communes. ». Sortant une cigarette, je répétais dans ma tête ce que je venais de lui dire. Soutenir ses consœurs allait réellement être un rôle très important. La démonstration de force que j’avais effectuée sur une des vertes devant Maya n’était qu’un acte punitif, dont je devais assurer le rôle, dont j’en avais la responsabilité. Et non pas celui de Maya. La regardant dans les yeux, je lui souris.

Nous allions devenir excessivement proches, elle et moi, je le sentais, je le savais, au fond de moi. « Bienvenue chez les Amazones. »

« Me-merci ! Je ne m'y attendais pas ! ». Je pouvais lire une expression si sincère sur son visage de porcelaine. Elle était si surprise par mes mots. Ses yeux ne reflétaient que joie et extase. Oui, c’était l’effet que je provoquai assez souvent. Lorsqu’une personne en surprend une autre en lui donnant exactement ce qu’elle voulait, sans vraiment qu’elle n’est eu à faire de trop gros effort pour l’obtenir. Offrir son ticket d’entrer chez les Amazons à une fille pleine d’espoirs. Surement le plus grand bonheur que j’avais acquis en devenant moi-même Duchesse de ce grand groupe prospérant. En plus de pouvoir me battre avec plus de rage, et de me faire respecter et craindre des autres sans être une parfaite inconnue. Ou comme on me surnommait à mon arrivée à Sei, la « Hecklers fantôme ». Qui bat tout le monde mais ne montre pas son visage. J’avais trouvé une réelle famille dans le cœur des Amazons, et je comptais bien intégrée Maya à celle-ci. À cette folle entreprise qui guide tout un chacun vers un chemin différent. Plus sûr, ou peut-être plus dangereux.

Il allait falloir qu’elle s’adapte. Elle allait devoir se montrer digne de porter la couleur des vertes, et à l’exhiber avec fierté. Ça n’allait pas être facile, surtout, dans son cas, de s’assumer, de s’affirmer, de ne pas se laisser marcher sur les pieds. Bien sûr, nous serions là, Lilith et moi, à ses débuts. Nous la guiderions, nous l’aiderions. De plus, je sentais une réelle complicité potentielle entre la jeune Hecklers et moi-même, comme un impact en approche, inévitable, si malicieusement placé sur notre route, prêts à nous éclater à la figure. Oui, ma vie avait changée depuis que j’étais devenue une Amazone. Et j’espérais bien faire changer celle de Maya, dans le bon sens du terme évidemment. « Merci, vraiment. Merci. ». Je ne misais jamais sur les mauvaises personnes, jamais. Je savais dénicher les bonnes recrues, je savais sentir la volonté quand il y en avait, je savais déceler la fougue quand elle était présente. Et c’était évident qu’en plus de ces qualités requises, la rouge avait plus grand potentiel qu’elle ne l’aurait soupçonné.

En se battant, quelques instants auparavant, en l’espace de quelques coups infligés, j’avais pu lire la joie dans son regard, des étincelles dans ses grands yeux. Elle avait soif de combat, elle avait besoin de s’exprimer. S’exprimer physiquement, et moralement. Elle avait besoin d’exister. Et j’allais l’aider. Les désirs inavoués, les espoirs cachés, j’étais la première à pouvoir comprendre ce ressentiment. J’avais oublié ce que signifiait le terme famille, ce que voulait dire le mot amour, avant de connaître la reine des Amazons. Désormais, je me retrouvais parmi mes consœurs, je me sentais aimé, dans mon univers, entre souffrance et joie. En tant que grande sœur, que meilleure amie, que confidente. Je contribuais à l’évolution du groupe, en redonnant une image digne de ce nom à celui-ci. Redorant le blason, attribuant des mérites. Je n’allais pas m’arrêter là, mais il fallait y allait doucement, pas à pas. Et il en serait de même pour l’avancé de Maya. Tendant ma main vers la sienne, je la saisis avec délicatesse, les yeux plongés dans les siens. Elle devait avoir confiance, elle devait me croire.

« Qu'est-ce que je suis censée faire ? ». Elle allait enfin voir ses rêves exaucés. Ses peurs effacées. Je devais le lui faire comprendre, avec mes mots. Des mots qu’elle serait en mesure d’assimiler, de faire siens, et de maîtriser. « Je serais là. Constamment présente pour te guider. Je ne vais pas te laissé patauger dans l’inconnu, mais bien rester à tes côtés. Je te le promets. ».

Je pense que le RP peut être considéré comme terminé ! :P
Si tu as envie de poster une autre réponse, libre à toi !
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