La nuit avait été longue, trop longue… Et fatalement, la matinée était arrivée trop tôt. Beaucoup trop tôt. Quitter le lit fut une chose difficile, à tel point que je ne le quittais pas de suite. Ma main tapotait la table de chevet à la recherche du St graal. Mon paquet de clope. Je le sentis du bout des doigts avant que celui-ci ne tombe au sol. Et merde… Je soupirais de lassitude, et moi qui voulait rester encore au lit. Je roulais sur le côté, cherchant désespérément à attraper mon fameux paquet. La merde, je n’avais vraiment pas de chance ce matin. En plus aujourd’hui je partais pour travailler. J’avais rendez-vous à 9h00 il était midi. J’étais très légèrement en retard. Mais rien de bien important… J’avais été déjà bien plus en retard. Les élèves seraient très certainement contents de ne pas avoir cours ce matin. Surtout cours de musique.

Apprendre à des élèves indisciplinés et blazé l’art magnifique de Mozart ou de John Cage me dégoutais d’avance… Sans parler des cours de flûte. Même si l’on m’avait dit que c’était au programme, il ne devait pas compter sur moi pour leur donner des cours de flûte. C’était, à mon gout, le meilleur moyen de leur faire détester ma matière.
Je posais mes deux pieds au sol. Quelle joie, la gueule de bois ! Sentir ses cheveux pousser à l’intérieur de son crâne et avoir du mal à poser les pieds au sol. Quel plaisir ! J’attrapais enfin mon paquet de cigarette. ENFIN ! Ô joie ! Ô fête ! Ô cigarette mon amie. Tu me donneras certes le cancer mais en attendant tu me fais oublier l’enfer de la nuit dernière ! Ma cigarette à la bouche je me laissais à nouveau tomber sur le lit, regardant le plafond blanc d’un ai absent. Cette nuit je n’avais pas ramenée d’inconnu, c’était une bonne chose. Maintenant, je devais aller travailler. Soupirant, je laissais s’évader une nuée de fumée blanche de mes lèvres avant de me lever un peu trop rapidement. Ma tête tourna, j’avais été trop vite. Je restais assise un instant, et pris la direction de la salle de bain. Je trainais difficilement mes pieds lourds sur le parquet froid jusqu’à ce qu’ils atteignent le carrelage gelé de la salle de bain. Je n’avais vraiment pas envie d’y aller mais j’y étais obligée.
Devant le miroir je finissais ma clope avant de m’habiller. Un jean serré bleu un long débardeur délavé et ma veste Kaki.

J’attrapais mes clopes, ma guitare et mon violon, puis, encombrée de ma valise je me dirigeais vers Sei…
Tout cela prenait de la place. Aussi bien dans la rue que dans le bus. Le casque sur les oreilles j’écoutais la musique à fond. Un peu trop fort peut être, je n’entendais pas le contrôleur qui me demandait mon triquet. N’avais-je que ça à faire que de payer pour les transports en commun ? De plus qu’il n’y avait jamais de places assises pour les personnes chargées comme moi. Je descendais donc rapidement avec ma contravention en main. La jetant à la poubelle au passage. Devais-je faire mine que j’étais essoufflée et gênée d’être en retard ? Ce n’était pas la vérité… Alors je n’allais pas mentir à la vieille dame qui se chargeait de l’accueil. C’est cigarette à la bouche que j’entrais dans le bâtiment indiqué.

« Bonjour ! Je suis la prof’ de musique »

« On ne fume pas dans les locaux madame… »

Ça commençait bien pour moi… J’écrasais l’arme du crime sur mon jean en souriant.

« Merde désolée »

La vieille dame soupira, regardant d’un air lassée son ordinateur avant d’ouvrir grand les yeux.

« Vous être en retard ! »

Non sans rire ! Comme si je ne le savais pas. Je la laissais s’énerver alors que je rangeais soigneusement le reste de ma cigarette dans mon paquet. J’attendais en tapant du pied, tous ce que je voulais c’était mon numéro de chambre pour finir ma nuit. Les deux coudes sur ce qui lui servait de comptoir je soupirais de plus belle. Elle va se bouger la vieille peau ou pas ? Et puis c’est quoi ce bahut? Sérieusement le personnel est merdique et les élèves sont flippants. Je me penchais en avant pour voir l’écran de l’ordinateur et ma chambre, si toutefois elle y était.

« Je suis désolée mademoiselle mais… nous n’avons pas de chambre pour vous suite à un bug… »

Je soupirais… que de chance que j’avais… L’air énervée j’attrapais tous mon bordel pour quitter ce lieu. J’en avais déjà marre. Une organisation pourrie, des locaux pourris et un personnel de merde ! Super, j’étais la femme la plus chanceuse du monde. De mauvaise humeur je m’assis sur les sièges qui servaient pour attendre. Je posais mes pieds sur la table basse en face de moi et allumais une cigarette. Oui c’était interdis mais je me fichais pas mal de la vieille.

« Mademoiselle … »

« Rhaaa la ferme vieille peau … heureusement que je suis arrivée en retard… de toute façon je ne bougerais pas de là tant que je n’aurais pas ma chambre. »

Elle grogna avant de taper une multitude de choses sur son clavier. Un vieil ordinateur. Même moi j’en avais un plus récent. Je continuais de fumer en l’observant. Je ne savais pas pourquoi, mais j’avais la terrible impression que j’allais passer une mauvaise journée…

Je restais les yeux clos, ma cigarette à la bouche. Je n’avis que cela à faire, attendre, sous le regard des élèves qui passaient par là. C’est sûr qu’avec tous ses instruments… Au final, je n’avais pas énormément de place pour mes vêtements, j’avais surtout des partitions un peu partout, de quoi composer, des CD et tout un tas d’affaires de musique. Et à côté un sac de voyage simple. C’est là que j’avais mes vêtements. Tous chuchotaient entre eux, riant par moments. Comme tous les gamins de cet âge, ils se demandaient comment ils allaient traumatiser leur nouveau professeur. L’ennuie pour eux c’est que je risquais de m’amuser autant qu’eux. La vieille de l’administration tapait son pied au sol, elle semblait toujours plus énervée en oubliant presque son ordinateur. Je l’entendais grogner et soupirer contre moi et ma cigarette, soit, si elle n’était pas contente ce n’était pas de ma faute, je ne serais pas ici en train de fumer si elle avait été plus rapide.

Une voix traversa légèrement mes écouteurs, j’hésitais un instant avant d’ouvrir les yeux finalement. Les posant sur le jeune homme face à moi. Ce n’était visiblement pas un homme de l’administration, il avait l’air bien trop jeune. Je souriais en coin légèrement amusée. Je ne savais pas qui il était mais il me donnait déjà envie de rire. Sûr de lui et cynique, c’est ce qui ressortait en le voyant. Qu’il était chou~ Je haussais un sourcil, moi ? Mourir de faim ? Hum… oui il avait raison. De plus, je n’avais pas pris de quoi manger. Habituellement j’avais toujours des barres chocolatés dans mes poches mais là… Cependant, laisser mes affaires ici ne m’enchantais pas. C’est la vieille peau qui se mêla encore de la conversation.

« oui, je vais mourir de faim si elle ne se dépêche pas, ou alors je vais devenir cannibale et la manger elle… bien que je pense préférer la mort »

« Il est l’heur d’aller manger jeune homme ! Ne vous retrouvez pas en retard en cours, et vous serez priés de ne pas parler ainsi à votre professeur ! »

En plus d’être inutile elle était vraiment chiante celle-là… De plus je n’étais pas encore officiellement son professeur vu que je n’étais pas sur les listes. Et puis, un élève pourrait être utile pour tâter un peu l’ambiance de ce bahut. Même si cet élève ne paraissait pas particulièrement apte à la sympathie, je savais au moins qu’il devait être comme les autres bourrés de préjugés sur les professeurs, mais lui au moins était venu me parler. Et il n’avait pas l’air non plus d’être le premier de la classe à venir me lécher les bottes. Je soupirais de plus belle.

« Sauf que je ne suis PAS son professeur, vu que je ne peux être logée, alors, démerdez vous avec votre bordel pourrit, gardez ça et ça et quand je reviendrais essayez de faire fonctionner votre bordel, ça, je le garde »

J’attrapais ma guitare et la balançais sur mon dos. Elle, elle ne me quittait jamais. Donc, elle venait avec moi, ou avec nous… Un sourire malicieux se dessina sur mes lèvres closes. J’avais fini ma clope, je jetais le mégot dans la poubelle avant de m’accrocher toujours aussi amusée au bras du jeune homme. Non, je ne lui faisais absolument pas confiance. Oui, j’étais surement folle. Mais après tout, la folie est un signe d’intelligence quelconque non ? Je me méfiais certes de lui, mais pas totalement. Tout cela n’était qu’une apparence à mes yeux.

«Et ce jeune homme va me montrer un endroit où manger vu que je ne connais pas encore bien la ville. »

Je l’entrainais, si toutefois il me suivait, un peu plus loin. Non je n’étais pas enchantée de rencontrer un jeune homme prêt à m’aider puisque, pour l’instant il n’avait pas le choix. Eloignée des oreilles de la vieille et de son ordinateur pourris, je le lâchais et allumais une nouvelle cigarette. Il faudrait que je pense à arrêter… un jour. Le pire pour moi serait très certainement de ne pas fumer en cours… Je coulais mon regard sur celui que j’avais en face de moi. Il n’avait rien des petits monstres qu’on décrivait en dehors de Sei. Sans cesser de sourire je haussais à nouveau un sourcil.

« On m’a dit que les gamins ici étaient de vrais monstres… heureusement que l’habit ne fait pas le moine, je jurerais que tu es ange mon petit~ »

Il n’était pas petit, et il n’avait rien d’un ange en fait, simplement, je voulais savoir qui j’avais en face de moi… Et puis il avait l'air d'aussi bonne humeur que moi alors ~