a matinée avait bien commencé, la journée avait bien continuée. Il n’avait pas fait spécialement beau, un peu gris, mais pas une goutte de pluie. Les cours lui avaient semblé interminables : mais après tout, ça n’était que des cours et il ne s’était pas attendu à autre chose. Des heures durant il avait gribouillé au bic bleu des pages et des pages. Dans un cahier à petits carreaux, construisant des architectures vertigineuses de la pointe de son stylo. Immeubles et tours défiant le ciel blanc des pages, adossées aux lignes bleutées dans une verticalité alambiquée. Il s’était même surpris, une fois ou deux, à imaginer Shin tomber du haut d’un de ces bâtiments.
Il avait fermé le cahier quand l’idée de chute s’était associée à l’idée d’envol, et qu’il s’était souvenu que c’était le vilain petit canard – lui – qui s’écrasait lamentablement par terre. Shin, lui, il était le cygne de la famille.
Ca l’avait mis de mauvaise humeur pour le reste de la journée, il avait séché les derniers cours de l’après-midi pour aller brûler cahier et stylo, balancer les cendres dans un égout.
C’était en ne trouvant rien à faire qu’il avait trouvé le terrain de sport, et en ne faisant rien qu’il avait trouvé un terrain de basket. Ca, ça le bottait déjà plus que les cours ! Fissa, il avait galopé jusqu’à sa chambre pour enfiler un short plus léger que son jeans actuel. Un débardeur blanc en échange de son t-shirt vert pomme, puis sa veste.
Dans la parage du terrain, il avait cherché où était rangé le matériel de sport. Plusieurs longues minutes s’étaient écoulées, ses recherches infructueuses le démoralisant un peu. Seulement Tsune n’était pas de ceux qui laissaient facilement tomber et, redoublant d’effort, il avait enfin mis la main sur un ballon. Et après un bref échauffement il s’était lancé dans de lancés à trois points, en loupant quatre sur cinq facilement. Le jeu avait fini par l’agacer, il avait fait une pause.
Assis au milieu du terrain, ses jambes allongées devant lui, l’adolescent fixait le panier d’un air un peu vague. Entre ses mains, le ballon roulait sur le sol, passant de droite à gauche inlassablement. Il aurait pu s’allumer une cigarette, en général c’était même ce qu’il faisait. Ca lui évitait de réfléchir trop. Mais il avait soif et fumer n’arrangerait rien. Il n’avait pas pris d’eau. Tant pis.
Un petit papier par ci, des mégots de cigarette par là, un... Truc bizarre non identifié... Franchement les joyeux petits pensionnaires de cette école laissent vraiment derrière eux des déchets dégueulasses. Et devinez dont qui était chargé de partir à leur poursuite ? Moi. Qui d'autre... Ah, vous vous demandez peut-être -par le plus grand des hasard- ce que je fichais là à ramasser ces conneries avec ma pince de super héros ? Et bien ces-derniers temps j'avais quelque peu dégradé des recoins du pensionnat sur des coups de tête... Moi et mes idées à la con. D'autant plus que, m'étant montré récalcitrant à plusieurs reprises dans les seuls cours où je me rendais, certains dictateurs de la bonne conscience ont jugé bon de me donner une occasion de me repentir. J'adore donner une intonation dramatique aux événements les plus ridicules... Le héros tragique qui avance vers son funeste destin... Bon, j'arrête là. Le côté positif dans ces futilités était que l'on ne pouvait pas me jeter la pierre parce que je manquais l'occasion de m'instruire. Pas comme si tout ce qui rentrait dans une oreille ressortait par l'autre ou si je ressentais une quelconque culpabilité. J'avais juste l'air d'un empoté qui se baladait gaiement avec une pince à déchets et un sac poubelle. Ouais, j'avais connu pire, n'est-ce pas ?
Peu importe l'angle sous lequel je me regardais j'avais sincèrement le sentiment de ressembler à un clochard en quête de nourriture pour l'hiver. Un vieux jean, un vieux T-shirt... De toute façon tout est vieux dans mon armoire. Et trop grand. Ha oui, surtout trop grand. Lorsque j'avais aperçu la porte de "l’entrepôt" qui servait de fourre-tout pour le matériel de sport entrouverte, j'y entrai discrètement. Fatigué de ma balade -certes il m'en faut peu. Quelques instants après, je m'étais assoupi dans un coin confortable, dérogeant pendant un laps de temps indéterminé à la tâche qui m'avait été confiée. Mais qui le saurait à part moi ? C'est en toute quiétude que j'avais fermé mes paupières, ne pensant pas une seule seconde être dérangé par qui ou quoi que ce soit.
C'est pourtant un brouhaha sorti de nul part qui me tira de ma torpeur. Je mis un temps à émerger, mais ce qui était à mes yeux un véritable boucan ne cessait pas. Des objets que l'on remue, que l'on fait tomber... Qui diable est entré dans l'antre du dragon ?! J'entrouvris nonchalamment une paupière. Il faisait beaucoup trop sombre et tout ce que ma pupille put percevoir était une silhouette beaucoup trop floue. Terré dans le noir, cette silhouette ne remarqua pas ma présence. Et tant mieux ! Quelque peu dubitatif, j'attendis tout simplement qu'elle daigne déranger quelqu'un d'autre... Puis à nouveau abandonné dans ma solitude tant désirée, je retournai à mes occupations dans un râle de plénitude. Sans prendre en compte le truc qui me tomba sur la trogne parce qu'il n'avait pas apprécié que je change de position.
Le temps s'écoule, le temps file. Quand je me réveillai à nouveau le soleil commençait déjà à faire son grand final. Ni une ni deux, je me parai à nouveau de mon attirail comme si je m'y attelais depuis des heures. Des heures et des heures... Haha, paye mon dur labeur. J'étais sorti de ma planque en mode travailleur du dimanche, m'attaquant à la partie du centre sportif, plus précisément au terrain de basket. Parce que lui aussi, il était en piteux état. Bien que peu concentré, mon attention ne fut pas tout de suite captivée par le petit d'homme qui siégeait en plein milieu du terrain. Lorsque cela fut le cas, je décidai de ne pas en tenir compte, trop occupé à partir à la chasse aux déchets. Sans réellement en avoir conscience, je dus très certainement faire maintes allés et retour juste sous son nez, repérant à chaque fois un autre détritus dans la direction opposée de laquelle je me trouvais. Furetant de droite à gauche, je devais probablement ressembler à un gamin qui partait à la chasse au trésor. Doux jésus quel trésor...
Jugeant mon travail partiellement accompli, planté sur le terrain comme une fleur, une récompense durement méritée s'imposait d'elle-même. Déposant mon attirail à terre, je sortis une de mes "munitions" de mon sachet de tabac. Les clopes préalablement roulées, j'n'ai que ça à faire décidément... Barre de nicotine au bec, je partis à la recherche du firepower... Qui manifestement était porté disparu... NON, enfer et damnation j'en ai toujours au moins trois d'habitude ! Frénétiquement je fouillai mes poches... Tient ça me rappelle quelque chose avec l'autre petit blond à la tâche de café... Bien vite, abattu, je finis par abdiquer. Mes mirettes se posèrent alors un peu plus loin sur le garçon qui faisait mumuse avec une balle. Chacun ses occupations... J'hésitai pendant un temps. Aller vers les autres, c'n'est pas ma tasse de thé... Peu ravi, je me résolus tout de même à faire quelques pas vers lui, sans trop m'approcher pour autant. Assez proche, je lui lançai avec une neutralité déconcertante.
_ Heu, salut. T'aurais pas un briquet par hasard ?
Mains dans les poches, cheveux en bataille, je le jaugeais en attendant une réaction.
• HRP
Hum, un peu écrit à l'arrache, j'essaierai de mieux faire au prochain ! >///<
l avait royalement ignoré le représentant des services publics : sans doute un affreux cancre condamné par un quelconque professeur a écopé d’une peine d’intérêts généraux. La chose ne l’intéressait en rien, lui-même comptait bien ne jamais finir dans ce genre de situation. Quoiqu’il fasse et même avec la meilleure mauvaise volonté du monde, il ne laisserait pas à qui que ce soit le plaisir de le punir ou de le coller. Ce genre d’échec… Ca non, lui vivant, jamais. Il admettait d’être renvoyé, sans problème même. Il avait après tout déjà été évincé de trois établissements. Mais se retrouver à effectuer une misérable petite tâche ingrate… Même pas en rêve.
Son amour propre n’y survivrait pas. Il s’était appliqué à ne pas le regarder.
Concentrant ses pensées sur le va et vient du ballon. Jusqu’à ce qu’une ombre s’allonge sur un de ses flancs. Alors seulement Tsune prit la peine d’observer l’autre. De vraiment le regarder en face.
A peu près la même taille que lui, mais alors il fallait payer pour avoir un look pareil. Non content d’être habillé comme un sac, ses cheveux décoiffés et ses cernes l’apparentait à l’espèce très répandue des sans domiciles fixes. N’auraient-ils été ans un internat qu’il aurait pu confondre. Quoiqu’il n’avait peut-être pas un sous, c’aurait tout expliqué… Mais un type pauvre n’aurait pas eu les moyens d’orner sa tignasse désordonnée d’une mèche blanche semblable à la sienne. Donc ce gars n’était pas pauvre, il se donnait juste un genre.
Tss…
Tsune se leva en s’appliquant à garder un visage calme, une expression posée. Le ballon toujours dans une main. Sa veste était par terre, au bord du terrain. Il la rejoignit sans quitter l’autre des yeux, se pencha sans lâcher la balle, fouilla ses poches d’une main. Sorti, entre l’index et le pouce, son zippo. Le métal était rayé en plusieurs endroits, la charnière oxydée par un frottement trop répété.
« J’ai. »
Une fois, deux, trois, Tsune lança le ballon contre le sol, avant de finalement le rattraper d’une main. Retournant vers le centre du terrain, il leva les yeux sur le panier de basket. Coinça son briquet entre l’index et le majeur de sa main gauche, se lança. Dribble en course, un pas, impulsion. Dunk.
Sa main libre accrochée à l’arceau. L’autre posa le zippo sur la fixation du cercle rouge au panneau. Se laissa tomber sur le sol où il récupéra la balle.
Tourna la tête vers l’autre et passa une main dans ses cheveux sombres aux reflets mauves. J’ai un briquet, mais je n’ai aucune raison de te donner du feu. Par ailleurs je m’ennuie un peu et je ne connais personne pour taper la balle avec moi.
« Tu réussis trois lancers francs d’affilés ? »
Le ballon quitta ses mains en direction de l’autre. On s’amuse un peu et promit, après ça toi et ta balayette vous aurez du feu.
L'autre petit d'homme s'afféra tout autant que moi à ignorer ma présence. Jusqu'à ce qu'il n'eut d'autre choix de relever son regard vers moi. Et mon dieu quel regard. Deux billes sombres qui me dédaignaient sans aucune pudeur. Pour un peu j'en aurais souris. Mais j'n'étais là que pour avoir du feu, rien de plus, je n'avais pas de temps à perdre. Ou plutôt gaspiller en une compagnie non désiré. D'autant plus que son expression ne me plaisait pas. Son œil critique n'avait pas échappé à mon attention. Hum, vivement qu'il me file ce briquet, ou qu'il m'envoie tout simplement balader que je puisse passer à autre chose. Voilà pourquoi je voue une haine viscérale envers les gens. L'on ne peut même pas se balader comme on veut. Peut-être que je me comporte comme un idiot, dans tous les cas mon regard ne sera jamais accusateur envers quelqu'un qui ne juge pas. C'est dommage. Avec sa bouille de mini rebelle il aurait presque pu me plaire, l'espace d'un instant. J'attendais ici, comme un idiot, en attendant que l'autre se décide à réagir. J'n'avais pas bougé d'un millimètre, mon regard rivé sur lui. Quand enfin il esquissa un geste, se dirigeant vers sa veste. Même en mouvant, il me gardait à l’œil. De peur que je ne l'attaque furtivement ? Allez savoir, ma gueule de clochard doit être impressionnante. Je soupirai longuement, sans me décourager. J'observais par la suite la scène qui prenait place.
Je vois, ce garçon là avait apparemment envie de jouer avec quelqu'un. Et bien, il aurait pu me le dire tout de suite au lieu de me fixer comme un extravagant. J'aurais volontiers lancé quelques ballons en sa compagnie -je fus légèrement forcé de toute façon- malheureusement pour lui il était tombé sur un piètre sportif. Quoi que, en course à pied je l'aurais sans aucun doute évincé. Basket je n'y connaissais absolument rien. Mis à part que l'on lance un ballon dans un panier. Ma connaissance s'arrête ici. Clope au bec, un ballon siégea bientôt entre mes paumes. Mon mirettes, toujours autant dépourvues de réactivité allaient de cette fameuse ba-balle à la bouille du garçon. Nan je vous assure, ce n'était pas la première fois que je voyais un ballon de ma vie, bien que j'en donnais la fâcheuse impression. Un nouveau soupire. Résolu. Voilà que j'étais obligé d’interagir avec un truc qui respirait le même oxygène que moi. Dammit... Songeur, ma vision obnubilée par mes mains, il me sembla que le garçon m'avait posé une question.
_ Absolument pas, mais j'peux toujours essayer... Sait jamais. marmonnai-je, dose de nicotine toujours aux lèvres.
Il me semble y avoir déjà joué, une fois. Peut-être deux... Mon attention se reporta sur le panier, plus précisément intéressé par le feu qui s'y trouvait. Mais jouer au voleur ne m'intéressait pas. Un rebond, deux rebonds, trois rebonds, je risquais de vite me prendre au jeu. Nonchalamment je me dirigeai derrière la ligne de lancer franc. J'armai mon bras, sans trop me poser de questions. La balle finit par glisser le long de mes doigts. Celle-ci peu coopérative roula hésitante autours du filet, pour finalement pencher vers l'extérieur. Ce fut un échec qui ne me surprit pas. D'ailleurs ma seule réaction fut d'arquer un sourcil. Néanmoins, légèrement buté, je m'emparai une deuxième fois de la balle. Mon expression était toujours aussi indifférente, pourtant intérieurement un panier ne m'aurait pas déplu... Pourtant ma deuxième tentative fut un autre échec. Je comptais bien sur la troisième pour faire ses preuves. Et une fois de plus la balle se libéra de mon emprise, poursuivant son ascension vers le panier. Celle-ci parut moins hésitante, plus franche et finit par s'engouffrer dans le filet.
Ravi par ce nouvel exploit, un sourire enfantin illumina mon visage alors que je m'esclaffai doucement.
_ Et ben voilà, la troisième fois c'est la bonne !
Et voilà, ce panier avait fait ma journée, car à présent, je ne me défaisais plus de cette expression de joyeux lutin. Reportant mon attention sur le garçon que j'avais pendant un temps laissé de côté, je lui adressais une expression plus ou moins amicale, envoyant le ballon entre ses mains.
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Mer 24 Juil - 4:17
