Les dernières semaines avaient été horribles pour la jeune femme. Entre nausées, sommeil de plomb et des maux de ventre abominables, elle avait passé une majeure partie de son temps alitée au lit, aux bons petits soins de Hikari et Hayden qui avait récemment emménagée chez les deux amazons. Lith avait appris sa grossesse parce qu'elle s'était évanouie pendant le cours de sport et qu'elle avait été prise en charge par l'infirmerie. Au début, elle avait juste pensé à une chose, l'avortement. Elle ne voulait pas de bébé, elle ne voulait pas se charger d'un gosse alors qu'elle en était une elle-même. Mais c'était plus facile de crier à l'avortement que le faire. Sa propre mère l'avait gardée, malgré tout. Alors elle avait longuement réfléchi et avait fini par prendre une décision. Donc, elle était à environ à deux mois de grossesse, actuellement. Pas assez pour que ce soit visible sans soulever son t-shirt. Le père de l'enfant ? Il n'était pas au courant. De toute façon, elle n'avait pas les tripes pour lui avouer, surtout que cette grossesse inopinée découlait d'une relation d'un soir. Un seul. Avec Flippy, elle s'était offerte, l'alcool sillonnant ses veines, d'autres substances non définies ayant ramolli son cerveau et sa perception.

Elle s'en voulait terriblement, surtout qu'elle avait prévu de donner sa première fois à un être aimé, à savoir Reiji. Elle se sentait souillée, humiliée et s'était montré naïve. Depuis lors, elle n'avait pas recroisé le directeur-adjoint. Elle avait vu son déménagement juste à côté, à quelques pas de son propre appartement mais n'avait pas cherché à le voir. Elle ne voulait pas, elle n'arriverait pas à croiser son regard. Mais depuis quelques jours, elle entendait des rumeurs comme quoi Reiji serait malade alors elle avait fait un effort pour sortir de son lit et aller aux nouvelles. On racontait qu'il s'était battu contre des types et qu'il allait mal. Lith s'était donc douchée, habillée, coiffée, maquillée et avait franchi le seuil de sa porte pour aller sur celui du jeune homme. Mais elle était restée immobile sur le palier, incapable de sonner et était donc rentrée chez elle. Aujourd'hui, elle s'était enfin décidé à sonner. Le doigt sur le bouton, elle avait encore une des satanées nausées qui lui rongeait les tripes et lui donnait le vertige. Comment pourrait-elle tenir encore sept mois avec ce bébé dans le ventre ? Et ce qu'elle redoutait le plus, c'était l'accouchement. Elle en avait vu des centaines de fois, à force de faire des allers et venues à l'hôpital de Yokûbo. Et c'était toujours la même chose, les femmes enceintes criaient, pleuraient de douleur ou insultaient à tour de bras les infirmières, leurs maris, les médecins. Une fois même, l'une d'entre elles avait du sang perlant de ses cuisses. En un mot, c'était atroce.

Mais elle sonna, faisant retenir le carillon de chez Reiji. Elle n'était pas prête, pas encore, mais elle n'allait pas non plus s'enfuir en courant, il était trop tard pour revenir en arrière, de toute manière. Vêtue d'une simple robe légère noire qui marquait ce petit ventre arrondi, elle appréhendais cette rencontre plus que tout au monde. Sa tête était vide de pensées, son esprit semblait s'être envolé ailleurs. Quelqu'un ouvrit après quelques minutes de silence et la première chose qui franchit le seuil de ses lèvres fut un « Bonjour.» neutre et stoïque, avec un regard absent.

Depuis combien de temps exactement ne l'avait-elle pas vu ? Elle se rappelait leur dernière soirée, celle où son père avait fait irruption pour la gifler. Bizarrement, elle ressentit de nouveau ce flot de sentiments incontrôlables qu'elle avait eu lors de cette fameuse soirée où ils s'étaient embrassé. Oui, Reiji lui avait terriblement manqué, elle devait être honnête envers elle-même. Son visage, ses cicatrices, son parfum, tout son être lui avait manqué. Elle resta un instant sur le palier, les mains croisées derrière le dos, à le contempler, simplement.

« Reste pas dehors. »

Elle avait un peu sursauté, mais s'était glissée sans un mot à l'intérieur de l'appartement, retirant ses sandales au passage, coutume nippone. Ses yeux dérivèrent rapidement de Reiji et se tournèrent vers les lieux. L'appartement différait largement de l'ancienne chambre que le directeur-adjoint avait. Plus spacieux, lumineux et sentant clairement le neuf. Lith aussi avait ce genre de logement désormais, mais elle devait le partager avec deux colocataires, faute de moyens pour payer le loyer chaque mois. En plus avec ce bébé, elle devait faire des économies pour l'élever décemment. Et ce n'est certainement pas son père qui allait l'aider. Elle avait décidé de ne pas le lui dire, de peur qu'il lui enlève à la naissance, décrétant qu'elle ne serait pas en mesure d'élever un enfant. Si seulement Reira était encore en vie... pensa la jeune demoiselle en esquissant quelques pas vers l'intérieur.

« Merci. » avait t-elle répliqué doucement, sur ton léger et quasi inaudible.

Elle ne savait pas quoi dire, pas quoi faire pour le moment. Les mots qu'elle pensait dire restaient inexorablement bloqués en travers de sa gorge, comme si elle était subitement devenue muette. Pourtant, en venant, elle s'était jurée de tout avouer, de A à Z et ensuite de repartir comme si de rien n'était. Il n'avait aucunes responsabilités envers Lilith, après tout même si ils s'étaient embrassés, ils n'étaient pas « en couple ». Ruminant en sourdine, Lith était plongée dans ses pensées, jusqu'à ce qu'il élève de nouveau la voix, la faisant revenir à la dure réalité.

« Tout va bien ? »

Il ne la connaissait que trop bien, c'était assez embarrassant parfois. Lith pencha un instant la tête sur le côté et finalement se tourna légèrement vers lui, posant ses prunelles dans les siennes. Elle tremblait de tout ses membres mais tentait vainement de le cacher en gardant ses phalanges derrière son dos. Il ne devait pas voir, mais elle était persuadée qu'il le ressentait rien qu'en la fixant droit dans les yeux. De toute façon, ça se lisait sur le faciès de la jeune femme, qu'elle n'allait franchement pas bien. Pas forcément à cause de l'enfant qui grandissait de jour en jour dans son ventre, mais parce qu'elle était là, face au seul homme pour qui elle avait des sentiments.

« Non. Je suis enceinte. »

Elle se surpris elle-même à le dire avec autant de facilité. Mais ses yeux humides semblaient sur le point de verser un flot infini de larmes, elle se retenait du mieux qu'elle pouvait, pour faire preuve d'un maximum de courage. De toute manières, elle avait déjà versé toutes les larmes de son corps à l'annonce de sa grossesse. Elle devait se montrer forte, encore une fois.

« J'ai perdu ma virginité . C'était après une soirée alcoolisé, sans doute même que j'étais droguée, parce que je n'en ai presque pas de souvenirs. Je me suis réveillée chez lui, nue, du sang tachant les draps qui était entreposé la salle de bain et j'ai su ce qu'il s'était passé. Quelques semaines plus tard, je me suis évanouie en cours de sport et on m'a annoncé la nouvelle. J'ai décidé de garder ce bébé mais je ne te demanderais rien, ne t'inquiète pas pour ça. Je voulais juste que tu saches, car je te considère comme l'homme le plus proche de moi à l'heure actuelle. »

Elle avait ponctué son discours en baissant brusquement les yeux, de peur de ne pas pouvoir retenir ses larmes. Elle avait merdé, elle le savait pertinemment. Mais même les mots ne seraient pas assez fort pour dire combien elle était désolée, combien elle s'en voulait d'avoir fait ça. Ça lui rongeait les entrailles, son moral était en miettes et le pire, c'est qu'elle ne pouvait se confier à personne, parce que personne n'avait vécu ou ne vivait une situation similaire. Elle chuchota tout bas, dans un souffle éphèmère.

« Je suis désolée, Reiji... »

Il y a des moments où l'on aimerait tout envoyer en l'air, se contenter de quitter sa vie actuelle pour commencer quelque chose de nouveau ailleurs. Laisser ses emmerdes et ses sentiments derrière soi et partir sur de nouvelles bases, dans un lieu où personne ne nous connaîtrait. Les autres n'auraient pas à savoir quel est vôtre passé et vous seriez enfin en paix, vivant vôtre vie comme bon vous semble, avec ses avantages et ses inconvénients. Lith en avait rêvé des nuits entières, de fuir la ville pour recommencer autre-part. Dans ses songes nocturnes, elle recommençait sa vie loin du Japon, loin de Yokûbo, loin de son père, de Reiji, de Poussin, de tout ces hommes avec qui elle avait un lien, malgré elle. Elle avait une petite vie tranquille, travaillant dans un quelconque endroit pour subvenir à ses besoins, allant s'amuser le vendredi soir, en somme la vie rêvée pour une adulescente comme elle. Mais les rêveries restaient des chimères et le retour à la réalité lui faisait l'effet d'un coup de poing brutal dans le ventre.

Lith n'arrivait même pas à soutenir le regard de Reiji. Comment pourrait-il la pardonner après ça ? Ce n'était pas qu'une simple aventure sans lendemain, elle avait pris conscience que l'enfant grandissant dans son ventre, il avait un géniteur et ce n'était pas celui qu'elle aimait et désirait de toute son âme. Poussin aurait forcément une place dans sa vie, qu'elle le veuille ou non, il restait le père de cet enfant. Et si Lith avait bien appris une chose, c'était qu'abandonner ou priver ses enfants de leurs parents les faisaient souvent dériver sur le mauvais chemin, exactement comme elle. Serrant les poings jusqu'à ce que ses ongles rentrent dans sa peau, elle le scrutait en biais.

« Qui est le père ? »

Cette question, il allait forcément la poser, un jour au l'autre. Quiconque aurait été à sa place aurait eu la même réaction, c'était humain de vouloir savoir. Lilith fut soulagée qu'il ne chasse pas en la maudissant, elle s'était préparée au pire, de toute façon. Maintenant, quoiqu'il advienne, plus rien n'avait d'importance que d'avouer ce qu'elle ressentait à Reiji, une bonne fois pour toutes, pour mettre les choses au clair. D'une voix presque embarrassée qu'elle ne prenait pas souvent, la brune lui répondit en évitant soigneusement le regard de l'interlocuteur.

«  Un gars du pensionnat. Je préfère préserver son identité, ça ne te servirait à pas grand-chose de savoir qui il est. Il ne m'a pas violée ou forcée, j'étais consentante, bien qu'à moitié dans les vapes. »

C'était bien de ça qu'elle avait le plus honte, de cette inconscience la plus totale qui l'avait poussée à coucher avec le premier type survenu d'on ne sait trop où. Elle ne connaissait pas Poussin si bien que ça, il y avait juste entre eux cet amitié étrange et malsaine, qui les faisaient se côtoyer pour les repas de midi ou bien pour se retrouver cloper après les cours. Plongée dans ses pensées, elle fut surprise de se retrouver à proximité de Reiji, bien trop proche pour qu'elle puisse esquisser le moindre mouvement, ses membres semblaient ankylosés. Incapable de bouger, elle se laissa faire sans broncher, ayant même le courage d'affronter son regard.

« Si tu es venu me le dire, ce n'est par hasard... Si ? »

Il avait presque chuchoté comme s'il savait d'ores et déjà ce que Lilith allait répondre à cela. Elle était, pour la deuxième fois de sa vie, perdue. La première, c'était quand elle dû enterrer sa mère adoptive. Ses repères avaient volés en éclats. Ressentant de nouveau ce sentiment d'être totalement dans le flou, elle mit un certain temps avant de répondre au jeune homme qui lui faisait face. L'effort de ne pas pleurer lui paru être le plus difficile de sa vie, mais elle avait mit un point d'honneur à ne pas flancher en le voyant. Pleurnicher devant lui était la dernière chose qu'elle voulait faire.

« Non. Je suis venue te le dire parce que tu es la personne la plus importante dans mon cœur et mon esprit et tu le sais. Même si tu me repousses, je ne t'oublierais pas. Je te l'ai déjà dit auparavant, mais j'ai envie de te connaître, de passer du temps avec toi. Jusqu'à ce que mes sentiments me permettent de te dire que je t'aime. Enfin, tout ceci n'a sans doute plus aucune importance pour toi, maintenant qu'il y a cette grossesse. »

Elle s'était abruptement tût, ses iris jades transperçant le regard fourvoyé de Reiji. Sa poitrine se serrait à lui en faire mal, ses ongles perçaient sa peau pour atteindre sa chair. La douleur était insoutenable, mais quelque part, elle se devait de la ressentir. Car ce n'était rien comparé à ce qu'elle faisait endurer à Reiji. Apprendre que la fille pour qui on a des sentiments est enceinte d'un autre devait être insupportable à accepter. Elle doutait même qu'il accepte. Après tout, rien ne les liaient vraiment, pour le moment. Elle fit un ultime effort pour reculer de quelques pas, haussant la voix pour la dernière fois, le fixant droit dans les yeux.

« Je vais élever ce bébé. Avec ou sans toi. »

Lilith aurait voulu tout recommencer du début. Sa rencontre avec Reiji, ses sentiments naissants, ce qui s'était déroulé pendant ce court laps de temps avec lui. Elle aurait voulu lui dire mille fois « je t'aime », pour lui prouver qu'elle tenait à lui plus que n'importe qui d'autre. Mais maintenant, c'était trop tard, bien trop tard pour trouver une solution au problème qui s'était imposé brutalement dans la vie de la jeune femme. Les larmes lui montaient aux yeux, elle se forçait à ne pas pleurer, quitte à perdre son souffle. Pleurer n'allait pas changer le cours de sa vie, pleurer n'allait pas recoller les morceaux entre eux. Elle allait assumer ses actes et vivre avec. Même si Reiji se mettait à hausser le ton par rapport au père de cet enfant non-désiré. Même s'il lui tournait le dos, préférant apparemment reprendre son calme en observant dehors. Si Lith pouvait réduite la distance entre eux.. Si seulement elle le pouvait. Mais son corps ne daignait pas bouger d'un millimètre ; par conséquent le fossé se creusait encore un peu plus profondément. Même si ses mots n'étaient pas empreints de colère, même s'il semblait ne pas lui en vouloir, elle, elle s'en voulait désespérément. Il fallait croire que Lith était née sous une mauvaise étoile. Tendant les doigts vers Reiji, elle se ravisa finalement, ravalant ses larmes et son désespoir. Si Reira était là, elle lui dirait de se montrer forte. Toujours plus forte. Haussant le ton clairement sans hoqueter ou montrer un quelconque signe de faiblesse, elle fixait le dos de Reiji.

« Je ne te force à rien, Reiji. Je ne veux pas que tu te sentes responsable ou quoique ce soit. J'ai fauté et j'en assumerais les conséquences, entièrement. Tu as encore toute la vie devant toi & de toute manière nous n'avons jamais été officiellement déclaré comme étant un « couple ». D'ailleurs je ne connais toujours pas la réelle nature de tes sentiments à mon égard. Trop de choses nous éloignent, allant bien au-delà de ton statut social ou les années qui nous séparent. On se connaît à peine, c'est vrai. J'étais dans le déni, tout ce temps, croyant naïvement que .. qu'on.. pourrait être un couple comme les autres. Mais maintenant que j'ai ce bébé grandissant dans mon ventre, peut-on vraiment agir normalement ? Peu importe tes mots, peu importe combien il me réconforte, je sais pertinemment que cet enfant met une certaine distance entre nous... Parce qu'il est d'un autre. »

Ne craque pas. Elle se répétait des centaines de milliers de fois cette phrase dans sa tête, allant jusqu'à serrer les poings contre son corps. Elle ne savait pas si c'était les hormones ou quoi, mais quelque chose était sur le point d'éclater dans sa poitrine. Tout ces sentiments depuis trop longtemps refoulés étaient en train de refaire surface. Pourquoi n'arrivait-elle pas simplement à se rapprocher de lui ? Elle était toujours la même qu'il y a cinq ans, cette détestable personne dans l'incapacité d'être honnête...

C'est court mais j'ai mis les sentiments de Lith dedans ! D'ailleurs je me sens vraiment salope de faire subir ça à ton perso..

Il avait entièrement raison, sur toute la ligne, peu importe avec quel point de vue Lilith regardait la scène actuelle. La tournure prenait un sens qui ne convenait pas non plus à la brune. Ce pur moment d'égarement fut vite dispersé ailleurs quand elle se rappela – non sans fierté – qu'elle était encore la Reine des Amazons. Son statut ne lui permettait pas d'adopter ce genre d'attitude niaise, qui frisait le ridicule. Merde quoi, elle était la Queen, l'autorité suprême chez les violentes ! Rien à foutre des sentiments ! Au diable ces émotions qui la rendait trop émotive et aussi cruche qu'une jeune Mermaid en quête du prince charmant. Lilith Natsume n'avait jamais eu de chance en amour, sa naissance avait été bercée par le sang et la violence gratuite, alors pas question de renier ses origines une seule seconde de plus pour un homme, même si celui-ci faisait battre son cœur autrefois gelé. Reprenant son habituel posture la poitrine bombée, elle le fixait droit dans les yeux, un mince sourire flottant sur son visage à la peau hâlée.

« Ça veut dire que je dois rencontrer ta mère ? » répliqua t-elle en reprenant un ton un peu plus taquin.

La Queen reprenait ses vieilles habitudes d'antan. Les films à l'eau de rose convenait peut-être aux romantiques chevronnés, mais Lith était tout sauf romantique. Elle s'approcha doucement, esquissant quelques pas silencieux, sa chevelure détachée suivant le moindre de ses mouvements. Malgré la grossesse, malgré le teint nauséeux, la Reine restait impressionnante aux yeux des autres. Dotée d'une certaine « prestance » elle dégageait cette aura mystérieuse et qui imposait une certaine forme de respect, parfois même chez les adultes. Mais elle ne s'en vantait que rarement, préférant rester humble envers elle-même et ne pas se monter la tête à cause de sa position au sein de Sei. Reiji glissait les mains dans ses poches. Depuis le début, il semblait cacher quelque chose. Et Lilith avait eu vent de certaines rumeurs étranges comme quoi il aurait été impliqué dans une bagarre de rue.

« Ta colère est justifié. Tu sais bien que si je pouvais recommencer, jamais je ne referais cette connerie. » avoua t-elle à demi-mot.

Elle était désormais à quelques centimètres de lui, toujours son regard plongé dans le sien. Il était certes plus grand, mais Lith s'en fichait éperdument. Bon dieu qu'elle pouvait apprécier ce sourire sur ses lippes. Elle aurait été capable de tuer quelqu'un juste pour le voir. Comme absorbée par son visage aux traits fatigués, elle ne bougeait pas d'un millimètre.

« Reiji... Que s'est-il passé ces dernières semaines ? Je ne t'ai plus vu au bahut et on m'a dit que t'as été impliqué dans une sale histoire. Je ne te cache rien, j'apprécierais que tu fasses de même, quand même. »

Le ton était donné. Si Lith dévoilait tout ses secrets, lui devait faire pareil. Sinon, un problème – en plus de la grossesse – se posait. Tout en restant immobile comme une statut, elle pensa clairement qu'elle tuerait aussi pour fumer une petite cigarette.. juste une latte.

C'est vrai, Reiji avait rencontré le paternel de Lith il n'y pas si longtemps. Mais par un concours de circonstances et la rencontre ne s'était pas réellement bien passée, pour être franc. En y repensant, la jeune femme se disait qu'elle devait aussi mettre son vieux au courant pour la grossesse inopinée. Mais elle hésitait, parce qu'il allait sûrement demander qui était le père de ce bébé et Lith ne voulait pas créer d'ennuis à Flippy, loin de là. Repoussant une mèche derrière son oreille, elle écoutait le récit des péripéties du sous-directeur sans en perdre une miette et sans oser l'interrompre.

« En fait ça fait qu'un ou deux jour que je peux me lever ... C'est Sano qui passait pour me donner un coup de main. Je suis désolé de pas t'avoir appelée, je voulais pas t'inquiéter. Et j'ai bien fait, t'as ton lot de soucis en ce moment. »

Elle tilta uniquement sur le nom de Sano. Elle avait entendu ce nom quelque part, pour sûr. Qui était-il pour être aussi proche de lui ? Fronçant légèrement les sourcils par instinct, elle jalousait secrètement ce dénommé Sano de s'occuper de Reiji pendant sa convalescence. Mais l'heure n'était pas aux crises de jalousies puériles et elle avait clairement d'autres chats à fouetter. Alors comme ça, les rumeurs étaient bel et bien fondées, le sous-directeur s'était battu et complètement fait dominer. Elle comprenait parfaitement le sentiment de frustration de Reiji. A Lith aussi, il lui était arrivé plus d'une fois de perdre un combat et de rester des jours avec cette impression d'avoir pris un coup dans sa fierté personnelle. Mais il ne se faisait aucun doute que le trentenaire allait prendre sa vengeance contre ceux qui l'avait tabassé. Souriant doucement, elle s'approcha encore un peu, jusqu'à ce que ses phalanges parviennent à la joue de Reiji. Lith avait envie de le toucher, de lui parler, de tout simplement être à ses côtés.

« Je savais que quelque chose était arrivé. Mais au moins tu n'es pas à l'agonie, je me sens rassurée. »

Relâchant ses doigts de la joue, elle soupira lentement, toujours en souriant. Elle s'était inquiétée, c'est vrai, mais Reiji n'était pas né de la dernière pluie et ce n'était pas ces petits voyous des ruelles qui allait envoyer un type comme lui dans le coma. D'ailleurs, dès qu'elle aurait accouché, Lith comptait retrouver ces petits cons et leur fait comprendre qu'on ne s'attaquait pas à celui pour qui elle avait des sentiments impunément. En attendant, elle avait quelque chose à faire d'important avec Reiji. Il devait rencontrer sa mère. Enfin, sa mère adoptive. Sa poitrine se serra un peu, mais pour Lith, c'était indéniablement important.

« Est-ce que tu te sens capable de marcher un peu dehors ? Il y a quelqu'un que j'aimerais te présenter. Si tu ne peux pas, je repasserais dans la semaine. »

Même si ça faisait mal, même si son cœur se serrait rien qu'à l'idée d'y aller, même si les larmes allaient lui monter aux yeux dès qu'elle serait devant sa tombe, il fallait le faire. Lith avait enfin trouvé quelqu'un à aimer, Reira devait le savoir, peu importe où elle se trouvait actuellement. Désormais sur le pas de la porte, elle attendait. Même s'il ne venait pas aujourd'hui, elle savait qu'elle pourrait revenir chez lui. Et ça lui remontait vraiment le moral.

C'est fait. Réponds pas trop vite, laissez-moi du répit. ;;