Les gouttes de pluie tombaient par milliers sur le petit jardin anglais. Les rires d'un enfant faisaient s'envoler le calme qui régnait jusqu'ici dans les herbes mal coupées du carré vert. Une porte claqua. Une petite fille, aux environ des six ans, s'extasia, sous son parapluie grenouille, de l'immensité du ciel gris. Dans ses bottes à grenouilles elles aussi, la petite fille commença à courir et sauta à pied joins dans une flaque. Son rire enfantin contrastait tellement avec le clapotement de l'eau qu'on eut cru rêver. Cette petite humaine semblait heureuse, allez savoir pourquoi.

Maya!

On l'appela. Coupée dans son élan, pour un deuxième saut nautique, elle se retourna, hésitante. La tristesse se lisait sur son visage blanc aux yeux bleus. Traînant des pieds dans la boue, la petite file rentra dans la maison. La porte claqua.


Le Samedi de cette semaine de Septembre s'écoulait lentement et l'après-midi s'entamait déjà. Dehors, la pluie battait finement, comme de la bruine. Le moral de Maya n'était déjà pas très haut, mais quand elle s'était aperçu que ce jour-là, précisément, il allait pleuvoir, sa mauvaise humeur n'avait fait qu'empirer. Le ciel gris teintait les murs de l'académie de tons mornes et gris.
Soupirant, Maya rangea son cellulaire dans la poche de son imperméable. La veille, elle avait donné rendez-vous à sa petite fleur Ran dans le parc, en étant quasiment sûre que l'assez beau temps viendrait avec elles. Mais non. Et maintenant, munies de bottes de pluie et d'un imperméable écrus tout deux et sous un parapluie transparent, elle attendait sa petite sœur de cœur - bien qu'elle fut plus grande qu'elle en âge -, en regardant les gouttes tomber une à une sur son parapluie.
En faisant tourner ce dernier pour évacuer et faire valser l'eau, la jeune Amazon se dirigea sur le côté du chemin de terre désormais boueux pour attendre la petite blonde. Elle pensa alors à son passé, en Angleterre, lorsqu'elle avait environ cinq ans. Elle n'était resté la-bas que quelques temps et pourtant, elle se souvenait très bien de l'ambiance morbide qui l'avait suivie tout au long de son voyage anglais. Elle frissonna. Elle avait vraiment détesté sa jeunesse, elle n'en était que trop sûre.
Soupirant une nouvelle fois, la nouvelle recrue en vert revint dans le présent en pensant à Ran. Son esprit dériva sur Kiyo, sans qu'elle ne s'en rende compte. Elle fut heureuse que le temps avait été si clément et si chaud le jour de leur sortie. Leur première sortie. Le souvenir de ce jour la chamboula et elle rougit, seule dans la pluie. Son esprit changea alors de sujet. Ou plutôt se stoppa.

MAYA ▬ Ran!

Quelques fils dorés avaient retenus son attention, du coin de l'oeil. Malgré l'immensité du parc, Ran l'avait rejoint et malgré la luminosité réduite, ses cheveux resplendissait encore et grâce à ça, Maya avait pu l'apercevoir.
Affichant un sourire sincère, elle se dirigea rapidement, sans courir pour autant car comme nous le savons tous la maladresse de Maya est particulièrement élevée, vers sa petite fleur blonde. Un bouton d'Or. Arrivant à son niveau, elle ne put s'empêcher de faire monter son sourire jusqu'à ses oreilles et elle l'enlaça.

MAYA ▬ Ran, tu es là! J'avais tellement envie de te voir ~ Le temps n'est pas avec nous aujourd'hui on dirait...

My dear bee

Se séparant de la petite blonde, Maya sourit. Malgré la pluie, elle sentait sa journée s'éclaircir et s'égayer. Sa petite soeur de coeur, bien que plus âgée qu'elle rendait sa journée bien plus belle qu'elle n'avait commencé.
En l'écoutant parler de l'être de son coeur, Maya ne put s'empêcher de se retenir de rire. Bien sûr, elle connaissait Keel. C'était même un bon ami à elle! Rencontré dans un petit restaurant de ramen, concours mis-à-part, ils avaient tissé un lien pas si quelconque que ça: Ils étaient désormais partenaires de bouffe. Et oui.

MAYA ▬ Je suis sûre que Keel dit vrai. Il t'aime, je le sais, je le sens. Je le sais parce qu'il me l'a dit.

Pourquoi ne pas lui dire qu'ils se connaissait, après tout? Ils étaient désormais proches tous les trois. Quelle coïncidence, en fait!

En voyant le regard amoureux de Ran, Maya se rapella alors que son coeur aussi battait pour quelqu'un. Et elle était loin de se douter que cette personne, soit Kiyosawa, était celui que Ran haïssait le plus au monde. Très loin. Mais elle avait quelque chose à lui dire, avant.

MAYA ▬ J'ai aussi un petit truc à t'annoncer, Ran-chii.

Abritant la tête aux cheveux d'or avec son parapluie, elle continua:

MAYA ▬ Je suis une Amazon, à partir de maintenant. Mais nous ne sommes pas des ennemis pour autant, n'est-ce pas?

Il est vrai que les Amazons et les Mermaids n'étaient pas de très bonnes relations, mais l'amitié avec Ran s'était déjà créée bien avant leur entrée dans leur clan respectif. Et c'était tant mieux.

MAYA ▬ Il n'y a pas longtemps, j'ai rencontré Lilith, puis Hayden. Je ne sais pas si tu les connais, mais je n'aurais jamais autant de chance que ces fois là. Le Ciel était avec moi, il faut croire!

Soupirant, elle allait enfin lui avouer ce qui faisait battre son coeur si douloureusement. Maya savait que ça faisait tellement du bien d'aimer la personne que l'on chérissait, que ça finissait pas faire mal, un mal qui se traduisait par une anxiété constante de ne pas être à la hauteur, de la perdre à chaque instant. Car on l'aimait. On l'aimait.
Hésitante, elle ouvrit la bouche sans laisser sortir le moindre son. Elle la referma brusquement, puis la rouvrit.

MAYA ▬ Et... En parlant de Keel, il y a quelque chose que je dois t'annoncer, aussi.

Elle baissa le visage, rouge.

Pretty dark world

Ouf. Ran, malgré son rang de Mermaid se fichait bien du conflit qui se livrait entre tous. Maya se vit rassurée. Bien que, pour elle, cette guerre n'était pas rien, elle considérait les gens par leur personnalité, leur histoire. Non pas par leur rang. Parce que Maya savait qu'il y avait toujours des exceptions. Comme elle.

Ses yeux percevaient le bout de ses bottes à travers le rideau de pluie s'écrasant lourdement sur le sol terreux. De la boue se formait petit à petit sur la semelle épaisse en caoutchouc. Rouge, la tête baissé, elle bougea ses pieds pour faire en sorte d'enlever cette masse brune.

MAYA ▬ Oui.

Un couinement. Ce n'était pas qu'elle avait honte de l'avouer, mais c'était très gênant. Et puis, Ran était la première à le savoir. Elle ne l'avait dit à personne d'autre, Ran était la personne en qui elle avait le plus confiance. Et elle lui avait dit aussi, ce qu'elle ressentait. Elle faisait la même chose, après tout. Elle inspira par la bouche toute l'air qu'elle pouvait prendre en elle.

MAYA ▬ Oui, répéta-t-elle.

Elle pense à lui, à Kiyo.
La première fois qu'ils s'étaient vu. C'était il y a longtemps déjà, et pourtant, il lui semblait que cela ne faisait que quelques jours. L'amour qu'elle portait pour lui la perdait. Elle avait énormément peur, comme tout le monde. Elle était surtout effrayée par le fait qu'elle pouvait le perdre, comme elle avait perdu ses parents. Et surtout qu'il parte sans raison, comme presque tout le monde à ce jour. Jusqu'à maintenant, personne ne l'avait aimé comme il avait prétendu le faire, au zoo. Elle était tentée de le croire. C'était la première fois, après tout.

MAYA ▬ Il s'appelle Kiyosawa, confia-t-elle après une bonne minute de silence.

Elle jeta un coup d’œil à la blonde, mais elle se ravisa en sentant ses joues devenir plus rouges qu'elles ne l'étaient auparavant.

Despair

La question de Ran sonna étrangement aux oreilles de l'Amazon. Le cœur d'un coup très lourd, elle porta un regard vibrant à son amie.

MAYA ▬ Oui. C'est bien lui.

Les yeux de Ran faisaient transparaître quelque chose que Maya aurait préféré ne pas voir. Pourtant, elle surprit ce mélange de désarroi, de tristesse, de colère - fureur, même - et de bouleversement. Le sang de Maya se glaça et la pensée que Ran connaissait Kiyo en mal lui coupa le souffle. Le ventre prit dans un étau, elle commença à trembler. Les yeux de Ran la paralysait, c'était un regard dont elle n'arrivait pas à se détacher. Son esprit tournait à l'allure d'un TGV. Tout ce qu'elle pouvait supposer sur le fait de ce changement d'atmosphère - Kiyo la détestait-il, ou l'inverse? Avait-il fait du mal à sa petite fleur? - se perdait toujours dans les pensées raisonnables de son coeur - ... mais Kiyo ne ferait pas de mal à une mouche. Je lui fais confiance, ça ne peut pas être ça, n'est-ce pas?.

MAYA ▬ Ran, il y a un problème?

Elle avait terriblement peur. Elle ne savait que penser. Bien qu'elle agissait toujours au quart de tour habituellement, elle savait que cette fois, elle devait absolument savoir, réfléchir, demander avant de pouvoir faire ce qu'il fallait.

MAYA ▬ Ran. Qu'est-ce qui se passe avec Kiyo? Tu le connais?

This guy

J'ai peur pour toi, Maya.

Son cœur manqua un battement. Le froid s'empara de ses os, ses muscles. La phrase que venait de prononcer sa petite sœur de cœur la terrorisa. Ses yeux se firent grands et inquiets. Le corps fébrile de la petite blonde devant elle tremblait terriblement fort, sous le parapluie. Maya déglutit avec difficulté. Mon Dieu qu'elle avait peur.

MAYA ▬ Mais, je ne comprend pas...

Non, elle ne comprenait pas. Rien. Ce que disait Ran lui faisait absolument peur, car cela voudrait dire qu'elle ne connaissait pas tout de celui qu'elle aimait, mais quoi? En tout ça, quelque chose de pas beau, pour que Ran réagisse comme cela.
Les coins des lèvres de Maya s’affaissèrent en pensant à ça. Bon. Kiyo ne conaissait pas tout de son enfance non plus, mais cela ne devait pas être bien pire que ce qu'il ne lui avait pas dit. Ou alors, Maya se faisait simplement des illusions, Ran ne l'aimait juste pas. Mais haïr quelqu'un ne signifie pas trembler en pensant à cette personne.  

MAYA ▬ Ran, il t'a fait quelque chose?

Maya tremblait, elle aussi, à présent. Mais beaucoup moins que sa protégée. Elle inspira longuement et pas facilement car son cœur tambourinait comme un dératé dans sa poitrine. Elle empestait la peur, et le doute. A des kilomètres, c'était sûr.
Elle déprimait, sans doute non plus. Savoir d'un coup que l'être aimé cachait des choses était affreusement horrible, et... Et elle voulait savoir. Bon sang, Ran qu'y avait-il?

MAYA ▬ Ran. Dit-moi tout. Je... Je pourrais sans doute lui parler.

La prenant par les épaules, calant son parapluie sur sa propre épaule, elle entraîna Ran sous un arbre. Déjà, elles seraient au calme pour parler.

Talk

Sous l'arbre, la pluie avait cessé. Enfin, il ne pleuvait plus sur les deux filles car elles étaient abritées par les branches touffus du sapin.L e regard désemparé de la blonde apeurait Maya. Elle avait tellement froid, maintenant, que ses mains tremblaient. De peur, évidemment. Elle lâcha les frêles épaules de son amie pour ne pas lui montrer qu'elle était morte de trouille. Cela ne ferait qu’aggraver la situation. Elle déglutit, une fois de plus.

MAYA ▬ Ran, dit-moi, je te jure que je comprendrais...

Elle ne pouvait pas savoir Kiyo en train de faire du mal à quelqu'un, c'était tout bonnement impossible dans son esprit... Mais, lorsqu'elle entendit ce que Ran avait à lui dire, Maya resta muette, les yeux gris dans le vague, fixant pourtant le visage désormais pleurant de la petite. Laissant tomber son parapluie, Maya porta une main à son visage, se frappant le front.

MAYA ▬ Qu'est-ce qu'il a fait...

Son ton ne semblait pas triste. Elle paraissait plus ennuyée qu'autre chose. Mais au fond, dans son corps, c'était la tempête. Une éclair et un grondement se firent savoir dans le même instant, comme pour accompagner le désarroi de l'adolescente apprenant les malheureuses aventures de celui qu'elle aimait. L'orage était tout proche, comme la venue de sa colère. Elle n'y croyait pas. Ce n'était pas vrai! Mais Ran ne pouvait pas mentir. Ce n'était pas possible. Dilemme. Maya détestait ce genre de situation. Que faire? Que penser? Que croire, surtout? Elle ne savait plus. Son cerveau était un mollusque qui ne voulait plus vivre. Cette fois, sa deuxième main vint accompagné la première, sur son visage. Elle tenta d'inspirer, mais elle s'étrangla. Elle toussa, le poing devant la bouche. Ce moment d'inattention dit changer sa passivité en colère. Ça y était, cette fois, le tonnerre et la foudre tombèrent au moment où son cerveau la mettait en garde contre Kiyo. Elle allait lui parler. Lui dire que ce qu'il avait fait, ce n'était pas bien. Mais pour Ran, et elle le savait, il ne suffisait pas qui de lui parler. Non, dans ce genre de situation, il fallait que Kiyo parte loin, très loin, et que cette "Saya" redevienne comme avant... Mais, l'aimant toujours, Maya ne pouvait pas accepter, et dans ce cas là, l'adolescente ne pouvait rien pour son amie. Mais elle lui promit une chose.

MAYA ▬ J'irais lui parler. Il m'expliquera. Je te raconterai tout.

Pas de "Je suis désolée". Elle en était incapable. Son cœur et sa conscience n'était que deux êtres complètement séparés.

Start all over again

Tout était figé dans son cerveau, comme dans son coeur. Si ce que Ran disait était vrai, alors elle ne connaissait pas du tout Kiyo. Et elle en tremblait de trouille. Mais pourtant, son coeur arrêté la persuadait que c'était faux, qu'il devait y avoir une explication. Et elle était sur le point de courir, là-bas, elle ne savait pas où, pour l'extirper de son trou et lui dire deux-trois mots. Elle ne savait plus où elle en était, et son visage se décrispa pour laisser place, limite, à une tête d'ahurie. Non, franchement, ce n'était pas possible. Et pourtant...

MAYA ▬ C'est pas possible.

Elle murmura inaudiblement ces mots tandis que dans son corps, c'était la guerre entre la réalité dite par Ran et ce qu'elle en pensait. Ce qu'elle essayait de croire. Déjà qu'elle souffrait de l'aimer simplement, en ayant ses propres peur, de solitude et de trahison, mais voilà qu'en plus, elle était perdue entre les mots de sa sœur de cœur et les actes de son petit-ami. Elle aurait voulut tout casser, là.

Ran lui dit alors quelque chose de complètement insensé. Lui raconter sa rencontre avec lui, comme si Ran ne le connaissait pas. Hum. Maya rosit sous l'effet du souvenir. Oui, oui. Sa rencontre et son rendez-vous avec Kiyosawa ont été des plus étranges. Mais après tout, Maya n'aimait pas être comme les autres. Finalement, leur relation était peut-être plus sûre que celles de ces pauvres adolescents.

Elle allait lui raconter. Lui dire, évidemment. De toute façon, il n'y avait rien à cacher. Elle n'avait pas peur des regards d'autrui. Surtout ceux de son petit soleil à ses côtés. Et puis, comme elle le lui demandait, elle ne pouvait pas refuser. Elle opina du chef, alors.

MAYA ▬ Ouai. Hum, bon. Soit pas étonnée, hein.

Elle commença son récit, pas très sûre d'elle, malgré sa totale confiance en Ran. Elle se triturait les doigts, en commençant par débiter sa rencontre avec le rouge. Les jardins de Sei, Maya voyant Kiyo, sa ressemblance avec un panda. Et leur discussion. Jusque là, rien n'avait chamboulé le coeur de la petite rouge de l'époque. Enfin, c'est ce qu'elle croyait. Jusqu'à la semaine suivant cet événement. Sans savoir pourquoi, ni comment, Maya s'était découvert carrément accro à sa compagnie. Et c'est ainsi que le Samedi suivant, ils s'étaient retrouvé au zoo. Et ce jour-là, elle avait été attaquée. Et Kiyo l'avait sauvée. A partir de ce moment, Maya avait décidé d'une chose. Que son coeur n'appartenait qu'à lui, et à lui seul. Elle le lui avait dit, et il avait confirmé, lui aussi. Par un acte, pas par des mots. Et cela l'inquiétait toujours.


MAYA ▬ Hum. Bon, et ben voilà. C'est tout, je crois. Pour le moment.

Love is unpredictable

Maya se entait comme un navire en pleine tempête. Après lui avoir raconté tout ça, même si elle faisait on ne peut plus confiance à ce petit bout d'être blond, elle se sentait perdue, gelée, perturbée. Elle savait que Ran aurait trouvé ça étrange, et, bien qu'elle se fut préparé à se cas de figure, elle ne put s'empêcher de surprendre de la gêne dans son cœur. Elle frissonna mais se ressaisi. Dieu merci, Ran changeait de sujet. Lilith. Lilith, sa deuxième maman.

Maya avait rencontré Lilith presque totalement par hasard, puisque c'était la Duchesse des Vertes - avec qui elle avait noué un lien fort d'amitié - qui lui avait parlé de la prochaine petite nouvelle des Amazons. Un jour, alors que Maya, un peu paumée dan sa tête, se préparait pour sortir, Lilith avait débarqué sans crier gare et l'avait accaparé. D'après ce qu'elle avait donné à voir, Maya avait eu tout pour devenir l'un des leurs. Depuis ce temps-là, Maya était passée des Hecklers aux Amazons. A l'époque, elle avait carrément eu peur de ce changement, parce que cela impliquait beaucoup de nouvelles choses dans sa vie, comme son affrontement contre la gente masculine - contre qui elle n'avait absolument pas, ou presque, de dent. Mais, contradictoirement, grâce à ce nouveau poste, Maya pouvait désormais faire régner, comme elle le disait et souhaitait, ordre et le calme entre ces petits et stupides adolescents qui se battaient constamment. Peu de gens le savait, même peut-être Ran, mais Maya avait un côté sombre, presque cruel que personne ne pourrait soupçonner en la voyant comme ça. Même la Verte avait du mal à croire que quelque chose comme ça pouvait exister en elle. Pour reprendre les propos de son amie, Maya pensa qu'elle était tout de même un peu étrange.

Malgré son caractère, Lilith avait su prendre la petite brune sous son aile et l'aider à traverser son deuil et sa timidité. C'es comme ça qu'elle l'avait baptisé sa seconde mère.


MAYA ▬ Lilith est venue dans notre chambre une fois. Je l'ai rencontré par pur hasard, enfin je crois.

Et d'ailleurs, comment Ran la connaissait? Une Mermaid parlant d'une Amazon, on en voyait pas tous les jours.

MAYA ▬ Tu la connais bien?

Young Wild Girls

Il y avait quelque chose qui effrayait Maya dans ce monde. Dans son monde, plus précisément. Le monde de Sei. Qui aurait cru un jour, qu'au Japon, des atteints du cerveau aurait pu inventer cette misérable guerre qui pourrit la vie des jeunes gens qui sont venus passer leur cursus scolaire qui voulait seulement étudier? En arrivant ici, déroutée et à moitié en dépression, Maya, il y avait quelque années de cela déjà, avait été prise dans ce tourbillon d'enfer qu'était la guerre de Sei. Aveuglée par sa tristesse, finalement, elle avait prit part à ce combat en tant que Heckler tout d'abord - car il faut tout d'abord savoir que les Heckler sont à part entière inclus dans cette machinerie puisqu'ils sont en attente d'un nouveau rang ou alors seulement les petits lutins qui manigance sans jamais se faire découvrir - puis, toujours aussi perturbée, en tant qu'Amazon. Elle s'était habituée en même temps que tous ces changements à la vie de ces bâtiments et, à la fin, avait fait une croix sur son passé pour avancer, maintenant, ici. Mais il était trop tard et elle ne pouvait plus se sortir de ces murs. Amazon née, finalement, Maya avait le devoir - comme elle le disait et comme elle le croyait - de faire régner le calme et la tranquillité tout en cachant les magouilles des autres clans sous son masque de Verte.
Mais ce qui l'effrayait, donc, c'était surtout ça. Cette histoire de rangs, de clans. Vous croyiez peut-être qu'il s'agissait seulement de se ranger là, là où bon vous semblait parce que ci ou ça vous avait marqué et qu'il fallait vous venger? Oh non. Détrompez-vous. Se ranger implique un changement dans vos vies. Les liens sociales en sont affectés, sans que vous vous en rendiez compte. Et cela n’engendrait que de la peur chez la brunette. Elle qui était aussi aimante, fidèle à ses amies, elle voyait ses maudit liens se désintégrer par la malveillance de cette guerre stupide et aveugle. Elle avait peur, et sous le signe des Vertes, Maya se devait de garder cette peur pour elle, docile. Mais elle en avait assez, cette peur, elle la ressentait à chaque instant, et ce que venait de dire Ran la sortit de sa torpeur muette. Oh non. Que l'on soit Mermaid, Amazon, Heckler, tout ce que vous voulez, les liens affectifs et amicaux resteront des liens affectifs et amicaux.

MAYA ▬ Tu te trompes. Je suis sûre qu'elle sera ravie de nous accompagner.

Elle pensait ses mots. Cela la rendait folle de rage de voir à quel point ce système pouvait nuire aux personnes elles-même. Quelques fois, Maya aurait voulut s'enfuir, ne plus revenir, une bonne fois pour toute, entraînant sur son sillage Ran et tout ceux qu'elle aimait. Si tenté qu'il en reste.

MAYA ▬ Tu vois, c'est en pensant des choses comme ça qu'on devient esclave de la guerre qui se joue ici. Ne dis plus jamais ça, Ran.

Elle la prit dans ses bras, encore plus apeurée à l'idée que Ran ne puisse plus penser par elle-même.

Dreamer

La violence. La violence était la principale raison de faire penser à Maya que cette guerre n'était plus possible. Elle le savait, une société ne pouvait se bâtir que sur de bons termes. Pas sur de la violence. Un monde bâti sur une tel bêtise était inimaginable pour elle. Elle soupira. Penser à cela l'enrageait et son cœur était une vraie torture à porter dans ces cas-là.

Elle écouta Ran avec attention, toujours dans ses bras. Elle en resta muette. Elle se redressa, s'éloignant en même temps que sa camarade de leur étreinte et la fixa, éberluée. Les bras pendants sur les côtés de son corps et ne faisant plus abstraction de ce qui l'entourait, la lycéenne laissait ses yeux se vider de toute expression. Alors ça, elle aurait jamais cru. Cru que Ran ressentait exactement la même chose qu'elle, une chose dont elle venait tout juste de se rendre compte - grâce à Ran, justement - vis-à-vis de Sei. Cela était étrange car, bien qu'elle fussent habituée à cet endroit et ses coutumes, ses extravagantes les laissait... disons, seules. Aussi étranger que familier, ce domaine scolaire ne leur semblait pas... normal. Après tout, comme le disait Ran, pourquoi tout le monde se détestait-il autant? Pourquoi l'amour ne pouvait pas naître? Et la paix? Pourquoi? N'y avait-il qu'elle et Ran qui pensaient cela? Et comme l’espérait sa jolie petite fleur, y avait-il quelqu'un d'autre qui croyait en cette lueur d'espoir, quelque part dans cet endroit terrible?
Quelque chose s'ébranla dans son corps. Ses yeux reprirent leur éclat naturel et son regard dévia sur Ran.

MAYA ▬ Ran, tu viens juste de... décrire tout ce que je ressentais. Ce que je n'ai jamais su dire, ou penser ouvertement.

Elle frissonna. Ces pensées venaient tout juste de naître en elle, bien qu'au final, elle les avait toujours sentis, quelque part, tapis dans son esprit. Prêt à agir.

Et, comme pour encourager ses pensées à fleurir, la Rose tenta quelque chose qu'elle n'aurait jamais du révéler. Maintenant, Maya rêvait. Unir les filles. Oh oui, que ce serait plus que génial. Cette idée n'était jamais montée à son cerveau, mais... olalala. Oh mon dieu que oui, cette idée lui plaisait. Les sentiments de Maya étaient trop confus. Depuis le départ, elle se trompait. Vraiment, D'abord Heckler, la petite n'avait jamais vraiment chercher à se faire des ennemis. Puis en apprenant à vivre là, quelque chose avait vu le jour au côté de son âme. Cette... chose sombre dont elle ne pourrait nommer l'existence, cette seconde elle qui était là, à l'affût, toujours à l'affût, prête à surgir à chaque fois que... Et ses yeux à ce moments là prenaient une couleur si étrange, une couleur d'encre. Et son caractère aussi changeait. Violente, elle devenait violente. Cela l’écœura. Comment osait-elle?! Devenir si sombre, si méchante. Elle n'avait jamais voulu ça, au final. Pourquoi ce monde l'avait entraîné dans son tourbillon. Il lui sembla que Lilith, Hayden, Kyosawa - tous - lui avait menti, trompé sur ce qu'elle était vraiment. Aveugle elle avait été. Pourquoi? Pourquoi fallait-il qu'on lui ouvre les yeux? Elle n'en voulait pas à sa soeur de coeur, oh non loin de là, mais elle souffrait. Maya était devenu un monstre.

MAYA ▬ Oh mon Dieu. Je suis nulle. Ran, tu as réussi à rester à l'écart de tous ça. Pas moi.

Et même si Ran lui souriait, elle, ses larmes perlèrent au coin de ses yeux sans jamais les quitter. Sa voix s'était affaiblie à la fin de sa phrase. Maya, la vraie Maya, celle qui aimait ses parents, celle qui luttait, voulait à tout prix dominer le monstre qu'elle était devenue. Et gagner cette guerre. Par n'importe quel moyen.

Colors