Il ne se souvenait plus de la façon dont le conflit avait débuté. De toute façon, il n'en avait pas grand chose à faire, puisqu'au final, cela revenait au même. Plaqué contre le mur du couloir, il gardait le regard rivé au sol, incapable d'affronter ses agresseurs. Des types de son propre groupe.
_ Alors espèce de tapette, tu devrais éviter de faire le malin. murmura le plus massif des trois, qui l'avait soulevé par le col, comme s'il n'avait été qu'une simple feuille de papier ne pesant pas plus que quelques grammes.
Eren ne réagit pas, se contentant de garder le silence, son corps tendu comme un arc. Comme d'habitude, il avait peur. La honte, le malaise suintaient de tous ses pores. Qui était-il exactement ? Pourquoi avait-il l'impression de n'être plus qu'une ombre, incapable de se défendre, incapable même d'en formuler l'idée floue et confuse ? Certes, il était constamment épuisé, malade ; mais en cet instant, alors qu'un connard qu'il ne connaissait même pas lui hurlait des insultes au visage, alors qu'il était encerclé par des jeunes hommes bien plus imposants que lui, il avait l'impression d'être totalement détaché de la situation, sous drogue.
La douleur le ramena aussitôt dans le monde réel, suivi du goût métallique du sang qui se répandait dans sa bouche. Un coup dans la mâchoire, rien de bien spécial. Sauf qu'il s'était mordu la langue. Serrant les dents, il fit de son mieux pour rester impassible.
La violence cherche un public. Si tu ne réagis pas ils s'en lasseront. se força-t-il à penser de toutes ses forces. De toute façon, il ne réagissait jamais. C'était vain.
Mais bientôt, ils se mirent tous à le frapper en même temps, et il se retrouva par terre, en position fœtale. Il encaissait ; il devait encaisser. Quelques gémissements étouffés et plaintifs s'échappaient parfois d'entre ses lèvres, alors que tous l'air de ses poumons se retrouvait chassé d'un violent coup de pied.
_ Défends-toi pédé ! Défends-toi putain !
Il ferma les yeux, attendant que tout cela cesse. Une minute, deux minutes. Puis, soudainement, ils s'arrêtèrent et partirent, grognant deux ou trois jurons. La douleur allait passer, à coup sûr. Il rampa avec peine jusqu'au mur le plus près pour s'y adosser, respirant difficilement. Ça allait s'arranger. Il n'y croyait pas, mais tant pis.
_ Est-ce que tout va bien ?
Redressant légèrement la tête, Eren eut un mouvement de recul en apercevant... Une fille. Trop près. Il se sentit instantanément au bord de la crise de panique. Il fallait lui asséner une gifle par pur réflexe, mais il retint ses tremblements de son mieux, essuyant le sang qui avait coulé de son nez.
_ Nan, ça va pas.
Il avait répondu de façon extrêmement agressive, presque comme s'il lui disait qu'elle était la cause de son état lamentable. En revanche, si elle le regardait en faisant abstraction de ses paroles, il semblait évident qu'il était plus terrorisé et chamboulé qu'autre chose. Ses lèvres tremblaient légèrement, mais il ne s'en souciait pas. C'était normal.
_ Lâche-moi, maintenant.
Ça n'avait pas sonné comme un ordre, mais plutôt comme une plainte, une supplique désespérée. Parce qu'il se sentait au bord de la crise de nerfs, et la poigne d'une fille sur son épaule n'arrangeait rien. Mais surtout, il se demandait ce qu'elle lui voulait. Pourquoi elle semblait inquiète. Après ces premières impressions, elle allait probablement détaler comme un lapin, après l'avoir étiqueté cinglé de service, comme ils le faisaient tous.

Elle ne voulait pas le lâcher. Et lui, il allait mal, tellement mal. Il s'en serait sorti comme d'habitude, si cette fille n'avait pas été là. Mais elle lui accordait de l'attention. Elle était gentille. Il voulait éviter cette gentillesse, il voulait pouvoir être seul, tout lui faisait moins mal, il était moins à fleur de peau quand personne ne s'intéressait à lui. Mais là, il avait juste envie de pleurer. Elle insistait. Elle ne voulait pas le laisser, comme si c'était une évidence de lui apporter de l'aide. Alors qu'elle était la seule à l'avoir fait.
_ Je veux pas de ta pitié. murmura-t-il, s'évertuant à fixer un point dans le vide.
Il avait voulu paraître méchant, mais sa voix était faible et tremblante. Il se maudit intérieurement pour sa faiblesse, sa vulnérabilité. Il n'osait même pas la regarder dans les yeux. Il avait honte, il avait peur. Et elle continuait à le toucher alors qu'il détestait ça. Elle continuait à s'inquiéter.
Enfin, elle finit par lui lâcher l'épaule, le délivrant de son actuelle angoisse indicible aussi vite qu'elle l'avait fait naître. Il se sentit enfin respirer normalement. Parfois, il se demandait si sa peur panique du sexe féminin n'était pas devenu presque pathologique. Il avait l'impression d'en être complètement malade. Il crut qu'elle allait abandonner, se lever et s'en aller comme elle aurait dû l'avoir fait depuis longtemps. Il n'était jamais bon de traîner avec lui, de lui apporter de l'aide, de lui parler. Mais au lieu de tout cela, elle releva son visage, délicatement. Jamais on ne l'avait touché de cette façon, sans mauvaise intention, sans l'envie de blesser, de choquer, de perturber. Elle était gentille. Vraiment gentille. Et pour Eren, c'était troublant. Pour la première fois, il croisa son regard, sans esquisser un sourire, mais sans non plus sembler animé par la haine ou la rancœur. Dans sa tête, les mots se bousculaient, les questions, les regrets. Il ne savait pas quoi penser, et c'était sûrement visible, aussi évident que si ç'avait été écrit sur son front.
Il n'opposa aucune résistance alors qu'elle désinfectait lentement les plaies de son visage, essuyant le sang coagulé, laissant apparaître les hématomes. Ce n'était pas les premiers, et ce ne serait pas les derniers. La douleur refit peu à peu surface, sous la forme d'une peine sourde et presque floue, cette fois-ci. Il se mordit la lèvre, un peu trop fort, sans s'en rendre compte, prêt à dire quelque chose, à prononcer quelques mots, à formuler une question. Qui ne vint pas.
Il resta silencieux. Plusieurs dizaines de secondes, peut-être plus. Sans cesser de la dévisager, pas spécialement confiant, mais avec une sincérité presque enfantine. Comme si la gêne n'était pas de mise : juste la curiosité et l'incompréhension.
Puis finalement, les mots vinrent d'eux-mêmes, naturellement.
_ Si je garde la tête droite, ils me frappent.
Il aurait pu trouver mieux. Mais rien n'était venu.
_ Qu'est-ce que tu veux ? De l'argent, du sexe ? continua-t-il sur un ton méfiant tout à coup, et pourtant comme s'il lui racontait quelque chose de tout-à-fait banal.
Il lui était totalement impossible de s'imaginer que des gens pouvaient venir en aide à d'autres, sans rien convoiter en échange. Les humains sont profiteurs, vicieux, et sa vision du monde n'avait rien de plus optimiste. Et il avait l'habitude que l'on profite de lui.

HRP : pardon c'est court et nul, je suis épuisé. x_x

Il avait tellement envie de lui crier dessus, de lui dire de s’en aller et de le laisser tranquille. Parce qu’il ne voulait pas croire à sa gentillesse, parce qu’il avait honte, parce qu’il considérait qu’il n’avait besoin de l’aide ou de la pitié de personne. Il n’avait pas peur des coups, mais il avait peur des autres. Surtout des gens comme elle. Il ne voulait pas avoir à se questionner sur la signification de son gentil sourire, ou du regard qu’elle posait sur sa personne.
_ Mais je n'ai pas pitié de toi. Je suis juste là pour t'aider, ceci est mon rôle.
Il n’osa pas la regarder, se contentant de se mordre la lèvre inférieure, passant une main dans ses cheveux encore plus désordonnés qu’à l’ordinaire. Ce n’était le rôle de personne, de le défendre contre les autres, qui voyaient probablement les bastons – enfin, c’était tout sauf une baston, puisqu’il ne se défendait pas – comme une activité passe-temps ou défouloir. Et surtout pas son rôle à elle.
Selon lui, toutes les femmes étaient les mêmes. Manipulatrices, sournoises, violentes, mais pas forcément à l’aide de leurs poings. Venimeuses, telles des serpents qui attendraient que leur proie endorme sa vigilance avant de lui sauter dessus. Et celle-là ne sortait pas du lot, à coup sûr. Parce qu’au final, elle finirait elle aussi par se rire de lui. Ou pire. Il fixait le sol, jouant nerveusement avec ses mains, pendant qu’elle lui essuyait le visage. Il n’avait pas besoin de voir la tête qu’elle faisait pour savoir que ce n’était pas vraiment beau à voir. Il devait avoir un hématome par ci par là, une ou deux plaies au coin des lèvres, peut-être qu’elles était enflées, aussi.
_ Je ne savais pas que les Bleus se frappaient entre eux.
Bon et bien bienvenue dans l’univers d’Eren Iteki, victime aux yeux de tout le monde à Sei Gakuen. Il soupira. Non pas que les Bastards étaient des enfoirés – il ne le pensait pas. En fait, il ne faisait pas partie de ce groupe pour rien. Norio l’avait pris sous son aile, puisque soi-disant il était un potentiel à exploiter. Sans les bleus, il ne serait rien, et il leur était réellement reconnaissant. Mais c’était comme ça, il se faisait frapper parfois, et c’était sa façon à lui d’exister, dans un sens. Ils le connaissaient comme étant le mec à aller frapper si t’as besoin d’un punching ball, à l’occasion, pour la plupart. Il n’avait jamais vraiment pensé à faire quelque chose contre ça : son estime de lui-même se trouvait tellement basse qu’il n’avait même pas pensé à s’affirmer.
Il avait développé cette psychologie, cette état d’esprit qu’adoptent certaines personnes après avoir été harcelées longtemps : il était le problème dans l’histoire, et il méritait ce qui lui arrivait, il n’avait donc aucune raison de les détester, et toutes les raisons de se détester.
Il avait quand même daigné à la fille en face de lui. Juste pour pointer du doigt la réalité, sans accusation. ils me frappent. Elle avait légèrement incliné la tête, l’air pensive, avant de répondre qu’ils finiraient tous par se lasser, s’il gardait la tête haute. Il s’apprêta presque à la rembarrer, à lui dire méchamment qu’il l’avait assez entendue, et que ses leçons de morale ne l’intéressaient pas.  Eren n’était pas du genre sympa, il était du genre à empêcher sciemment la plupart des gens de s’approcher de lui, s’isolant volontairement, alors que c’était tout sauf une solution. Sauf qu’elle lui prit la main. Sa bouche resta ouverte sur le silence, les mots se bloquant dans sa gorge. Ces contacts le faisaient bien trop réagir, lui déplaisaient, l’effarouchaient. Sauf qu’il sentit la chaleur d’une autre personne, et il devait sûrement en manquer terriblement, car il la laissa faire.
_ Mais si tu veux que cela cesse vraiment, et rapidement, défend-toi. Elle serra la main et en fit un poing, fort. Bats-toi. Cela ne te coûtera rien, ici. Puis elle lui servit un sourire, mais cette fois-ci, dénué d’inquiétude ou de gentillesse, juste un faux sourire sans joie, marqué par l’amertume. Celui-ci lui parut bien plus vrai que n’importe lesquels qu’elle avait pu lui montrer auparavant. Je n'en ai peut-être pas l'air, mais j'ai été comme toi, une fois. Non, je ne veux pas de ton argent, ni rien d'autre venant de toi. Ou, peut-être, que tu ne sois plus si faible.
Il ravala les larmes qui commençaient à lui brouiller la vue. Il était pas du genre à pleurer, il détestait ça, mais ses propos l’atteignaient en plein cœur. Juste parce qu’elle avait l’air sincère, ou peut-être simplement parce qu’il avait besoin, depuis longtemps déjà, de quelqu’un qui ferait ce qu’elle venait de faire pour lui. A savoir, tout simplement venir lui parler, passer un coton sur son visage, le regarder comme un humain sur le même pied d’égalité, et pas comme un faible. Il se mordit la lèvre.

_ Je sais que c'est dur de trouver quelqu'un à qui parler, surtout dans cette Ecole, mais maintenant que je t'ai trouvé, tu peux savoir qu'il y a enfin quelqu'un vers qui tu peux te tourner sans en avoir peur. Je suis Maya, et la Duchesse des Amazons. Et toi ?
Pour la première fois, il força un sourire, se redressant légèrement. Il avait mal aux côtes, mais ça irait. Lâchant un soupir, il posa enfin son regard dans celui de la dénommée Maya.
_ Mon nom c’est Eren.
Et c’était tout. Le silence succéda à ses mots, mais il n’avait jamais eu peur de celui-ci. Lentement, il passa une main sur sa lèvre meurtrie, puis sur la ligne de sa machoire.

_ La tête que tu as fait avait rien de rassurant, c’est si moche que ça ? demanda-t-il doucement avec  tout le sérieux du monde, sans paraitre vraiment très concerné par ce qu’il racontait. Comme s’il n’en avait pas grand-chose à faire, au final.
Il grimaça à la douleur floue qui se fit ressentir lorsqu’il appuya légèrement sur un bleu, soupirant à nouveau. Il avait daigné lui répondre, parce qu’elle l’avait intrigué. Il ne s’intéressait pas aux phrases de gentillesse, à tout ce qu’elle pouvait lui dire pour le convaincre qu’elle était du genre honnête et sympathique. En revanche, elle avait prononcé quelques mots qui  avaient tout changé, l’air de rien. J'ai été comme toi. Quatre mots, et c’était tout. Mais ça suffisait. Il la fixa d’un air pensif, sans cligner des yeux, l’air profondément torturé par des émotions contradictoires. Mais ça, c’était juste son expression habituelle. Il ne savait pas trop comment s’exprimer. Il pouvait se montrer affreusement ironique, ou juste méchant, comme il savait si bien le faire.
_ T’as été comme moi ? Du style petit et insignifiant ?
Il avait voulu rajouter une couche de sarcasme, mais à la place, il avait juste eu l’air gagné par la curiosité. Oh non, tout mais pas ça. Une seconde plus tard, il avait à nouveau revêtu son masque impassible, même si son regard en disait long, comme à chaque fois. C’était pas pour rien qu’il portait des lentilles ; mais ça ne faisait que limiter les dégâts.

HRP - OMG ENFIIIN. pardon j'ai été extrêmement lent. eren est jamais très bavard mais j'espère que c'est assez. ;-;