« C'est à toi ? » Avait-elle dit, de sa voix douce et essoufflée. Dans la nuit coulante, elle faisait tâche avec son chapeau de paille et ses sandales ouvertes. Dans la froide atmosphère du temps et des murmures du vent, il y avait un cœur scintillant de chaleur au milieu de ce paysage glacé.

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Les transports en commun. Quelque chose qu'elle n'aurait jamais pu se permettre, si elle était restée terrée dans son pauvre abri de carton. Dans sa légère robe blanche, elle se sentait libre et voltigeait avec le temps. Mio s'était apprêtée de pureté, dans ses nœuds de tissus attachant ses cheveux et ses souliers neufs. Cette immense richesse contrastait étrangement à sa peau pâle et usée. Au coin des lèvres, une blessure encore ouverte de quelques jours. Sur ses fins bras, des hématomes reconnaissables à une main grande et puissante. D'autres bleus se pavanaient sur le reste de son corps mince, parfois à peine visible dans l'obscurité.

Derrière la fenêtre, les images défilaient comme un film. Un film de la réalité. Les passants pressés. Les couples heureux. Les enfants libres. Mio aurait aimé que le temps s'arrête, pour qu'il ne reste plus que des statues de chair, pour effacer l'éphémère. Mais les images défilaient, sans s'arrêter, et bientôt tous les sourires qu'elle avait rencontrait s'envolent. A chaque arrêt, la rouge reprend son souffle. Et dans la secousse du monstre de fer, un objet l'arrêta dans sa respiration. Il gisait auprès de sa sandale. Dans un mouvement rapide, elle saisit ce qui semblait être une carte de bus.

Kō Sloan こ すlおあ、
Bus Pass – Otaru おたる

Mio releva les yeux. Ces derniers, avaient beau faire le tour des visages, aucun ne correspondait à la photographie. Ils cherchaient toujours, jusqu'à ce que l'objet de cette recherche acharnée quitte le bus. Elle ne pouvait pas le laisser partir sans cette carte, qui sera perdue et séparée à jamais de son propriétaire. Elle était heureuse d'organiser ces retrouvailles émouvantes. Ses jambes se déplient et s'élancent, alors que le bus avait recommencé sa course. Le choc du départ renversa l'équilibre de la demoiselle, mais pas sa détermination. Mio se releva. Mio se relève toujours. Son bras claqua contre la vitre du conducteur. « Arrêtez le bus ! » Dans la panique, il s’exécuta, et le choc fit à nouveau faillir son équilibre. Quand les portes automatiques s'ouvrirent, elle dévala les deux marches. Un dernier coup d'oeil sur la photographie, confirma ce que ses yeux lui murmuraient. Le garçon en question se tenait à quelques mètres d'elle, essoufflé par la course. Mio ne tarda pas à s'en approcher.

« C'est à toi ? » Avait-elle dit, de sa voix douce et essoufflée par l'effort. Dans la nuit coulante, elle faisait tâche avec son chapeau de paille et ses sandales ouvertes. Dans la froide atmosphère du temps et des murmures du vent, il y avait un cœur scintillant de chaleur au milieu de ce paysage glacé.

C'est un silence pesant qui s'installait entre lui et elle. En harmoni avec le calme de l'environnement, déchiré par le vrombissement du moteur. Celui du bus et de leurs cœurs. Car ils étaient restés là, sans se dire un mot. Mio, ses yeux miroirs, n'avaient pas dévié leur trajectoire. Alors que le regard de l'inconnu, lui, vacillait, et fuyait la douceur de sa sauveuse. Il articulait ces mots incompréhensibles, mêlés à l’essoufflement. « C'est...J..mer...ci... Je... » Sa voix atteignait à peine Mio, emportée par le vent. L'ébauche d'un sourire s'esquissait sur son visage. Un sourire meurtrie, élargissant la blessure au coin de ses lèvres. Sourire lui était douloureux. La regarder faisait mal.

Pourtant ça ne l'arrêtait pas. Rien ne l'arrêtait. Pas même un bus à l'allure fière. Mio remuait ciel et terre pour des petites choses insignifiantes pour le reste du monde. Certains jurent sur elle, elle qui empruntait de leur précieux temps pour des retrouvailles futiles. Ils jurent sur cette générosité égoïste. Bientôt, le bus repartira sans elle et la vie de ses occupants reprendra son cours. Ce vague souvenir s’effacera au fil du temps.

Il pouvait dés à présent voir son sourire et ses lèvres roses. Sur un ton calme, il avait récupéré son bien des mains de Mio. « Oui c'est à moi. » Le silence. Les voix manquaient. Elle n'avait rien d'autre à dire que son sourire. Les lèvres entrouvertes du garçon, dont aucun son ne daignait sortir, rendait ce silence de plus en plus lourd, sur leurs faibles et chétives épaules.

Le conducteur impatient sortit de son véhicule pour interpeller sa passagère descendue du transport. « Mademoiselle, vous remontez ? J'ai des horaires à respecter. » Heureusement, les vitres teintées du bus ne permettaient pas à Mio d'apercevoir la dizaine de visages impatients et de regard accusateur sur la source de leurs problèmes actuels. La rouge se tourne d'un mouvement doux mais vif vers sont interlocuteur. « Oui ! » Et s'élançant, elle s'apprêtait à remettre de l'ordre, à rejoindre sa place de passagère.