Vue imprenable, magnifique et que de grandeur. Le toit, lieu idéal pour repérer chaque proie. Cibler chaque personne et ne rien craindre. Ainsi perché en hauteur, sur la place la plus élevée, la plus puissante, ainsi debout droit et fier, sourire condescendant et pose altière, chevelure dorée et fine cascadant en mèches lisses, Sato regardait de haut Sei. Comment ne pas se sentir bien? Aucune enclave ni entrave. Pas de chaînes, pas de murs, rien. Et le toit était comme un trône. Sato s'y sentait à l'aise. Encore plus prétentieux. Quelle magnifique regard que l'on pouvait poser tout autour, tous les azimutes se présentaient ainsi à lui et il pouvait tous les étudier sagement, patiemment. Car après tout, c'était congé et personne pour l'arrêter. Ainsi, il pouvait regarder les gens aller et venir. Certes, malheureusement la ville n'était pas prise en compte mais il avait un certain œil sur les faits et gestes du dehors. Cibler les proies, les gens à recruter, la partie de relaxation commençait de nouveau comme à chaque congé. Les plans. Penser aux plans. Il se devait de les élaborer durant les deux jours de vacances et joindre les idées du groupe. Mais pas là. Avant, prendre une grande bouffée d'air. Flâner avant d'entreprendre. Juste les deux dernières minutes après leur dernier cours, c'est-à-dire les deux dernières minutes présentes. Sato, Roi des Aristos s'apprêtait alors à quitter le perchoir royal et vaste lorsqu'une tête, plus grande que lui mais tout aussi blonde se présenta dans son champs de vision. Plus loin mais... plus grande? Pas Japonais alors. Ou bien Sato venait de découvrir un autre asiatique à la grandeur magnifique. Personne n'avait dit que ça n'existait pas. Sato continua de fixer le bas monde, sans se soucier de la présence. Que faisait-il? Pas son problème. Mais alors pourquoi l'intriguait-il? L'adolescent se décida alors.

Il se retourna vers l'élève et le détailla. Hum oui, certes, il était étrange qu'il ne l'ait jamais vu. Être aussi grand, même lorsque Sato s'avança jusqu'à l'élève celui-ci ne rapetissait pas. Au moins quelques centimètres de plus que Sato, pas trop car Sato pouvait regarder l'adolescent tout aussi blond se devoir sans casser le cou. Mais tout de même, deux grandes personnes. Il fallait avouer qu'à Sei, il n'y avait pas que le petit peuple. Alors autant cesser de s'émerveiller devant cette grandeur. Sato, à l'aise, prétentieux et posé, les mains dans les poches de son pantalon regarda ledit géant quoique pas si géant, avec un petit sourire toujours coincé aux lèvres. Il pencha légèrement la tête et lorsqu'il croisa le regard de l'autre, une connerie purement provocatrice sortit de sa bouche. Connerie volontaire, amusée, incongrue. Parce qu'il ne connaissait pas cet élève. Jamais vu, jamais entendu et pourtant, Sato le trouvait plus ou moins voyant. Dépendamment de la relativité du cas.

― Salut grand échalas! Tu viens admirer la vue toi aussi? L'école des sexes te plaît?

Pas digne d'un Aristo. Pas digne du tout. Mais parce qu'il était Roi, il se permettait beaucoup de chose et puisqu'il fonctionnaut individuellement pour l'instant. Parce que son rival lui tombait sur les nerfs avec cette perpétuelle envie de sortir les grands mots et les grands jeux de cartes, Sato rencontrait les gens à sa façon. Plus terre-à-terre, cru et directe. Mais toujours avec ce ton condescendant et cette prestance royale naturelle. Cette assurance qui faisait savoir qu'il avait sa place de Roi et qu'il savait la garder. Mais attendez, ne s'amusait-il pas, lui aussi avec les grands mots et les grands jeux de cartes? Si. Bien entendu. Mais avant, s'amuser avec les hors-d'œuvres et après le plat principal, c'est-à-dire les choses sérieuses. Aller directement au front et papoter avec l'ennemi avant de le cibler et d'en faire de la chair à pâté. Doucement tout doucement, c'est encore plus amusant. E les Bastards eux-mêmes pouvaient être considérés comme ennemis potentiels. Et maintenant qu'il y pensait, ce grand blond était-il dans un groupe particulier ou traînassait-il parmi la guerre?

― Au fait, je ne t'ai jamais vu avant. Tu n'es pas chez les Aristos. Tu n'es pas chez moi alors tu es chez les Bastards? Les Gypsies? Le Chimères?

Et ses yeux brillaient moqueusement, toujours désagréablement comme s'il se prenait pour le maître, comme si, parce qu'il était haut, il pouvait s'amuser quand il voulait. N'était-ce pas la raison pour laquelle il était devenu Roi? S'amuser avec cette guerre en tirant une partie des ficelles, avant de les tirer toutes. À sa guise.

Cette journée était enfin terminée. Cette pensée était presque l’unique à traverser l’esprit de Lyov Isaak en cet instant si magique où le professeur leur dit qu’ils pouvaient partir. Mais en vérité, elle n’était pas seule. Une seconde pensée s’agitait sous cette masse de boucles blondes. D’ailleurs, les deux se bousculaient, mais l’une d’elles prit finalement le dessus et avant même de ranger ses cahiers dans son cartable, le jeune homme en sortit un sac de croustilles qu’il ouvrit pour en prendre quelques-unes dans sa main et les dévorer sans se priver. Chose faite et nourriture avalée, tout fut rangé dans son sac qu’il passa sur son épaule en quittant la salle de cours. Enfin libre.
C’était son instant favori de la journée, le moment où il pouvait enfin rentrer à sa chambre, poser ses choses et relaxer. En se rendant justement à ladite chambre, il espérait la trouver vide de colocataires mais, malheureusement pour lui, lorsqu’il poussa la porte il trouva ses colocataires tous sur leurs lits respectifs, et un était assis au bureau pour travailler ses devoirs. Soudainement, tout alla très vite sous ses boucles d’or et il alla jeter son sac sur le lit vide, donc le sien, avant d’envoyer la main aux colocataires et de partir avec sa veste sur l’épaule. Tant pis, il irait sur le toit. C’était son ‘refuge’ quand il rentrait des cours et trouvait la pièce pleine de gens. Pas qu’il n’aime pas les gens, mais disons qu’après une journée de cours il appréciait le silence et que son taux d’irritabilité pouvait vite grimper, alors mieux valait rester tranquillement sur le toit.

La solution lui semblait sans risques, de toute manière ce n’était pas la première fois qu’il montait sur le toit à cette heure le vendredi, et il n’avait jamais trouvé personne sauf quelques fois d’autres bastards venus se plaquer au QG. En effet, ce lieu qui surplombait toute la cours et tout le monde, ce lieu à la fois reposant et agréable était le quartier général des bastards. Bien choisi, quand on veut dominer mieux vaut être le plus haut et le plus fort, le plus intouchable. Comme le sont les bâtards.
Enfin, il poussa la porte et prit une grande bouffée d’air, appréciant décidément ce lieu. Par contre il ne mit pas grand temps à remarquer qu’il n’était pas seul ici non plus. Mais l’autre ne sembla pas trop se soucier de lui, alors durant une seconde ou deux Lyov Isaak se dit qu’il pourrait être en paix, en allant se poster un peu plus loin pour grignoter et fumer, mais non. Ce fut trop rêver, car le blond – plutôt grand d’ailleurs pour un asiatique – se retourna après peu de temps vers lui. Que lui voulait-il ? Il fit quelques pas, et aussitôt Lysaak remarqua à sa démarche et sa posture qu’il ne l’aimerait pas, celui-là. Il avait beau être grand et sembler solide, il n’était évidemment pas des bâtards et donc, avec une telle suffisance, le Russe pouvait en déduire qu’il devait être un aristocrate, ou du moins il en avait les traits et c’était bien suffisant pour qu’il ne l’apprécie pas. Pourtant, il se montra très calme au début, car il n’avait pas envie de se prendre la tête en plein vendredi après-midi.

À la première remarque, Lyov Isaak encaissa en fermant un instant les yeux, l’air agacé. C’était qui, ce type ? Décidément pas un allié c’était certain. Son visage lui rappelait quelque chose, mais il n’arrivait pas à se souvenir où il l’avait vu. Peut-être juste dans un couloir ? Sûrement.
La suite assura à Lyov qu’il avait affaire à un aristocrate, mais vu la tournure de la phrase il réalisa que ce n’était pas n’importe lequel. Il avait dit « tu n’es pas chez moi » alors… était-il le roi ? C’était sûrement de là que le blond connaissait son visage. Tout ça, ça ne lui faisait pas plaisir. Son vendredi n’allait pas être aussi calme qu’il ne le souhaitait, ça il pouvait le sentir.

Il avait écouté les paroles et les questions de son interlocuteur sans répondre avant qu’il n’ait terminé. Lyov, bien qu’il soit chez les bastards, savait se poser un peu et écouter pour analyser et comprendre. Il n’était pas non plus complètement idiot ou irréfléchi, mais plutôt étourdi et inoffensif, en général du moins. Ses sourcils se froncèrent simplement un peu, alors qu’il répondait en sortant son paquet de cigarettes de la poche de son manteau.

« Je viens admirer la vue oui, mais pas celle de ta sale gueule, Сын сука*. »

Il avait une voix qui, à la base, était plutôt douce, mais son ton était sec et imposait un certain respect. Sûrement de par sa langue natale qui était connue pour être très caractérielle. Le russe. D’ailleurs il en gardait, même dans ses mots japonais, une grossière prononciation. Un accent puissant qui ne le quitterait jamais. Une honte selon certains, sa petite fierté personnelle.

D’ailleurs, il l’avait insulté dans cette langue qui était la sienne, se permettant de le traiter de la sorte car l’autre avait employé avec lui un ton qui avait sonné à ses oreilles comme désagréable. Il ne pouvait pas vraiment le sentir, celui-là, à cause de son attitude et de sa manière de lui parler.

« J’suis chez les bastards, je m’appelle Lyov Isaak. Ah, et en passant, je ne suis pas si grand, c’est toi qui est petit. »

Il rendit le sourire suffisant que lui faisait Satoshi depuis le début de leur échange. Il avait aussi un don, ce petit Lyov. Oui, le don de chercher la merde et de mettre le feu aux poudres. Il n’était pas un bastard pour rien, pour lui se fritter ce n’était qu’habitude, et avec un aristo alors c’était encore mieux. Dans tous les cas, il n’y avait bien qu’un bâtard pour dire à un garçon d’un mètre quatre-vingts qu’il était petit. Après, quand on passe ses journées avec des ‘géants’ on a l’habitude des grandeurs, disons. Le roi tapait dans le mètre quatre-vingt-dix et la plupart des autres faisaient à peu près la taille de Lyov, alors ils formaient une belle bande de géants parmi les petits Japonais. Autant dire qu’ils ne passaient pas inaperçue.

À bien y penser, il l’avait peut-être provoqué en disant cela, mais Lyov Isaak avait toujours envie de profiter de son petit vendredi pénard, alors il se dit que peut-être en secouant ce petit parasite alors il partirait de son cher refuge. Ce fut donc en mâchant – pas du tout – ses mots que le Russe ajouta.

« D’ailleurs monsieur l’aristo, tu m’excuseras mais tu es ici sur le territoire des bleus, alors si tu ne veux pas apprendre à voler par la force, je te conseille de prendre les escaliers tout de suite. »

Encore cette voix douce et ce ton sec, mais le sourire avait disparu. Ce n’était pas vraiment le genre de la maison de lancer de telles répliques en rigolant comme un de ces chers Aristocrats. Quand un bastard fait une menace, il la fait sérieusement et avec la ferme intention de la mettre en application. Tous ici le savent bien, et si le nouveau roi ne le savait pas il allait l’apprendre ferme. Fuir n’était pas le genre des oranges, donc tout cela risquait bel et bien de changer le petit vendredi tranquille en vendredi mouvementé ~